COMMENT NAQUIT UN JOUR LA POESIE

Suppliante beauté aux anneaux de Saturne

Le séducteur connait tes effets caressants

Par cent mille détours de ton ample nature

Ne peux-tu détourner la courbe des accents

Et tes yeux dans l’onyx afin qu’il les formule

Lui qui sait qu’un regard est un chemin qu’on suit

Sur les pistes brouillées puisque tu dissimules

Ton reflet sans jumeau dans la gémelle nuit

Hé oui je joue ce jeu c’est un jeu difficile

Tu refais devant moi la ronde de tes pas

J’ai peine à dépasser la barrière des cils

Tellement m’a hanté cet encombrant compas

Tes jambes ces fuseaux que le delta annonce

Delta qui n’est jamais coupable d’un oubli

Car il ouvre délie la rose dans la ronce

Et ce n’est plus le corps mais le cœur du délit

Ton unanime arbuste au comble du vertige

Est bercé d’un désir dont soudain je démens

La flèche je te rends le carquois qui m’exige

Don Juan affublé d’un majuscule aimant

Fin du chapitre charme où fleurit une aurore

J’ai peine à m’arracher au principe des reins

Je cisèle mes mots que c’en est une horreur

Je pourrais en tirer des syllabes d’airain

Tu me connais amour au chant que tu me voles

Tu t’infiltre en moi j’en fais autant

Tu fus mienne compagne en la noce où convole

Un couple mammifère une Eve et un Adam

Cet Adam fagoté comme une floche à pique

Et cette Eve assoiffée suceuse de venin

Confondant tous les deux un as et un aspic

Chassés du paradis furent le lendemain

C’était tant pis pour eux Adam dit on me cherche

Des noises pour une fois que j’avais du jeu

Il faut qu’elle gâche tout cette grande perche

Mais Eve souriait et peignait ses cheveux

Elle se préparait pour son nouveau domaine

Elle aimait sa laideur dans le miroir de l’eau

Adam qui la vit nue envisagea l’hymen

Avec lubricité c’était pour lui nouveau

Et l’amour que serait-il sans la nouveauté

Une coutume pour perpétuer l’espèce

Quotidien le coït fut sa tasse de thé

Un jour pourtant il se ramassa une veste

Son Eve avait rêvé d’un autre mammifère

D’un néandertalien amateur de fredaines

Un bel homme velu et qui savait y faire

Adam devint jaloux et regretta l’Éden

Heureusement pour lui ce ne fut que passade

Sa femme lui revint gourmande de fessées

Fêtant l’évènement il chanta une aubade

Borborygmes rythmés à vous faire dresser

Les cheveux sur le chef vous boucher les oreilles

Eve fut sous le charme et balança son corps

Cette mélodie lui sembla pure merveille

Elle dansa hurla encore encore encore

 Un singe s’arrêta de manger sa banane

Un serpent affolé interrompit sa mue

Un paisible éléphant s’enfuit dans la savane

Chacun crut que la fin du monde était venue

Dieu lui-même assis sur son grand nuage rose

Entendit la chanson dans le soleil couchant

Il décida qu’il devait faire quelque chose

Il créa le tonnerre il inonda les champs

Il plut pendant mille ans se gonflèrent les fleuves

Une île disparut mais debout dans la boue

Adam s’égosillait fier de sa harpe neuve

Qu’il avait fabriquée avec de hauts bambous

Lorsqu’un dieu se fait vieux un autre le remplace

Le nouvel arrivant investit l’Élysée

Il prit le nom de Zeus mais quand dans le palace

Retentirent les cris d’Adam l’exorcisé

Zeus manda du secours réclama de l’aède

(en morceaux tous les jours au petit déjeuner)

Hermès le voyageur se lança dans un raid

Il revint saignant des oreilles et du nez

Tous les moyens furent bons afin qu’on le fît taire

L’aède on échoua telle est la poésie

Qu’on lui coupe les pieds ou qu’on la mette en terre

Elle repoussera dans le désert et si

Jamais quelqu’un voulait ériger la potence

La pendre haut et court peu importe elle attend

Dans un bal des pendus qu’on l’invite à la danse

Et je ne sache pas qu’elle attende longtemps

ENVOI

Vous autres Dieux du ciel qui fûtes bien sommaires

Hommes sur qui mes chants restèrent sans effets

Ne peut-on mélanger la légende et Homère

En décidant qu’Adam décadent fut Orphée

Mais Eve pour autant fut-elle une Eurydice

Là j’hésite il faudrait à mon bétail humain

Un soupçon de talent découvrir un indice

Savoir avec une ombre être le plus malin