RYTHMES BLEUS

Regarde la mer

Elles te boufferaient les vagues

Mais si tu veux de la musique

Regarde la pluie

Qui cogne sur la vitre

Et puis regarde le vent

C’est invisible le vent

On dirait qu’il balaie la mémoire

Qu’il en fait un petit tas sous la table

Regarde quoi regarde

Tes yeux endoloris ont perdu l’habitude

De regarder la vie

La vie justement c’est fait pour qu’on la regarde

Dans le blanc des yeux

C’est fait pour qu’on détaille

Les couleurs

Si c’est le bleu

C’est qu’on prend un nouveau départ

Si c’est le bleu c’est peut-être la peur

De partir

Si c’est le bleu c’est peut-être une erreur

Si c’est le bleu c’est peut-être le sang

Si c’est le bleu c’est la couleur du vent

Si c’est le bleu c’est peut-être le temps

Qu’on peut perdre

Si c’est le bleu c’est peut-être une avance

Si c’est le bleu c’est ton regard sous l’averse

Si c’est le bleu c’est l’amour que tu laisses

Dormir

Dans un lit blanc

Si c’est le bleu c’est le point de rupture

Si c’est le bleu c’est l’encre des ratures

Si c’est le bleu c’est après la morsure

Et même longtemps après

Si c’est le bleu alors je te le jure

Qu’on va s’en rassasier du bleu

Nous irons jusqu’au mauve

Si c’est le mauve le début du mauvais

Si c’est le mauve comme dans la mouvance

        des idées qu’on oublie comme dans la danse

Si c’est le mauve c’est peut-être une offense

Si c’est le mauve c’est déjà la vengeance

Si c’est le mauve il faut s’en émouvoir

Si c’est le mauve c’est peut-être le noir

Qui voit la vie en rose

Si c’est le mauve où le rouge est absent

Imagine qu’une larme de toi tombe dedans

Mais si c’est le mauve de tes cernes mon amour

Alors je ferai le détour qui passe par ta fatigue

Qui passe par ta faim

Par la ligne de tes yeux

Par les signes de ta main

Un geste de toi et j’invente la couleur qui te manque

Et j’invente l’absence de la douleur

Et j’invente le papier qui fera une lettre

Dis-moi la couleur qui te passe par la tête

Dis-moi le monde que tu veux

Il ne sera ni rouge ni mauve ni bleu

Tu peux très bien vouloir un monde sans couleurs

Je te ferai la vie en noir et blanc

A défaut d’y crever d’ennui

Je crèverai l’écran