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Un monde pourri... et autres raisons de se lamenter
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- Catégorie : Littérature générale > Nouvelles
- Date de publication sur Atramenta : 15 mars 2013 à 18h48
- Dernière modification : 15 mars 2013 à 18h54
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- Longueur : Environ 373 pages / 93 272 mots
- Lecteurs : 444 lectures
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Un monde pourri... et autres raisons de se lamenter (Oeuvre réservée à un public averti)
Contrôle permanent
Chapitre 1
La sonnerie de téléphone tira l’informaticien-programmeur de sa profonde réflexion face à ses deux écrans, son plan et ses multiples notes.
— Fred, je suis mal. Je viens de recevoir un mail de ton chef de service. J’ai un virus sur ma bécane. Je suis convoqué chez le DRH ce soir, pour qu’il me lise la lettre qu’il compte m’envoyer à domicile. Il parle déjà de faute grave.
— Calme-toi Gérard. Il y a des lois qui te protègent, mais j’espère que tu es assez clean quand même. Il était où ce virus ?
— Sur mon disque.
— là j’ai compris, dis, transfère-moi ton mail avec sa pièce jointe.
— Sa pièce jointe ? Je n’ai rien pigé à ce qu’il y a écrit dessus.
— C’est un compte-rendu automatique d’infection standard. Pour un informaticien, il y a tout. Pour la loi aussi.
— N’empêche que moi je n’y comprends rien.
— Tu n’es pas le seul. À part les informaticiens et les juristes, les autres ne doivent comprendre qu’une chose. Ils font ce qu’on leur dit, il ne font pas ce qu’on leur dit de pas faire, sinon ils sont sanctionnés.
— Bon, alors, transférer...
— Et ne fais pas comme la dernière fois "répondre à tous".
— C’est bon, une fois a suffit. J’ai compris maintenant.
— Bon, je l’ai reçu. MMM... T’as pas de pot vieux.
— C’est quoi ?
— Oh, presque rien. Un faux positif.
— Un quoi ?
— Un programme qui n’est pas un virus, mais que le programme de recherche confond avec un virus qui a un bout de code similaire dans sa signature.
— ? ? ? ?
— T’as pas l’air de comprendre.
— Tu sais bien, moi, l’informatique.
— On ne peut pas traquer les virus seulement sur leur nom. Ce serait trop simple qu’il change de nom et puis continue son chemin. Alors, pour chaque malware, enfin, "programme méchant", on repère un bout de programme qui n’appartient qu’à lui, et on appelle ça "signature". Bon, c’est un peu plus compliqué que ça, mais c’est pour expliquer. Comme ça, on peut non seulement détecter des vilains programmes, mais on peut aussi détecter les bouts de programme que les virus rajoutent à des fichiers normaux, type exécutable par exemple, ou alors aux macros dangereuses qui sont rajoutées dans les fichiers de traitements de textes ou de tableurs évolués.
— Des maquereaux ?
— Des bouts de programme évolués dans le langage du logiciel qui gère ton contenu.
— T’es lourd.
— Vous voulez tous faire de l’informatique sans en apprendre les bases.
— Eh, j’suis qu’un utilisateur moi !
— Et bien, je vais te parler de choses que tu connais. Tu aimes les chiens ?
— J’en ai deux.
— Quand tu les sors dehors, ou si tu en adoptes un dans la rue, avant de le faire entrer chez toi, tu vas le nettoyer.
— Bien sûr, je n’aime pas les puces.
— Et bien, imagine que les puces, il en existe plus de mille espèces, et que tu disposes de cinquante insecticides différents car chacun ne tue pas de la même façon les puces mais aussi leurs oeufs. Vu le prix des insecticides, tu ne peux pas te permettre de passer tes chiens avec les cinquante insecticides à la fois.
— Bien non, il va en crever.
— Parfois on n’a pas le choix non plus, tu vas voir plus loin. Donc, il faut d’abord un programme qui scanne ton chien pour trouver une puce, c’est l’antivirus, puis quand il en trouve une, il l’identifie et consulte sa bibliothèque pour connaître la puce : c’est le fichier de signature. Et ensuite il choisit la meilleure façon de l’éradiquer. Voila pourquoi il faut aussi mettre à jour des modules.
— Et s’il voit pas de puce ?
— Il y a deux solutions. Soit il y en avait une et il l’a confondue avec un vulgaire grain de sable car il n’a pas été alerté par la signature, et cela veut dire que ton chien peut malgré tes mesures de précautions te refiler une puce, soit il ne t’arrivera rien, et c’est le but de toute cette traque.
— Mais on ne peut pas être sûr que le chien n’a rien ?
— Non, on ne peut qu’être sûr qu’il n’a pas une menace déjà clairement identifiée. C’est pour cela qu’on cherche a avoir une longueur d’avance et qu’on recherche aussi avec des signatures voisines des signatures de puces. On espère ainsi découvrir une nouvelle espèce ou une mutante. Mais parfois, on tombe sur une fourmi qui ne fait pas de mal.
— Bon alors je ne risque rien ce soir.
— Si quand même. Imagine que ta femme ne t’ai autorisé à n’avoir que deux chiens de garde. Et qu’à cause d’une fourmi que le détecteur non pas à l’entrée, mais dans la maison détecte une fourmi qu’il a pris pour une puce dans la chambre. Ta femme va dans la chambre et trouve un clébard que tu y planquais, et qui n’a rien à foutre là. Tu as des chiens pour la sécurité de la maison, mais celui-là, il est petit, gentil et joueur. Il est donc inutile. Elle ne veut pas le nourrir, le sortir, et attraper des puces par sa faute. En plus, pendant que tu joueras avec lui, tu ne seras pas avec elle ou en train de faire le ménage ou la vaisselle, tandis qu’elle n’arrête pas, entre les gosses ou la cuisine...
— Tu n’es pas marié toi ?
— Détourne pas. Bref, avec ce chien, tu es moins productif et tu fais courir des risques pour toute la famille. Ce sont les puces qui propagent la peste. Bref, tu es un mari indigne, elle exige la mort du chien et elle va divorcer avec tous les torts de ton côté.
— C’est pas excessif ça ?
— Tant qu’on parle de chiens, de puces et de microbes, c’est la loi de la nature qui s’applique en toute cruauté, mais sans arrière pensée. En matière de virus en informatique et sur le net, c’est une guerre économique pour les uns, hégémonique voire même idéologique, totale et même par simple perversion. Le but est de ralentir, blesser, tuer, décimer... on ne sait jamais ce qu’on peut ramener par téléchargement ou avec sa clé.
— Alors ce soir, je suis mort.
— Il y a encore un flou dans la réglementation, mais bientôt, il peut y avoir un barème mis en place, alors qu’aujourd’hui, c’est une question de jurisprudence qui tente de sauvegarder les droits des employés face à la paranoïa des patrons qui comprennent pas plus que toi bien souvent et le risque encouru malgré tout pour les réseaux. On va te reprocher des fichiers persos inutiles qui ne sont que des suspects potentiels. Tu en as peu heureusement pour toi. Mais tu sais bien que certains en ramènent par wagons entiers pour rire entre copains. C’est fini. À la limite, transférez vos bêtises via les "stations blanches", au moins ça testera les logiciels anti-virus, bien que, je ne sais pas si c’est bien un bon conseil, car si vous la contaminez et que ce n’est pas détecté, vous réussirez à contaminer le réseau quand un type ira tester une clé pour ses fichiers de travail. La rigolade est terminée. En plus, les responsables informatiques perdent trop de temps à gérer les "alertes" et cela a un coût élevé pour la boîte. Et ce n’est pas seulement ici que les messages d’alerte virale sont envoyés, mais directement au siège. Bref, il y a des comptes à rendre en haut lieu pour apparemment des peccadilles, mais qui coûtent très cher déjà sans sinistre. Alors, ne t’attends pas à ce qu’on fasse des cadeaux dans l’avenir, pour toi comme pour les autres.
— Qu’est ce que tu peux pour moi ?
— Je vais venir effacer tout ce qu’on peut, et qui n’a pas encore été vu. Et puis, ça peut t’éviter la récidive alors qu’en fait tu n’auras rien rajouté. Les fichiers de signatures changent tous les jours. Ce qui semble clean aujourd’hui risque d’être détecté demain. Je ferai savoir que t’as bien pigé la leçon, ce qui ne peut qu’arranger éventuellement la sauce. Et puis, je peux en parler au responsable syndical pour qu’il te défende. Tu fais partie du syndicat ?
— Non, mais s’il m’aide, demain, je m’y inscris. Putain d’ordi, on peut pas lui faire confiance, à ce cafteur
— Dis-toi que ce n’est pas le tien.
— N’empêche que tu conviendras...
— De rien. C’est comme ça. La peste, ce n’est pas moi qui l’ai inventée, et c’est moi à qui tu viendras faire des reproches si tu l’attrapes vraiment et que je t’ai aidé à planquer de misérables cabots dans ta cave pour éviter les contrôles sanitaires.
— Vous aimez ça les histoires de puces, les informaticiens.
— Nous en avons aussi de plus binaires que vous les primaires ne pouvez pas comprendre...On vous laisse avec vos histoires de blondes, que vous vous racontez plusieurs fois avant de comprendre.
— Gros malin.
— Bonne soirée quand même.
— Merci, je te raconterai...
Chapitre 2
L’e-téléphone de Fred joue les premières mesures du "concerto en sol mineur", sonnerie libre de droits et moitié prix sur le 0864-1285-10987.
Sans interrompre son surf, Fred clique sur l’icône C’est Gérard.
— Allô Fred... Dis, j’ai mon ordinateur qui vient de me mettre une prune.
— Aie, c’est quoi le motif ?
— Joke_Lapinghost.AX a été trouvé dans votre boîte aux lettres.
— C’est qui qui t’a envoyé le mail ?
— Et bien, tu vas rire, c’est toi il y a une semaine.
— Bref, tu veux me dénoncer.
— Comprends moi, je n’ai plus que trois points chez mon F.A.I. Après on me coupe le Net.
— Bon OK. Envoie-moi le formulaire de transfert de responsabilité. Et je m’arrangerai avec mon collègue de chez bleu-foncé pour garder mes points. Tu sais bien qu’il ne faut pas garder les e-mails trop longtemps.
— C’est vrai, d’habitude, j’efface dès que j’ai lu. Mais t’es un bon copain, et surtout tu m’expliquais comment télécharger sur MP3allofm sans me faire prendre.
— Tu aurais dû faire un copier-coller. Et puis, ne t’inquiète pas pour les points. Quand il ne t’en reste plus qu’un, on te donne la possibilité de suivre un stage qui t’en revalide quatre. Le stage est en ligne et dure une journée. Il est un peu cher, soit, mais tu peux surfer. Et tu ne risques en aucun cas une amende supérieure à ton nombre de points moins un. Il y a un contrôle mais chut. Il n’est pas de leur intérêt que tu ne puisses pas surfer. Seul les vrais criminels sont isolés.
— C’est étonnant quand même que toi, tu n’aies pas été pris.
— Joke_Lapinghost.AX s’est échappé de mon clapier. J’ai fait le ménage avec la signature adéquate sur mon poste en isolé. Normalement, je n’envoie pas d’emails plombés aux amis avec mon nom d’expéditeur. C’est plutôt les carnets d’adresses des grosses boîtes qui m’intéressent..
— Tu es un salopard de hacker ?
— Par nécessité Gérard. Je ne vole pas d’argent. Je ne détruis rien. Je n’exporte pas de données. J’envoie juste mes messages d’avertissement aux internautes.
— Toujours ta lubie sur le conflit capitaliste mondial ?
— Ton syndicat commence à s’y intéresser. D’ailleurs, j’ai parlé de toi pour une bonne place à la direction.
— C’est vrai ? Mais tu n’es pas syndiqué toi.
— Je n’en ai pas le droit. Je suis informaticien. Nous avons un devoir de réserve et une politique de secret.
— Tu trahis les tiens ?
— Nullement. Mais je tiens au courant les représentants de la population qui sont dans l’opposition des décisions qui la concernent et qui sont prises en haut lieu par des non-informaticiens en matière de gestion de la sécurité informatique.
— Bof, tout le monde s’en fout.
— Oui, mais aucun internaute n’a pu se défendre quand le permis de surfer a été mis en place, et que les F.A.I. ont été contraints de mettre en place la politique de protection anti-virale et anti-hackers du Net français.
— Il y a toujours autant de virus.
— Il n’y en a jamais eu si peu. Mais actuellement, tous les développements de logiciels libres sont visés. Les petits jeux gratuits, les utilitaires, les programmes multimédia... C’est du manque à gagner pour les grosses sociétés informatiques américaines et chinoises. Alors, bientôt, il n’y aura plus de développeurs indépendants. Le terrorisme informatique aura perdu une arme, mais la guerre va être longue et la première victime sera la biodiversité en programmation.
— Et alors...
— Un jour, tu paieras pour tous les petits services qu’aujourd’hui les gros t’offrent parce que d’autres pouvaient encore te les offrir gratuitement.
— Tu vois le mal partout.
— Il se rapproche chaque jour de toi, et il te murmure : "Tout va bien. Je t’aime. Je vais m’occuper de toi, moi et moi seul."
— Il n’empêche que c’est à cause de toi qu’il y a toutes ces obligations de sécurité.
— Ne me fais pas rire. Je leur fais gagner des millions, et ils en profitent pour se rendre indispensables. En plus, ils se permettent aujourd’hui de piocher directement sur le compte des gens même avec des découvertes de faux-positifs. C’est à toi à prouver que le programme anti-viral a fait une erreur de jugement, alors qu’en plus, il a effacé la preuve physique sur ton disque, sous prétexte d’éradication de la menace.
— Il y a quand même un avis de procès-verbal électronique.
— Et il est vérifié par qui banane ?
— Quoi ? Ce ne sont pas des flics qui...
— Des flics électroniques, et des informaticiens payés par les boîtes d’informatique pour être vérifiées par eux. Tu vois toi un informaticien se retourner contre son employeur ?
— Mais comment ?
— La loi votée l’année dernière au parlement européen qui autorise l’application de peines automatiques par les sociétés lésées par le piratage informatique et par les instances de surveillance de la fiabilité du réseau mondial.
— C’est pour ça que les PV sont en anglais ?
— Et oui, il paraît que c’est la seule langue du monde aujourd’hui. L’amendement qui autorisait la traduction en français pour les français a été supprimé au dernier moment par le Conseil Constitutionnel Européen car il créait une différence entre internautes, à partir du moment où un internaute italien ou polonais ne pouvait pas bénéficier d’une traduction dans sa langue d’origine.
— Encore heureux que "fenêtres" soit en Français.
— C’est bientôt fini. Avec l’amélioration du réseau ADSL Mondial, et donc des vitesses de transfert, les micro-ordinateurs ne seront plus équipés de disques dur système. Tu te connecteras grâce à une clé USB vendue avec l’ordinateur qui te dirigera vers ton bureau virtuel. Ainsi, la configuration de ton environnement et tes fichiers seront contrôlés directement en ligne et il te sera impossible d’obtenir un logiciel pirate. Tout sera en anglais pour faciliter la maintenance. l’avantage pour toi sera de pouvoir avoir des jeux en ligne indépendants de ton type de processeur.
— Ce sera la fin de la responsabilité des virus alors ?
— Sauf si tu en fabriques toi-même et que tu les introduis par le port USB 4.. Mais ils trouveront bien autre chose pour compenser la perte des amendes en ligne. Déjà, la licence mensualisée du pack logiciel initial ne sera pas donnée...
— C’est dingue le pognon. J’utilise de moins en moins de liquide aujourd’hui, puisque on achète le plus souvent en ligne et que que tous les commerçants sont connectés et me débitent avec ma carte bleue dès le premier cent. Il n’y a plus que pour les artisans qu’on fait des chèques.
— Et oui, les banques ont l’avoir mondial en réserve, même si une bonne partie ne leur appartient pas. Et au lieu de verser des intérêts, elles font payer des frais, et surtout pour les chèques ...c’est fort non ?
— Pourquoi personne ne dit rien ?
— Tu fais quoi si on te ferme ton compte ?
— Bref on est tenu par les cordons de la bourse.
— C’est pareil pour les gouvernements.
— Je n’en suis pas plus consolé pour autant.
— Va faire un tour sur Second Life. Tu connaîtras peut-être un sort plus enviable.
Chapitre 3
— Tu en reprends une, Fred ?
— OK Gégé. De toutes façons, maintenant, on est mûrs pour rentrer en taxi.
— Patron, s’il vous plaît ?
— Dis, tu sais ce que dit un noir mouillé qui entre dans un café ?
— Tu sais ce que tu risques aujourd’hui avec ce genre de blagues foireuses ?
— Si on ne peut plus plaisanter.
— On ne peut plus rire de tout, et surtout des autres. Les caméras ne sont plus couplées à de simples enregistreurs, mais à un programme qui réagit à des mots clés classés sensibles et qui signale une possible infraction à la charte de bonne conduite citoyenne.
— Déjà qu’on a plus le droit aux gros mots pour ne pas risquer de choquer des gosses.
— Ils ont bon dos les gosses. Ce sont les pseudos bien-pensant qui ont des vapeurs à la moindre grivoiserie.
— En attendant, les ligues antiracistes nous interdisent de simples plaisanteries.
— Même les blagues de blondes sont interdites parce qu’elles discréditent l’image de la femme.
- "C’est l’histoire d’un mec...", c’est sexiste ?
— Comme quoi, tout est fait pour nous encourager à nous taire.
— Tu sais que les gens moches vont bientôt pouvoir bénéficier des mêmes droits que les handicapés et les gros pour bénéficier de la protection anti-discrimination ?
— Tu as vu leur leader ?
— C’est sûr, il n’est pas photogénique.
— J’ai pris l’avion la semaine dernière. L’hôtesse de l’air de ma rangée devait faire partie du pourcentage obligatoire de gros thons dans l’entreprise.
— Le genre qui évite d’ailleurs les délires en plein ciel.
— Sûr, tu passes du septième étage au trente-sixième dessous en moins de deux.
— J’ai encore pris une amende par un modérateur sur un site pour "outrage" la semaine dernière. J’avais juste écrit que Johnny commençait à se faire vieux.
— C’est nominatif.
— C’est une vedette. Cryogénisée de son vivant, non déclarée morte afin de pouvoir toucher les royalties à taux plein, et c’est sa "major-administratrice" de ses biens qui conserve tout au détriment des héritiers.
— Justement. S’ils ne te sanctionnaient pas sur le site, ce sont eux qui auraient été poursuivis. Mais les modos n’existent plus. Ils ont été remplacés par des programmes experts détecteurs d’insanités.
— Alors, avant, on payait pour les virus. Aujourd’hui, c’est sur les mots.
— Les virus existent encore. La concurrence est dure et l’internaute est un consommateur volage. Il n’y a plus besoin de spyware, c’est à dire de programme espion, pour se renseigner sur tes habitudes de consommation, puisque après le scandale d’"Hasta", où le concepteur de l’OS faisait payer ces données aux entreprises en profitant de sa position dominante de système d’exploitation, tes données personnelles sont gratuitement proposées à tous les industriels. À eux de développer les programmes de classement, pour juger de ta potentialité d’acheter leur produit.
— Et la vie privée ?
— Que tu sois sur le Net ou dans la rue, tu n’en as plus. Tu es "à cœur ouvert" sauf pour l’accès à ton compte en banque, mais tout le monde peut savoir où en est ta situation financière.
— C’est pas vrai ?
— Mais si. Les lois l’autorisant ont été votées cet été.
— Mais les médias n’ont rien dit.
— Tu sais bien qu’il y avait cette histoire affreuse de violeur d’enfants handicapés, les vacances du président en Floride et la mort de Luc Besson à un âge plus que vénérable, mais dont tout le monde s’est accordé à dire que c’était une grande perte.
— C’est vrai. Et puis, c’est tellement rébarbatif la politique...
— Bref, maintenant, il s’agit de se greffer sur l’affichage publicitaire d’un autre.
— Donc, pas d’action néfaste pour mon système. de toutes façons, mon ordi sans disque dur ne risque plus rien.
— Détrompe-toi. Il a un mini système pour se connecter. L’ancien bios a évolué, et c’est une cible. Par exemple, on peut toujours reprogrammer ton écran pour décrypter illégalement les chaînes payantes.
— Ce serait plutôt un avantage...
— Et non, parce qu’au bout d’un petit moment, on te propose un "abonnement pirate" ou une dénonciation. Bref, ou tu payes pour avoir illégalement les chaînes en question, ou tu es dénoncé et tu payes une lourde amende. En plus, on soupçonne les majors de s’auto-pirater les abonnements haut de gamme, pour mieux te faire payer ensuite, parce que ça rapporte plus que les abonnements traditionnels qui ne sont que des prix d’appel dont les internautes non piégés se contentent.
— Quels salauds !
— Retiens-toi, ils viennent de te coûter dix crédits.
— C’est ma première grossièreté depuis trois mois. Mince, j’avais un sursis six mois.
Vibrations et air de "lalala" électronique à deux2 crédits en téléchargement au 0794-12768-AZ123.
— On te sonne.
— Qui ça peut bien être ?
— Vous venez de commettre une atteinte à la bienséance. Votre compte vient d’être débité de dix crédits. Vous pouvez contester cette contravention. Pour se faire, vous devez tout d’abord payer le tarif normal de cette contravention à vingt crédits.
Pour reconnaître vos torts, tapez 1. Pour demander une analyse humaine du délit, et payer l’amende dans sa totalité tapez 2"
— T’as entendu ça ? C’est nouveau ce contact téléphonique.
— Je préfère ne pas en dire ce que je pense. Je tiens à mes crédits. La prochaine tournée est pour moi si ça peut te consoler.
— Non, je préfère rentrer. Si je bois encore, je risque de laisser éclater ma colère. Et demain, au syndicat, un autre va prendre ma place car ils vont considérer que j’en suis indigne. Je suis représentant régional maintenant.
— Félicitations.
— Ça risque de ne pas durer. Des rumeurs de dissolution des syndicats courent. Nous nous sommes opposés aux partis politiques qui selon nous ne représentent plus le monde du travail, et ils ont décidé de nous éliminer.
— Ce n’est plus de l’informatique et du contrôle du bon emploi des ordinateurs et des logiciels. J’espère qu’on ne va pas nous demander de censurer ouvertement les gens.
— L’air de rien, avec votre "citoyennement correct", c’est déjà fait.
— Oui, mais les logiciels pour "jauger" de la subversion ne sont pas encore au point. Il faut parler de crimes et délits graves pour activer les "oreilles électroniques". C’est le même principe qui est utilisé pour les détecteurs d’insanités, ou les atteintes à la personne. Les informaticiens complices peinent à faire saisir l’ironie et le second degré aux systèmes experts.
— Mon cher ami, j’aime de moins en moins ton travail, qui sur le Net comme dans la rue, place des flics électroniques à tous les carrefours.
— Il fallait faire un sort aux première boîtes de conserves qu’on a installées en bord de route pour stopper "le massacre".
— Encore une bonne intention pour nous vider les poches.
— C’était la volonté de la majorité des français.
— Tu crois qu’à l’époque, quand on l’a mis en place, c’était que pour ça ?
— Je sais pas. Mon père disait qu’il n’avait pas su choisir entre la peste ou le choléra.
— Et bien, la peste est restée sur le trottoir, et l’autre nous a bien fait...nous vider.
— Je vois que tu te reprends vite. Appuie vite sur le bouton. Il y a une majoration de l’amende au bout de dix minutes.
— Et mince j’oubliais. Ah je te jure. Quand j’ai défendu "le droit au portable pour tous", je ne savais pas qu’il allait ensuite devenir obligatoire et nous casser autant les pieds.
— Il y a un vieux slogan qui dit "La liberté qui tient à un fil"
— Il y a une autre expression de bon sens qui parle de "pendu au téléphone"
— En tout cas, c’est pareil. Vous l’avez voulu. Vous l’avez eu.
Chapitre 4
— Salut Fred, c’est pas facile à trouver chez toi.
— Eh oui Gégé, vous les citadins, dès qu’il n’y a pas un panneau tous les dix mètres...
— Heureusement qu’il y a le GPS
— C’est vrai, des explications avec des points de repère tous les kilomètres, c’est vague...
— Et puis, si ce n’est pas la rase campagne, c’est quand même le Médoc et ses pins. Pourquoi m’as tu demandé de venir en plein hiver ? C’est l’été que c’est le plus intéressant.
— Ça ne pouvait pas attendre cet été. J’ai des choses à te dire que le circuit intérieur d’un appartement ne doit pas retransmettre.
— C’est obligatoire pour protéger les enfants contre les pédophiles, les mauvais traitements, la mauvaise éducation.
— Oui, mais là, tu vois, c’est impossible de monter un système de surveillance vidéo dans tout le terrain. Seule la baraque est équipée, avec aussi la protection anti-rôdeur qui en surveille les alentours.
— Tu as combien là ?
— Cinq hectares. Un vrai parc pour se détendre.
— Bon, avant d’aller prendre l’apéro, que voulais-tu me dire ?
— Tout à l’heure, quand tu auras déposé ton portable à l’intérieur.
— Il est coupé.
— Non, il émet toujours. Un système expert traque les mots clés mais enregistre "pour le cas où". Les fichiers sons sont compressés et ne seront effacés que dans deux ans du système actif.
— Bon, et bien, aide-moi à décharger le coffre avant que la pluie ne nous tombe dessus.
— J’allai te le proposer. Tiens, passe-moi la grosse valise et prend le reste.
— Tu as vu ? J’ai pu avoir une bouteille de pinard.
— Ici, à part dans quelques châteaux pour une production confidentielle, il y a belle lurette qu’ils ont arraché les vignes pour produire du bio-carburant. Et la plupart des whiskys et des vodkas ont aujourd’hui un arrière goût de pétrole.
— On va se la boire à la santé du bon vieux temps.
— Pas de problème. Tiens, pose tout sur la table.
— Ouah, un vieux Godin !
— Il fait bon hein ? C’est bien parce que je ne paie pas le bois.
— Tu pourrais en vendre.
— J’ai déjà ma paie d’informaticien et je suis célibataire. Tu veux qu’il parte en fumée pour les uns, en impôts pour les autres. Je préfère encore qu’il me chauffe ici ou qu’il me fasse de l’ombre l’été.
— Tu es un mauvais citoyen.
— Tu en connais toi qui donnent à d’autres organismes qu’au Trésor Public pour les impôts et contravention, ou aux associations caritatives qui ont droit à leur show médiatique. Plus d’argent liquide, plus de possibilité de filer une pièce à un clodo.
— Et tu vois, il n’y a presque plus de clodos. En plus maintenant, ils te demandent réellement quelque chose pour manger.
— Pour un... tiens, viens, je voudrais te montrer mon petit carré de légumes.
— Rien ne pousse en hiver ...
— Justement, gros malin, tu verras mieux.
— Ah oui.
— Il flotte. N’oublie pas de laisser ton portable. Tiens, mets cet imper. On va passer d’abord à la grange. Ici une petite clôture électrique contre les sangliers.
— Il y a encore des sangliers ?
— Une petite centaine pour tout le département. Mais les paysans du coin se plaignent de leurs dégradations qui risquent les mettre sur la paille. Ils risquent fort de rejoindre les ours d’Europe dans les poubelles de l’histoire de l’évolution.
...
— Là, nous sommes hors d’atteinte. Je voulais te féliciter pour ta nomination comme chef de réseau sud-ouest.
— Comment es-tu au courant ? Je suis déjà repéré ?
— Comment es-tu entré au syndicat, mon ami ?
— Mais toi, tu es à quel niveau ?
— Je n’en fais pas partie. Je suis un de tes correspondants anonymes. Ou peut-être même aujourd’hui le seul, car des camarades ont été "écartés" dernièrement. Ils sont en vacances permanentes dans un centre spécialisé totalement sans ADSL, Wi-fi et même câble téléphonique.
— Je n’y crois pas. Je te croyais seulement un peu amer sur la tournure qu’avait prise les choses mais...
— Les informaticiens sont aujourd’hui contraints d’appliquer la gestion voulue par les grands groupes industriels. Nous maîtrisons les médias, le système judiciaire de premier niveau contre les petits délits citoyens et l’info-surveillance globale.
— Et nous, on communique par petits papiers que nous rédigeons dans les toilettes et que nous nous passons de la main à la main.
— À cause de vous, certains s’interrogent pour savoir si nous pouvons justement vous surveiller jusque là. Heureusement que les coincés religieux s’y opposent. C’est bien la première fois qu’ils protègent vraiment les citoyens.
— Un monde de fous.
— Tu te rends compte. La tyrannie s’est montée en s’appuyant sur la culture des loisirs qui a accusé le net de tous ses maux, sur le respect de l’individu qui a mis en place une politique de surveillance de la bienséance des propos, sur le désir d’une justice qui protège l’individu, en particulier les enfants et sur le respect de la propriété intellectuelle dans le cadre d’un commerce respectable. Les progrès de l’informatique et de la communication ont servi d’abord l’anarchie qui a fait croire à la liberté puis ils ont permis d’organiser, dans un souci de "sécurité" et de justice le filtrage, la censure, les manipulations, les mensonges alors qu’en même temps elles rendaient publiques les données personnelles, et créaient un droit à l’image à deux vitesses.
— Moi, je n’ai rien vu venir, et si je n’avais pas été au syndicat...
— C’est pour ça que je l’ai soutenu dans la défense des employés, puis pour les droits des individus avant que tous ne soient dissous. Mais aujourd’hui, faire partie de ton réseau équivaut à être un terroriste, qui est, par définition, un grossier personnage pédophile et asocial mettant en péril notre économie et notre bonheur.
— Tu as toujours été excessif sur ce sujet.
— C’est tout le monde qu’ils ont réussi à enfermer entre des limites qu’il est délictueux de franchir. Limites tout à fait subjectives et qu’ils n’ont eu de cesse d’en réduire l’amplitude. En même temps, la confiance en l’autre s’est émoussée et chacun se referme. Nous sommes amis depuis si longtemps, et pourtant, tu ne sais même pas lequel de tes correspondants je suis.
— Aucun depuis que le système de codage des échanges est inexploitable.
— Je ne sais qui a vendu la mèche. Pourtant, avoue qu’il était bien ce système.
— J’ai jamais bien compris comment ça marchait.
— C’est simple. Toi, tu faisais ton message en clair. Le programme séparait tous les mots puis allait les chercher par l’intermédiaire d’internet dans les archives des comptes rendus de l’Assemblée Nationale. Il les remplaçait donc par des coordonnées qui permettaient de les retrouver. Décoder ces coordonnées sans avoir accès aux documents de référence était impossible. Néanmoins, il y avait un deuxième niveau de sécurité. Il fallait choisir une image anodine à transmettre. Chaque pixel d’image a un code couleur. L’image était traduite en 65000 couleurs puis en 16 Millions de couleurs. Cela laissait le dernier octet de codage de chaque pixel libre. Le message lui était traduit en caractères entre 0 et 50. On rajoutait à chaque pixel en 16 M cette valeur dans l’octet libre. Ainsi sa teinte variait très peu et l’image paraissait normale. À l’arrivée, il fallait être identifié pour pouvoir passer l’image au programme récupérateur. Celui-ci allait lire seulement dans le dernier octet de codage des pixels pour récupérer les valeurs ajoutées qui donnaient les coordonnées de recherche. Tu as compris maintenant ?
— Non.
— Tu sais ce qu’est un octet quand même... ? Et puis, c’est pas grave. Quand quelqu’un a craché le morceau, c’était trop tard pour trouver un autre système. Et au passage, ils ont supprimé pour les citoyens une dernière chance démocratique de savoir dans quelles circonstances étaient votées les lois.
— Pourquoi m’as tu fait venir ?
— Il existe un talon d’Achille à ce système. Il est tellement gros que personne ne le voit. Mais pour l’exploiter, il faut une action concertée globale.
— Alors parle. Tu m’intéresses. Et sois moins "technique" cette fois. Parce que vous, les informaticiens, vous finissez par embrouiller tout le monde.
Chapitre 5
— Alors Gérard, elle se passe comment ta petite révolution ?
— Les affaires commencent à se tasser. Il va falloir reconstruire maintenant.
— Le réseau a redémarré ce matin. J’attends encore les ordres pour enlever les programmes de contrôle de contenu.
— Ils étaient mis en place par la loi. Nous n’avons encore pas mis en place toute l’équipe intérimaire.
— Heureusement, vos équipes étaient là pour prendre d’assaut les bâtiments officiels.
— Vois-tu, ça ne c’est pas tout à fait passé comme tu as pu le voir à la télé.
— Et tu vas me dire comment ça s’est passé quand même ?
— Tu aurais pu le voir si tu avais fait le coup de feu toi aussi.
— J’étais à mon boulot, dans les bunkers aux serveurs sensibles. Dès le début, nous avons été consignés sur place.
— Bon, à neuf heures du matin, tous les sympathisants ont déclenché la mise en route d’un maximum d’appareils électriques tandis que d’autres organisaient des cours circuits sur les voies de chemin de fer, les tramways. Nous sommes passés ensuite maison par maison pour faire fonctionner les chauffages électriques, les fours à pyrolyse etc. etc. Et quand la première centrale a sauté, nous avons prévenu les autres régions du succès de la méthode. Tout est resté branché afin de faire disjoncter en cas de tentative de reprise. Puis nous avons expliqué que les caméras ne fonctionnaient plus, que les ordinateurs eux-mêmes ne pouvaient rien et qu’il fallait téléphoner aux amis pour leur faire consommer un max de courant pour en arriver à la même chose.
Ensuite, nous avons rallié le maximum de gens pour prendre d’assaut mairies et commissariats. Ils ont été surpris et la plupart de leurs sécurités protégeant leurs arsenaux dépendaient d’une alimentation électrique. D’ailleurs, il y avait peu de héros motivés dans leurs rangs. Bien sûr, certains sont montés aux poteaux pour détruire les caméras dans les lieux publics en toute impunité. D’autres se sont servis dans les magasins. Des jeunes ont bu et en ont profité pour faire un peu de casse. Politiques et hauts fonctionnaires se sont enfuis. Nous avons pu donc entrer sans coup férir, avec la télé qui a filmé avec des batteries, dans les mairies, à l’Élysée, à Matignon...
Des excités ont brisé beaucoup d’ordinateurs aussi. Tu n’aurais pas aimé. Et finalement, quand le courant est revenu quelques heures plus tard, nous avons pu annoncer qu’une ère nouvelle allait commencer.
— Là, je t’ai vu. Tu passes très bien à la télé.
— Ceux que tu n’as pas vus, ce sont ceux qui nous ont permis de remettre le courant, une fois le réseau déconnecté.
— C’étaient qui ceux-là ?
— Ceux qui ont préféré couper les centrales avant qu’elles ne disjonctent et conseillé à l’équipe précédente de filer tant qu’ils le pouvaient.
— Et vous en avez fait quoi de ceux-là ?
— Des alliés pour permettre de rétablir une situation plus sereine.
— Et d’établir la nouvelle équipe dans les fauteuils encore chauds des partants en attendant un vote démocratique.
— Tu as tout compris.
— Bref, rien ne va changer.
— Ne dit pas ça...Nous allons déjà accorder plus de liberté de parole et augmenter un peu les salaires qui en ont bien besoin.
— Et les informaticiens dissidents exilés en Corse dans des établissements fermés ?
— Ils vont y rester. Par contre, pour toi, j’ai réussi à t’obtenir une villa en pleine campagne avec une plage privée.
— Je pars en retraite anticipée ?
— Oui Fred, et avec un bon traitement. On te doit beaucoup, mais qui sait ce que tu peux inventer la prochaine fois.
— La Méditerranée est plus chaude que l’atlantique. Je pense que c’est tentant comme proposition.
— Je suis content que tu le prennes comme ça.
— C’est le meilleur choix disponible. Ce que je ne comprends pas, c’est pourquoi avoir changé vos plans et vos objectifs.
— Tu n’as jamais compris le genre humain derrière tes machines Fred. Ce sont les gens qui veulent de l’ordre et de la sécurité. Ce sont eux qui veulent vivre longtemps. Ce sont eux qui veulent ne pas trop se casser la tête le soir quand ils rentrent. Ils ont une petite vie, mais elle est sûre. Et la peur de tout fait qu’ils réclament la protection d’un pouvoir fort.
— Un pouvoir contre eux-mêmes ?
— Un pouvoir contre les mauvais penchants des autres, qui pourraient les inquiéter, et contre leurs propres tentations.
— Tu as raison, les chiens ne font pas les chats, et ils veulent ce que leurs pères leur ont appris. Mais que fait-on des autres qui rêvent de liberté ?
— C’est ainsi dans le monde entier Fred. Il est devenu une vaste prison. Les caméras ont bien fonctionné en règle générale malgré ce qu’on a laissé croire. Les comportements déviants ne seront pas sanctionnés mais leurs auteurs seront particulièrement suivis pour les remettre dans l’axe ou leur proposer un peu plus de sport dans la journée. On va gérer.
— Et bien moi, j’ai toujours rêvé de ne rien faire, à mon rythme, chaque matin.
— Je passerai te voir. On visitera le coin ensemble.
— Merci Gérard. Mais je pense que tu vas être très occupé maintenant.
Épilogue
Cher Gérard, quand tu recevras cette lettre, je pense que tu en seras heureux pour moi. Ce siècle se termine bientôt. Je viens de fêter mes cent-deux ans. Tout seul, dans mon fauteuil. Comme tu le sais, après quarante ans de retraite, on a accepté que je reprenne un petit travail, nécessaire à la bonne santé mentale, et utile à la société. Tu seras heureux d’apprendre que j’ai été un juge modérateur apprécié, un bon professeur en ligne et que tes services n’ont détecté aucune dissidence dans mes actes. J’ai aussi rendu d’excellents services dans les systèmes experts de navigation couplés à la gestion des déplacements de véhicules. Ainsi, un conducteur introduit son point de destination et ne s’occupe plus de rien. Son véhicule, qu’il s’agisse d’une voiture, d’un camion ou d’un fauteuil roulant, chez soi ou dans la rue, va gérer ses rapports avec les autres usagers de la route, respecter les règles de circulation, et optimiser son déplacement.
Tu sais ce qu’est un système d’exploitation Gérard ? Pas sûr. De toutes façons, personne ne prend le temps nécessaire pour apprendre et comprendre le fonctionnement des ordinateurs malgré les pannes, incidents et cafouillages. Donc, je t’explique. Un système d’exploitation, c’est ce qui gère un ordinateur. Chaque maison à un serveur, chaque véhicule, chaque fauteuil roulant a son ordinateur intégré même s’il suffit d’une télécommande pour le faire fonctionner, ainsi que quelques contacts sur la tablette tactile. Les fauteuils roulants...Si pratiques pour aller partout en ville. Vitesse maxi : 25 km/h. Poids : 40 kg. Ceinture de sécurité, capote 100% transparente amovible rabattable en un instant... Toute la population en a un. Les jeunes sont debout, les vieux sont assis. Les vieux comme nous sont carrément soutenus et ne peuvent plus le quitter. Mais nous avons tous une super autonomie, depuis que nous sommes sur des fauteuils électriques qui se rechargent par contact ou par ondes à tous les coins de rue.
Et pendant que le fauteuil se déplace, on peut dire bonjour, faire du courrier, téléphoner, regarder un film. Il y a encore quelques piétons sur les trottoirs, quelques vélos sur la route. Les voitures sont peu nombreuses, réservées à une élite, à quelques véhicules d’entreprise et aux administrations. Sinon, dans la rue, c’est surtout des fauteuils roulants.
Tous les fauteuils s’échangent des informations, en wi-fi, afin de respecter les distances. J’ai installé, il y a une semaine, une mise à jour des fauteuils qui n’attend qu’un signe. Et j’ai créé un virus, indétectable puisque il n’y a pas d’antivirus aujourd’hui, toute opposition ayant été supprimée. Ce virus va lui apporter ce signe. Les jeunes ont leur fauteuil à partir de l’âge de dix ans. Tout le monde s’entend avec tout le monde, écoute les mêmes émissions débiles, joue en réseau et dirige des robots. Oui Gérard, ce virus ne va pas faire du bien à cette société de vieux, y compris avant l’heure. Sur quinze milliards d’habitants, il y en a sept milliards âgés de plus de soixante ans qui possèdent soixante-quinze pour cent des richesses. Tu vois Gérard, j’aurais pu organiser une nouvelle anarchie. Mais ce sont ces sept milliards de fauteuils roulants qui vont se jeter dans la mer, sous les roues de camions, ou du haut des immeubles alors que l’utilisateur ne pourra pas s’en détacher. Tous les autres fauteuils ne feront que tomber en panne. Leurs utilisateurs vont pouvoir prendre en main leur destin et marcher de leurs propres jambes, débarrassés surtout des vieux qui les ont mis dès leur prime jeunesse dans le fauteuil.
Voilà Gérard. Je suis celui qui aura supprimé sept milliard de poids déjà morts, et les deux cent mille personnes les plus riches du monde qui pesaient elles-aussi dessus. Mais je suis aussi celui qui va dire à huit milliards d’être humains "Lève-toi et marche".
J’oubliais. Il n’y aura pas huit milliards de survivants malgré tout, car cette fois, plus un seul micro-ordinateur ne fonctionnera. D’où un problème à résoudre pour se réorganiser. Mais ce ne sera pas tout à fait de ma faute. J’ai effacé le fichier mondial des licences légales de logiciel. L’image virtuelle de celui qui est actuellement en ligne va être effacée ce soir. Les ordinateurs restants refuseront de démarrer car ils n’auront pas pu effectuer la vérification de la licence. Et il est impossible de contourner ce programme. C’était une sécurité pour que les royalties soient bien versées aux ayant-droits chaque soir à minuit. Dans ton cas, j’ai triché sur ton âge. Tu ne vas pas mourir avec les autres vieux. Ton fauteuil va juste s’arrêter après t’avoir ramené chez toi et t’avoir installé à la fenêtre. Tu vas pouvoir contempler la vraie remise en marche du monde et peut-être voir réapparaître les premiers hommes libres qui avaient disparu depuis bien trop longtemps et qui salueront l’aube du 22 siècle.
Peut-être prendront-ils soin de toi, en tant que cas unique. Mais j’en doute. L’altruisme est une valeur qui s’est perdue avec la mise en place de l’interdiction du droit de réunion, générateur de sympathie et d’entraide incontrôlable, donc potentiellement subversive.
Tu vas avoir encore un peu de temps et de calme pour y penser...
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Table des matières
- Préface Env. 3 pages / 708 mots
- ... Env. / 0 mots
- Un Monde Pourri Env. / 0 mots
- Les routiers sont sympas Env. 5 pages / 1437 mots
- Le cœur d’Hélène Env. 9 pages / 2917 mots
- Impitoyable sélection Env. 11 pages / 3259 mots
- Pause café Env. 5 pages / 1630 mots
- Concurrence déloyale Env. 12 pages / 2501 mots
- Mensonges : Entrée en matière Env. 11 pages / 2733 mots
- Mensonges : Le tableau de sévices Env. 14 pages / 3537 mots
- Mensonges : Point de rupture Env. 15 pages / 3637 mots
- Actualités du repas de dimanche Env. 23 pages / 4988 mots
- Bleu comme un horizon bouché Env. 9 pages / 1806 mots
- Clochemerle en campagne Env. 8 pages / 1782 mots
- Un homme en colère Env. 7 pages / 1631 mots
- Les autres raisons de se lamenter Env. / 0 mots
- Représentation publique Env. 6 pages / 1322 mots
- Fuck Env. 8 pages / 1653 mots
- Jusqu’aux limites Env. 7 pages / 1570 mots
- Explosion Env. 5 pages / 1201 mots
- Contrôle permanent Env. 32 pages / 7336 mots
- Les vautours Env. 12 pages / 2687 mots
- Les trains de l’aube Env. 5 pages / 1034 mots
- La Lumière Env. 7 pages / 1597 mots
- Révisons nos classiques Env. 1 page / 11 mots
- L’auberge montagnarde entre la station de skis et Lyon Env. 3 pages / 523 mots
- Vivre ou laisser mourir Env. 3 pages / 673 mots
- Le multiplexe à Lyon Env. 4 pages / 778 mots
- Mauvais sang à se faire Env. 3 pages / 655 mots
- L’invention de la mort qui tue Env. 4 pages / 901 mots
- Encore un accroc Env. 3 pages / 770 mots
- De pire en vamp pire Env. 4 pages / 751 mots
- Adieu pyro-vamp Env. 3 pages / 808 mots
- À feu et à sang Env. 3 pages / 569 mots
- Sangtiments Env. 3 pages / 555 mots
- Un père attendrissang Env. 4 pages / 853 mots
- Bleu noir rouge Env. 3 pages / 783 mots
- Sang arrêt en gare Env. 5 pages / 1067 mots
- Un jour sang Env. 2 pages / 514 mots
- Sang pitié Env. 4 pages / 878 mots
- Décryptage et exorcisme. Env. 5 pages / 1075 mots
- Les cahiers du Pitbull Env. / 0 mots
- Prologue Env. 2 pages / 286 mots
- Mélodie en sous-sol Env. 14 pages / 3618 mots
- Emma et moi émois Env. 14 pages / 3416 mots
- Nuit d ’Aurore Env. 9 pages / 2162 mots
- Prudence sur la route Env. 18 pages / 4602 mots
- Dans le mille d’Émilie Env. 14 pages / 3216 mots
- Le mariage de Marie-Ange Env. 22 pages / 5243 mots
- Les bonus Env. 1 page / 0 mots
- L’ordre en Dorémi Env. 3 pages / 432 mots
- Le pendu Env. 1 page / 171 mots
- A.A.A.A.: Administration Automatisée Autoritarisée d’Autocrates Env. 10 pages / 2181 mots
- Portefeuilles froids, campagnes chaudes Env. 7 pages / 1518 mots
- Libres et Insoumis Env. 15 pages / 3297 mots
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