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Navigation : Lecture libre > Littérature générale > Romans > Tueur.

Tueur.

Couverture de l'oeuvre
  • Catégorie : Littérature générale > Romans
  • Date de publication sur Atramenta : 17 août 2013 à 9h01
  • Dernière modification : 28 août 2016 à 18h20
  • Longueur : Environ 94 pages / 32 991 mots
  • Lecteurs : 81 lectures
Mots clés : Tuer, destin, malédiction
Par Diwan Berthion
  • 18 oeuvres en lecture libre
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Cette oeuvre est incomplète et en cours d'écriture.

Oeuvre publiée sous licence Creative Commons by-nc-nd 3.0

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Tueur.

La malchance.

La malchance.

 

 

 

 

 

 

 

Judith va bientôt rentrer, je ne sais pas comment je vais lui dire que j’ai été viré de mon job, il faut que je prenne des gants, sa grossesse la déprime excessivement. Je pensais que ça la rendrait heureuse, comme moi ça me rend heureux, euphorique même, on va avoir un enfant, mais Judith a des réactions extrêmes et imprévisibles pour tout, il faut que je la préserve.

 

Un connard a mis sa télé à fond dans l’immeuble, on peut, en cette journée d’août suffocante, profiter du match de foot qu’il suit. Merde, je lui cognerais bien sur la gueule, mais ce mec est barge, un ancien légionnaire, il n’a plus qu’une jambe, il paraît qu’il a sauté sur une mine. Parfois il tire des coups de fusil de chasse par la fenêtre, les flics sont venus plusieurs fois, mais une sorte de loi du silence règne dans cette cité de non droit, plus lourde qu’une chape de plomb inébranlable, jamais ce mec n’a été inquiété.

Notre univers est en béton, bruyant, bruissant de la vie des autres, qui nous empêchent de vivre notre vie à nous.

   — Enculé ! Tu vas la baisser ta télé de merde ! J’ai gueulé par la fenêtre sans le moindre succès.
 

 

Judith a été virée de son travail de vendeuse au rayon fromage du supermarché du coin lundi dernier, c’est vraiment des salauds, ils lui ont fait les pires vacheries depuis qu’ils savent qu’elle est enceinte. J’ai bousillé la bagnole du directeur du magasin l’autre soir, de toute façon, ces pourris n’en n’ont rien à foutre. Je viens de perdre ma place d’OS chez Renault, j’ai cassé la gueule au petit chef qui me faisait chier depuis six mois, quel plaisir de sentir craquer son nez sous le coup de tête que je lui ai mis, ho il pissait le sang, il appelait sa mère, quelle merde. Ce connard de petit chef a porté plainte, je vais avoir des problèmes avec la justice m’ont dit les flics après avoir entendu ce que j’avais à dire.

Il faut que je trouve rapidement un autre travail, Judith ne tiendra pas le coup si je ne ramène pas honnêtement du fric à la maison. J’ai rodé à l’ANPE pour voir s’ils pouvaient faire quelque chose pour moi, mais ceux-là, quand vous n’avez besoin de rien, vous pouvez aller les voir ils vous renseigneront. J’ai pris des brochures sur l’armée, en dernier recours, je verrais bien.

 

Judith est rentrée dans le studio, presque instantanément après quelle ait refermé la porte, elle s’est mise à pleurer dans ses mains, elle se vidait, un flot continu de larmes lui coulait sur le vissage.

   — Allé Jud, raconte- moi. J’ai dit gentiment.
 

Après avoir reniflé plusieurs fois, elle me dit qu’elle n’en pouvait plus, le médecin a augmenté sa dose de Prozac.

   — Tu verras ça ira mieux. J’ai dit.
   — Quand ?
   — J’sais pas, bientôt. J’ai dit doucement en haussant les épaules.
   — La semaine prochaine je vais à ma première écographie, tu pourras m’accompagner.
   — Heu… ben…je vais me démerder. J’ai dit.
 

Malgré le bruit dans la citée on s’est endormi. Judith a voulu baiser, pour lui remonter le moral elle disait. Je lui ai fait ce petit plaisir sans grande conviction sur le bien que ça pouvait lui faire.

 

Le lendemain je suis parti comme pour aller au travail. L’ascenseur est encore en panne, j’ai descendu les quinze étages en courant comme un fou. Je suis allé acheter le journal pour voir les offres d’emplois, pour trouver un job. Rien, sauf laveur de vitres à la Défense. Je me vois mal sur les façades de verre des buildings à astiquer la crasse des vitres des bureaux de ces trous du cul en costumes avec ma raclette et mon chiffon risquant la chute à tout moment. C’est vrai que je serais au grand air, mais je préfère l’être avec les deux pieds sur le plancher des vaches, question de feeling.

Je suis allé voir sur le chantier près de la voie ferrée, pour proposer mes services, on ne sait jamais. Un gars gras du bide et transpirant de partout mangeait un sandwich, de la mayonnaise coulait sur sa salopette élimée.

   — Dites, m’sieur, j’ai deux bras à louer, y’a du taf pour moi ? J’ai dit.
   — Nan, casse-toi pouilleux! Il a répondu méchamment.
 

Sans rien dire j’ai pris une demie brique qui traînait par terre, et en me retournant vers le gros lard je lui ai envoyé en pleine figure de toutes mes forces. J’ai distinctement vu ces dents de devant sauter de joie, et partir de cette gueule indigne d’un être humain. Le type se leva, il pissait le sang, à croire qu’il avait mâchouillé un morceau de boudin bien frais, c’est un véritable monstre, il fait au moins un mètre quatre-vingt-dix, un géant. Précipitamment j’ai repris deux autres morceaux de brique que je lui ai balancés dessus. Il en a pris un dans le ventre et l’autre dans le nez. J’ai pris mes jambes à mon cou, ce gros tas de merde ne pourra pas me suivre, à l’école, j’ai toujours été le meilleur à la course.

 

La journée a été longue, j’ai essuyé refus sur refus, c’est insensé, je ferais n’importe quoi pour gagner un peu de fric. Demain j’irais voir sur le chantier du périphérique, il y aura peut-être quelque chose pour moi.

 M’armant d’un sourire un peu forcé, je rentre à la maison. L’ascenseur n’est toujours pas réparé, je me demande vraiment à quoi sert le fric que je donne chaque mois pour le loyer, merde ils pourraient faire réparer ce machin.

 

Judith est dans la cuisine, un truc est en train de cuire bruyamment dans une cocote minute. Judith tient un gros morceau de viande avec deux fourchettes, pour qu’il soit bien saisi du côté le plus épais. Elle me tourne le dos, ma petite femme est magnifique, elle a noué un torchon dans ses cheveux. Elle sursaute en me voyant, j’ai bien cru que tout allait voler dans la pièce.

   — Ou ! Tu m’as fait peur.
   — Excuse moi. Dis, ça a l’air bon ce que tu prépares. J’ai dit, en reniflant le parfum de viande rôti qui flotte dans la piéce.
   — Ouais, c’est le père de Nadia qui a tué un mouton, elle m’a donné un gigot, c’est sympa.
   — La vache ? Un gigot. J’ai dit. Depuis que j’ai quitté mes parents, je n’ai jamais remangé du gigot, un flot de salive emplit ma bouche, je suis impatient de goûter à ce que Judith me prépare, j’en bave de plaisir.
   — Alors ta journée ?
   — Comme d’hab, rien de nouveaux. J’ai répondu naturellement en déglutissant longuement. Et toi ?
   — Le petit donne des coups de pied depuis ce matin, je sais pas ce qu’il a.
   — À bon, ça te fait mal. J’ai demandé en me mettant à genoux et en pressant mon oreille sur son ventre rebondit.
   — Non, mais ça me gratte de l’intérieur à force.
 

En me relevant, j’ai pris mon courage à deux mains, Jud a l’air en forme, je la regarde, puis je lui demande.

   — Tu dirais quoi si je m’engageais dans l’armée, hein ?
   — Quoi ? Tu veux être militaire ?
   — J’sais pas, il paraît que ça paye mieux que l’usine, t’en dis quoi ?
   — Oui, mais c’est dangereux, tu peux partir j’sais pas où.
   — Tu sais il n’y a plus de guerre aujourd’hui. J’ai dit.
   — Ben voyons ! Tu lis jamais les journaux.
   — Non, mais je vais essayer de trouver un truc peinard, tu vois dans la logistique, le transport, ou dans la mécanique, qu’en dis-tu ?
   — Dans la mécanique ? Y a des militaires mécaniciens ?
   — Bien sûr, des médecins aussi, y a de tout dans l’armée. J’ai dit sans vraiment savoir.
   — Dans ce cas pourquoi pas, mais je voudrais en savoir plus.
   — Je t’en reparlerais, je vais me renseigner un peu plus.
 

Le gigot a mijoté toute la soirée, le parfum du mouton embaume tout dans l’appartement, malgré les fenêtres grandes ouvertes.

 

Pendant que je finissais mes petits pois Jud allumât la télé, le poste fit un drôle de bruit, vraiment inhabituel, l’écran était tout neigeux. Une sorte de sifflement accompagnée d’une fumée blanche nauséabonde m’ont fait me précipiter près du poste pour arracher la prise du mur.

   — Merde, manquait plus que ça. J’ai dit.
 

Jud s’est mise à pleurer comme si la fin du monde venait d’être annoncée et que le début du carnage débutait par l’implosion des téléviseurs.

   — C’est rien Jud, demain j’irais voir le manouche.
 

J’aurais peut-être dû me taire, Jud partit dans une sorte de vocalise incroyable, elle tapait le mur de ces poings avec toute la force que son corps lui permettait de déployer. Je lui pris les poignets puis je l’ai ceinturé gentiment pour essayer de la calmer. Elle était agitée de soubresauts, de hoquets, mais elle se calmait.

   — C’est la télé qui a cramé, faut pas en faire un drame, écoute si tu veux, on va au ciné, hein dis-moi ?
   — Non, t’es gentil… tu sais, j’aime pas que tu fricotes avec le manouche.
   — Ben, ouais, je sais, mais là pour une télé, tu sais se sera « bonjour bonsoir » et « merci », et je te ramènerais une nouvelle télé.
 

 

Pendant que Jud prenait sa douche, je dégustais une bonne bière bien fraîche, accoudé à la fenêtre en regardant des mecs, en bas, jouer au foot.

 

 

Il n’y a pas de travail sur le chantier près du périphérique, j’ai vu un gars sympa qui m’a dit de repasser lundi prochain son responsable serait là, il le préviendra que je cherche du travail, c’est lui qui décidera.

Les mains enfoncées profondément dans les poches de mon jean, je retourne vers la cité.

Putain de vie de merde, je regarde les bagnoles qui roulent dans les rues, je suis incapable de m’en payer une, pourtant ce n’est rien une caisse, un simple tas de ferraille. Ça nous permettrait de nous évader le week-end, et de ne pas rester dans cette zone de cages à humains entassés comme des bestiaux.

Judith me fait flipper parfois. Je la sens de plus en plus limite en ce moment, mercredi prochain, je l’accompagnerais à son échographie, j’essaierais de discuter avec le médecin, pour voir ce qui serait le mieux pour elle. Elle n’était pas comme ça avant, elle souriait tout le temps, elle rigolait pour un oui ou un non, aujourd’hui sa grossesse lui mine le moral de plus en plus, c’est incompréhensible. On dirait que le wagonnet dans lequel elle est montée tombe vers l’enfer, et que plus rien ne la retient ici-bas. Elle a rompu tous les ponts avec sa famille et ses amies, je ne comprends pas, je ne la comprends plus. Chaque matin elle est différente de la veille et malheureusement pas en mieux.

En arrivant dans la cité j’ai bifurqué vers le dépôt du manouche, pour voir les derniers trucs tombés des camions.

J’ai expliqué au malabare qui gardait l’entrée des caves que je recherchais une télé pas trop chère. Le type m’indiqua un couloir sombre du doigt. C’est le manouche lui-même qui m’a reçu. Je me serais cru chez Darty, ça sent le neuf, il y a de tout, des télés, des amplis, des lecteurs CD, vraiment de tout.

   — Bonjour, j’aurais besoin d’une télé. Vous avez quoi de pas trop cher ? J’ai demandé.
   — T’as combien ? Il a demandé en tirant sur son Ninas.
   — 300 maximum.
   — Pour 30 sacs t’auras rien fiston ! Il a fait en me soufflant sa fumée dans la figure.
   — Ah merde ! Faut combien pour ça. J’ai dit en montrant une grosse télé.
   — Bah, pour toi, 1500.
   — Merde, j’peux pas, tant pis. J’ai dit en faisant demi-tour.
   — Si tu veux, j’te la donne ! Il a dit dans mon dos.
   — Ah ouais, en échange de quoi ? J’ai demandé intéressé en revenant vers lui.
   — Tu sais conduire ?
   — Ouais.
   — Tu vois la bagnole là-bas ?
   — Ouais, la grosse BM.
   — Faut simplement la livrer à Marseille, et la télé est à toi.
   — Ah ouais !
   — Ouais .
   — Je reviens comment.
   — Je te file 600 balles pour l’essence et un billet de train, tu reviens me voir, j’appelle mon pote, et si tout est ok je te file la télé, ça te va.
   — Si je me fais gauler par les condés ?
   — Tu me devras une BM.
   — Ouf ! J’vais réfléchir.
   — OK, réfléchis, mais dépêche toi, dimanche soir la voiture prend le bateau à Marseille.
 

 

C’est risqué son deal. Ouais mais au bout j’aurais une belle télé, et la BM, je pourrais dire que j’ai roulé en BM, merde, ça en jette. Comment je vais pouvoir expliqué ça à Judith, il faut que je trouve une explication en béton pour qu’elle ne se doute de rien.

J’ai traîné toute la journée pour tuer le temps, je n’ai pas mangé à midi, je suis crevé, et l’ascenseur n’est toujours pas réparé.

En rentrant dans l’appart, un silence de mort m’accueillit. Un chantier indescriptible règne dans la cuisine, le gigot traîne par terre, le frigo est grand ouvert et tout son contenu est éparpillé sur le carrelage.

   — C’est quoi ce bordel ? J’ai dit entre mes dents.
 

J’ai fait un tour rapide de l’appartement, Judith est KO, elle dormait profondément dans la chambre, je l’ai secoué, elle ouvrit les yeux sans vraiment les ouvrir.

   — Laisse-moi, je …veux… mourir.
   — T’as pris quoi Jud ? Merde dit moi.
 

Je saute sur le téléphone, et j’appelle les pompiers. En moins de dix minutes, ils étaient dans l’appartement. Judith est très agité, ils lui ont fait une piqûre, elle hurle comme jamais encore, puis ils l’emmenèrent à l’hôpital. Un voisin m’emmena en voiture, on a suivi le camion de pompier qui roulait à toute allure, sirène hurlante, il me laissa dans le parking de l’hostau.

Je suis rentré à pied, ils vont garder Judith jusqu’à lundi. Merde qu’est ce qui lui a pris, elle est devenue vraiment marteau. Le toubib, m’a dit que son traitement pour sa dépression n’était pas approprié, et qu’ils allaient faire au mieux pour la remettre sur pied.

 

 

 

Le lendemain matin à la première heure je suis allé rendre une petite visite au manouche pour accepter son affaire.  En me dirigeant vers son entrepôt, je n’arrivais pas à effacer de mon esprit mes pensées pour Judith, quand elle rentrera à la maison il y aura une belle télé, ça lui redonnera peut-être le sourire. Le manouche était avec un autre mec, le malabare m’a fait attendre pendant qu’ils discutaient. Ça parlait assez fort, le manouche sortit un flingue qu’il écrasa sur la joue de l’autre mec, il gueulait que s’il ne lui remboursait pas ses dix briques lundi, il y aurait une balle pour lui. Putain de merde, je me disais, faut que je me barre. Le malabare ne me laissa pas passer.

   — Il a bientôt fini. A dit le malabare.
   — Quoi, il va pas le flinguer ? J’ai dit en tremblant.
   — Non, pas aujourd’hui.
 

J’ai dégluti, mais je n’avais rien à avaler, juste ma trouille qui me serait la gorge. Je suis dingue d’être revenu. Le manouche s’approcha avec un grand sourire aux lèvres.

   — Alors, ça y est, tu la veux cette télé, petit.
   — Ben ouais.
 

Il me prit par les épaules, on se dirigeait vers la BM. J’avais jamais vu une BM comme celle-là, on dirait un coupé.

   — Tu vois c’est une 850 CI, elle fait 400 chevaux, elle coûte soixante bâtons. T’es toujours partant ? Il a dit.
   — J’sais pas. J’ai dit.
   — Mais si tu sais, tiens prends les clefs et démarre là.
 

L’ouverture de la portière est déjà un véritable plaisir en soit, une sorte de bruit luxueux indéfinissable, que l’on reconnaît immédiatement quand on l’entend, me mis un peu en confiance. Le siège en cuir est ferme. Le moteur est parti au quart de tour, la voiture ronronne avec un bruit rauque feutré.

   — Ben appuie un peu. Il a dit.
 

J’ai donné quelques coups d’accélérateur, le moteur s’est mis à rugir méchamment, des frissons de plaisir me parcourent la colonne vertébrale.

   — Alors, tu décides quoi ? Il a demandé.
   — OK j’y vais. J’ai dit sûr de moi.
   — Bon, écoute-moi bien. Tu prends pas d’autoroute, tu respectes les limitations de vitesse, tu te fais pas remarquer, tu joues pas au cake, c’est bien compris. Des questions ?
 

Je n’avais rien à lui demandé, je suis seulement impatient de rouler avec cette bagnole de rêve.

   — Non ! J’ai dit.
   — Quoi non ? Tu la livres ou, malin ? Il a dit en sortant des billets de la poche de sa chemise.
   — Ben à Marseille.
   — C’est grand Marseille, tiens, mille balles pour tes frais. Tu iras sur le vieux Port, tu te gareras près du bac, tu fermeras la voiture à clef, tu appelleras à ce numéro, il me tendit un bout de papier où étaient griffonnés des chiffres et tu attendras à la terrasse d’un café en surveillant la voiture. Un mec viendra, il ouvrira la bagnole et s’assiéra derrière le volant, tu iras le rejoindre tu lui remettras tes clefs, puis tu rentreras chez toi. C’est bon, t’as compris.
   — Ouais.
   — J’appellerais pour prévenir de ton arrivé, pas d’entourloupe, je te connais, tu vois ce que je veux dire. Il a dit en souriant.
 

 

Je suis parti doucement. La seule bagnole que j’ai conduis était une des super-cinq diesel pourrie de l’auto-école, cette BM est vachement plus grosse, j’ai du mal à la situer, sinon elle est assez facile à conduire. Rapidement je me suis retrouvé dans le flot de la circulation, il faut que je fasse gaffe, plusieurs fois je suis monté à plus de 180 sans le moindre problèmes, quel pied. Toutes les bagnoles sont minables, je suis sur la voie de gauche au cul d’une Peugeot, elle se rabat, j’écrase l’accélérateur, la BM part comme une balle, 150,170,200,240, waou quel pied. Je relâche la pression sur la pédale d’accélérateur, je suis crispé sur le volant, je tremble comme une feuille. Le temps de redescendre sur terre après ce shoot d’adrénaline, je suis attiré par des flashes bleus dans le rétro.

   — Putain de merde, les flics. J’ai dit en écrasant de nouveau l’accélérateur à fond.
 

Je fonce comme un fou, les voitures que je double me sautent au visage, je suis tendu concentré, les flics n’arrivent pas à suivre, dès que ce sera possible, dès que j’aurais un peu d’avance, je dégagerai de cette route et je planquerai la bagnole, mais en attendant je roule. Ça va très vite, j’ai mal aux yeux à force de regarder très loin devant et derrière dans le rétro. J’ai du champ, je freine à mort, je tourne à droite puis à gauche puis encore à droite pour prendre un petit chemin dans les bois. J’arrête le moteur, je suis à couvert sous des arbres, la bagnole sent le chaud, je vais attendre un peu. J’attrape une vieille carte de France qui traîne dans la boîte à gants, je suis au sud de Nevers, je vais aller vers Guéret, ça rallonge, mais se sera plus sûr. Je pense que j’ai eu chaud, maintenant on ce calme et on roule tranquille. Faut que j’aille faire le plein, la jauge est très basse.

J’ai garé la voiture sur le Vieux port de Marseille comme prévu, près du bac. À une cabine téléphonique j’ai composé le numéro que le manouche m’avait donné. Ça sonne.

   — Ouais. A dit un type.
   — Heu…Bonjour, heu… Je suis sur le vieux Port. J’ai dit.
   — Qu’est ce que tu veux que ça me foute. À dit la voix dans le combiné.
   — Ben…C’est pour la BM. J’ai dit.
 

Le mec ne parlait plus, j’entendais sa respiration.

   — J’arrive. Le mec raccrocha.
 

 

 Un peu tendu je me suis assis à une terrasse d’un café pour siroter une bière en surveillant la voiture d’un œil. Au bout de quarante minutes un grand type, habillé comme un ministre, tournait autour de la voiture, j’ai payé mes consommations et j’ai commencé à me rapprocher du type. Le gars ouvrit la portière et s’installa au volant. Deux minutes plus tard je tapais à la vitre de sa portière avec les clefs, il ouvrit la vitre tout en démarrant le moteur, il m’arracha les clefs de la main puis il partit en trombe en laissant deux traces de pneus sur le bitume.

 

Bon ! Mission accomplie, je n’ai plus qu’à rentrer sur Paris en espérant que la manouche respecte sa parole.

Je me suis dirigé vers la gare de Marseille. La chaleur est insupportable, les rues sont désertes, les rares passants que je croise marchent à l’ombre tranquillement. J’ai une heure à attendre pour mon train, j’ai décidé de ne pas payer le billet, je verrais bien, je l’ai déjà fait plusieurs fois, j’ai rarement vu de contrôleur dans le sens Marseille-Paris, la chaleur devrait m’aider, les contrôleurs ne se déplaceront pas.

 

En attendant mon train je rêvassais en regardant les gens, les filles sont peu vêtues, c’est un ravisement pour les yeux. En regardant un type faire les cents pas sur le quai d’en face, je me demandais pourquoi les hommes ne portaient pas des robes ou des jupes comme les filles. Les filles ne font pas tant de chichis pour mettre des pantalons. Je me demandais bien pourquoi d’ailleurs les hommes ne porteraient pas des jupes toute l’année, les couilles sont toujours comprimées par les coutures des jeans serrés, notre anatomie serait certainement mieux préservée avec des jupes. Chez les femmes, rien ne gêne entre leurs jambes, elles peuvent mettre des pantalons serrés. Ça serait rigollot de se balader en jupe, les poils des jambes seraient caressés par cette brise chaude d’été les couilles décontractées ballotteraient dans mon caleçon sous une jupette affriolante. Comme quoi les filles ont tout compris.

 

 Je fus arraché à mes rêveries par le Klaxon de la locomotive qui arrivait à ma hauteur, sur le coup j’ai cru que quelqu’un m’arrachait le cerveau avec des pinces à épiler en passant par mes oreilles, le retour dans cette réalité à la chaleur lourde fut assez surprenant.

 

Le voyage de retour vers ma cité s’est déroulé sans encombre, après avoir gravi les quinze étages de ma tour, j’ai enfin glissé la clef dans la serrure de la porte de mon appartement, il est deux heures du matin passé. Je suis extenué, la chaleur est accablante, une odeur de mouton passé imprègne l’appart, ce qui me fait penser intensément à Judith. Le gigot qu’elle avait préparé avec amour est en train de pourrir dans la poubelle, de rage j’ai balancé la poubelle par la fenêtre, un bruit feutré a retenti quand les trucs se sont écrasés sur le trottoir quinze étages plus bas dans l’indifférence de cette nuit sans vie de cette cité en marge de la société, véritable portail pour l’enfer.

Judith m’obnubile, je ne pense qu’à elle, j’attrape le téléphone pour appeler l’hôpital, je tombe sur un type aux urgences qui se fout que je veuille parler à la femme de ma vie, et il me raccroche au nez. Demain à la première heure j’irais la voir.

 

 

 

J’ai eu un mal fou à m’endormir le drap me colle à la peau, je transpire, le drap de dessous est auréolé du jus qui coule de ma peau chauffée à blanc, c’est insupportable. Des détonations ont retenti dans la cité, cela m’arracha de mon sommeil si durement obtenu. Visiblement les flics sont en bas. Je rampe jusqu’à la porte-fenêtre restée ouverte pour voir ce qu’il se passe. Des éclats de voix sortent de la fenêtre du légionnaire, un projecteur en bas illumine la façade de la tour, ce coup-ci le légionnaire va en prendre plein la gueule.

 D’autres détonations accompagnées de gerbes de feu sortent de la fenêtre du légionnaire, le projecteur s’éteint immédiatement, puis deux détonations plus faibles très rapprochées se sont fait entendre de la tour d’en face, un cri de douleur sorti de la fenêtre du légionnaire. J’ai entendu une cavalcade dans les escaliers, des cris suivirent. Un ballet de voitures a commencé, pompier, samu, flics, tout le monde était convié à la fête.

 

Le lendemain matin en descendant pour aller à l’hôpital voir Judith, je suis tombé sur trois copains rappeur qui traînaient au pied de l’immeuble. Ils m’expliquèrent que le légionnaire s’était fait flinguer cette nuit, par un sniper du GIGN du haut de la tour d’en face, triste fin pour ce laissé-pour-compte abandonné par ses paires, qui pour seule récompense de ses services rendus à la nation, vient de recevoir deux morceaux de métal tirés en plein cœur par un de ses frères d’arme.

 

Je suis arrivé beaucoup trop tôt à l’hôpital, les visites débutent à treize heures, je ne peux plus attendre, je fonce derrière l’hôpital et y pénètre par une porte dérobée restée ouverte. En moins de cinq minutes, je me suis retrouvé dans la chambre de Judith, elle prenait son petit-déjeuné.

   — Salut ma grande. J’ai dit à voix basse.
 

Judith esquissa un début de sourire qui se transformât en rictus de douleur, elle finit en larmes.

   — Non, c’est rien, Jud, je t’aime tu me manquais. J’ai dit en la serrant dans mes bras.
 

Un grand type en blouse blanche est rentré dans la chambre.

   — Hey, les visites c’est à partir de treize heures.
   — Oh, soyez sympa…J’ai dit.
 

Judith commençait à s’agiter furieusement elle me frappait de toutes ses forces le grand type demanda de l’aide dans le couloir, je me suis retrouvé ceinturé par quatre mecs pas commodes.

   — Bordel, lâchez-moi, c’est ma femme, merde, j’vous dis que c’est ma femme.
 

Rien à faire je me suis retrouvé avec les vigils à attendre les flics. Après avoir cassée la gueule du petit chef chez Renault, si les flics me reconnaissent je suis bon pour une garde-à-vue. Un type en blouse blanche rentra dans la pièce où j’étais confiné.

   — Ok, bon, votre amie nous a dit qui vous étiez. A dit le type en me rendant ma carte d’identité.
   — Comment va-t-elle docteur! J’ai dit.
   — Je suis pas docteur, juste brancardier. Il a dit.
   — Ha merde, putain y a personne qui pourrait me dire ce qu’a ma femme, vous savez, elle attend un enfant, et j’ai l’impression qu’elle est devenue complètement dingue. J’ai dit au type méchamment.
 

Le gars me regardait avec de grands yeux sans rien dire.

   — Excusez-moi, j’ai dit, vous n’y êtes pour rien, mais en ce moment j’ai l’impression que tout va de travers.
   — Je vais me renseigner, je reviens tout de suite.
 

Dix minutes plus tard le type revint me chercher, il m’emmène chez le médecin qui s’occupe de Judith. Une superbe jeune femme, la trentaine, me reçu, elle me parlait en regardant au-dessus de ses petites lunettes demi-lune.

   — Écoutez monsieur, votre amie va mal, dépression grave due à sa grossesse, elle a été très mal soignée, le traitement qui lui a été prodigué depuis des mois l’a rendu suicidaire, avec un peu de temps et de la patience tout devrait rentrer dans l’ordre.
   — Ha ! Qu’est ce que je dois faire ? J’ai demandé.
   — Soyez patient et surtout aimez-la. A dit la fille.
   — Elle sort toujours demain ? J’ai demandé.
   — Oui.
   — C’est pas prématuré.
   — Non, puis elle aura un traitement, avec des remèdes de cheval.
   — Oui, mais Judith n’est pas un cheval, je n’ai qu’elle au monde, vous comprenez.
 

 

J’ai attendu le début des visites pour retourner voir Judith. J’ai monté les marches tranquillement. J’ai frappé doucement à la porte de sa chambre, comme je n’entendais pas de réponse, je suis rentré. Judith dormait paisiblement. Je me suis assis dans un grand fauteuil, j’admirais la femme de ma vie. Le drap sur son ventre rebondi montait et descendait à toutes ses respirations, elle avait l’air calme et détendu. Au bout d’une heure environ, la fille médecin qui m’avait reçu le matin rentra dans la chambre sans se soucier de notre tranquillité, Judith ouvrit un œil, puis l’autre, alternativement elle me regardait et elle regardait son médecin.

   — Ça va ? A demandée la fille à judith.
   — Oui, mieux.
 

La fille prit la tension de Judith, puis elle regarda le machin qui régulait le goutte-à-goutte qui alimente le bras de Judith d’un liquide translucide.

   — Parfait, a dit la fille, vous pourrez sortir demain. OK !
 

Judith hocha la tête, puis elle me regarda en tendant le bras vers moi.

   — Viens.
 

Je lui pris la main, elle me tira à elle mollement nous nous embrassâmes sous le regard de la fille.

   — Bonne après- midi. A dit la fille en sortant.
 

 

Je suis resté jusqu’à vingt heures avec Judith à l’hôpital. En rentrant à pied vers la cité, je réfléchissais à la journée de demain. Il fallait que je passe chez le manouche pour la télé, puis à treize heures, j’irais récupérer Jud, on rentrera en taxi, j’ai encore cinq cents balles du fric que m’a donné le manouche, le taxi ne devrait pas fatiguer ma princesse.

 

Ce matin le ciel est radieux, à croire qu’un peintre inspiré, a trouvé pendant la nuit, un bleu qui n’existe pas pour repeindre cette couche mystérieuse qui nous couvre tous, et qui aujourd’hui est magnifique, ce qui me regonfle le moral à bloc. Le malabar qui protège l’entrée du repère du manouche me demanda d’attendre un peu, son patron était en rendez-vous, ça avait l’air d’être sérieux. Au bout d’une demi-heure j’ai dit au gars que je reviendrais plus tard, mais le manouche sorti de nulle part.

   — Tiens ! Mais c’est notre jeune ami. Il veut sa télé. A dit le manouche en parlant fort.
   — Ben ouais m’sieur. J’ai dit pas tranquille.
   — T’as fait du bon boulot, je suis content de toi. Viens, on va voir les télés.
 

Le manouche me passa la main par-dessus l’épaule, je n’en revenais pas de ce qu’il venait de me dire. Aussi rare qu’un coquelicot dans une pelouse entretenue, un compliment est gratuit, et il peut faire plaisir comme une fleur que l’on vous offre. Si cela se trouve le retour de manivelle sera si violent que je ne comprendrais peut-être rien à ce qui va m’arriver. Partagé entre la surprise, le doute et la crainte de me faire casser la gueule, je suivais le mouvement en espérant que le manouche avait dit vrai, que mon travail avait été bien fait.

   — On avait dit que tu prendrais quoi comme modèle. A dit le manouche.
   — Celle-là. J’ai dit en montrant le plus grand téléviseur de son stock.
   — Tu es bien sûr. M’a dit le manouche en clignant de l’œil.
   — Non, mais si vous me la donnez je la prends. J’ai dit.
   — Ha, tu me plais. OK prend là, elle est à toi.
   — J’peux repasser, il faut que je demande à un copain de me prêter sa voiture.
   — Pas de problème. Dis, ça te dirait de descendre d’autres voitures pour moi ? Il a demandé.
   — Faut voir. J’ai dit.
 

 

 

La vache, la télé en jette, la pièce est trop petite maintenant, l’image est immense, le son est démoniaque, c’est la première fois que j’ai une télé correcte, et quelle télé. Jud va être aux anges, je suis impatient d’aller la chercher.

En attendant l’heure d’aller retrouver Jud je tourne en rond dans l’appart en regardant les actualités à la télé. J’avais rassemblé les papiers qu’une bonne femme m’avait demandé à l’hôpital pour préparer la sortie de Jud. J’ai éteint la télé, je me suis surpris à vérifier que la serrure de la porte d’entrée était bien fermée en sortant, ce serait trop con de se faire cambrioler. Puis je suis parti tranquillement vers l’hôpital.

Avant de rejoindre Jud, je suis allé remplir tous les papiers pour sa sortie. Il a fallu que je leur règle 480 francs pour je ne sais quelle prestation non prise en charge par la sécurité sociale, je me suis retenu pour ne pas tout cassé dans le bureau de la grosse vache qui m’a reçu. En montant l’escalier qui me conduit vers Jud, j’essaye de me détendre, je respire à fond. Les vingt balles qui me restent en poche vont faire juste pour le taxi, je verrais comment est Jud, au pire j’irais chercher un peu de fric à l’appart. Je suis rentré doucement dans la chambre, Jud est assise sur son lit, elle m’attendait, elle m’adressa un magnifique sourire, sur le coup ça m’arrêta dans mon mouvement, il y a tellement longtemps qu’elle n’avait pas souri comme ça.

   — Salut ma grande, ça va ?
   — Oui, emmène-moi loin.
   — Tout de suite, allé, on se barre, tu viens, on va aller marcher un peu.
 

Sans dire qu’elle pète la forme, elle a l’air d’avoir le moral, elle parle de ce qu’on lui a fait pendant son court séjour dans l’hôpital, de son nouveau traitement qui est, semble-t-il, plus efficace. On marche tranquillement dans la rue, il faut trente-cinq minutes pour rentrer à la maison, une légère brise nous caresse agréablement.

   — Tu m’accompagneras à l’écho demain ? Elle a demandé en regardant en l’air.
   — Bien sûr ma puce. J’ai dit, en masquant le fait que j’avais complètement oublié cet examen.
 

L’escalier a eu raison des dernières forces de Jud, elle entre dans l’appart et s’écroule dans le canapé, sans remarquer la grosse télé qui trône majestueusement dans l’encoignure de la pièce.

   — Tu veux boire un truc ? J’ai demandé.
   — Ouais, un jus de quelque chose. Elle a dit.
 

Plus de jus de fruit dans le frigo presque vide, il va falloir que j’aille faire le pleine de victuailles.

   — Un jus de coca, ça t’ira. J’ai dit.
   — Waou, c’est quoi ce truc ? Elle a dit.
   — Quoi ? J’ai dit en cherchant le décapsuleur qui était tombé derrière la cuisinière.
   — Ben cette grosse télé.
   — Tu vois, je t’avais dit que j’irais chercher une télé, et bien il ne restait plus que ce modèle. J’ai dit en revenant dans la pièce.
   — T’as dû la payer une fortune !
   — Non, deux cents balles. J’ai dit sans honte de mon mensonge.
   — Ha pas plus, t’as fait une sacrée affaire.
   — Y’a même en prime le mode d’emplois, regarde. J’ai dit en lui donnant le manuel.
 

Jud est transfigurée, elle resplendit, elle est presque comme avant, je la regarde farfouiller la télé, de temps à autre, elle regarde le mode d’emplois pour vérifier un détail, en moins de vingt minutes elle a réglé les chaînes distribuées par le câble.

 

 

Nous allons avoir un petit garçon, j’ai laissé couler une larme quand le médecin nous l’a annoncé, après qu’il nous est demandé si nous voulions connaître le sexe de l’enfant que porte Jud. « Un petit garçon », il a dit. Merde je vais avoir un fils. Tous nos voisins de la cité savent que nous allons avoir un fils, je l’ai crié à tue-tête en bas de notre tour comme un hystérique. Je suis vraiment transporté par cette nouvelle, j’ai même l’impression d’aimer encore plus Jud, comme si maintenant elle faisait partie à part entière de moi, de ma chaire, elle est devenue ma moitié. On a commencé à chercher un prénom pour notre petit bonhomme, c’est vachement difficile de choisir un prénom, celui que notre enfant portera sa vie durant, j’ai proposé :

   —  Yvonic.
 

Jud a proposé :

   —  Benoît.
   — Arnold. J’ai dit.
   —  Camille. Elle a dit.
   — Max. J’ai dit.
   —  Antoine. Elle a dit.
   — Alex. J’ai dit.
   —  Diwan. Elle a dit.
   — Diwan… oui… Diwan. J’ai dit.
 

 

Je roule tranquillement vers Marseille au volant d’une Porche toute neuve, cette fois ci le manouche me donnera deux mille balles pour le travail. Je suis à peine à cinquante kilomètres du but. Par mesure de sécurité, avant de partir, j’ai vérifié un peu partout dans la voiture s’il n’avait pas caché de la came, parce que je veux bien convoyer des voitures volées, mais il est hors de question que je touche à la drogue. Le manouche m’a dit que si cela m’intéressait il aurait une voiture par semaine à descendre vers Marseille, à raison de deux mille balles par voiture, ça me fera un sacré salaire. Je ne sais pas trop comment annoncer ça à Jud, surtout qu’elle se porte de mieux en mieux, pourtant il faudra bien qu’on en parle. Cette voiture est si puissante que j’en ai la trouille, c’est un véritable avion de chasse, c’est incroyable de fabriquer des bagnoles pareilles. Cette fois ci, le rendez-vous est à Vitrolles juste à l’entrée de la ville, deux gars, eux aussi en Porche, devraient me suivre un petit moment avant Vitrolles, puis à un moment ils me doubleront, et je devrais les suivre. Ce n’est pas trop risqué comme job, et surtout c’est pénard, il ne faut pas tomber sur un barrage de flics et puis le tour est joué.

Ça fait dix kilomètres qu’une Porche noire me suit, je suis tendu, je roule à peine à quatre-vingt. Tout d’un coup le gars accéléra et me dépassa à une vitesse folle, puis une fois devant moi, il cala sa vitesse sur un bon quatre-vingt-dix / cent. Ils sont deux dans la voiture, ils tournent à droite à gauche sans doute pour faire diversion, je les suis comme convenu. On rentre dans une sorte de lotissement où les maisons sont immenses, entourées de grands jardins, de superbes voitures sont garées dans les rues un peu partout. Ils mirent leur clignotant à droite, on passa un énorme portail pour rentrer dans le parc d’une maison bourgeoise. J’ai garé la voiture à côté de la Porche noire qui venait de s’arrêter. Je suis descendu de la voiture, j’ai remis les clefs à un des deux mecs de la Porche noire, puis j’ai fait demi-tour pour rentrer chez moi, sans rien dire, d’autres mecs en chemises et lunettes noires me regardaient méchamment.

   — Tu veux qu’on te dépose quelque part fiston. A dit un des mecs.
   — Non merci, c’est gentil. J’ai dit en continuant mon chemin.
   — Comme tu voudras.
 

Je ne veux pas fraterniser avec ces gars, je convoie des bagnoles pour eux, on me donne du fric pour le faire et basta, je n’ai rien à voir avec ces mecs, je fais ça juste pour bouffer, et pour ne pas être obligé d’aller voler pour nous nourrir.

 

En faisant du stop pour me rapprocher de Marseille j’ai eu une chance folle, à croire que la poisse va enfin me quitter pour laisser la place à autre chose de plus joyeux, un routier m’a pris, il doit charger des palettes de bouteilles de limonade un peu avant Marseille, puis après il remonte sur Paris directement. Sur la route, je l’ai invité pour le repas du soir, et toute les deux heures environ, on fait une pause café, je fais en sorte qu’il ne manque de rien. C’est agréable de rouler en camion, on domine, c’est vrai qu’on se traîne, mais je ne suis pas pressé. Plusieurs Porches nous ont doublés, j’ai eu à chaque fois de violents frissons en repensant à la bagnole diabolique que je conduisais il y a encore à peine quelques heures.

 

Ça fait maintenant trois mois que je descends presque toutes les semaines à Marseille et dans sa proche périphérie. Je viens de convoyer ma première Ferrari, le manouche m’a donné cinq mille balles pour la convoyer, au début je ne voulais pas conduire une bagnole de cent cinquante bâtons, une bagnole rouge comme une pomme bien mure, j’avais peur que les flics me repèrent comme les guêpes repèrent un fruit bon à butiner. En fait je n’ai eu aucun souci, le manouche m’a prêté des fringues de circonstance, des chaussures en cuir qui craquent et qui sentent bon la cire, un pantalon de flanelle avec une verste assortie, je suis habillé comme le parfait petit branleur que l’on peut rencontrer dans le seizième à Paris.

 

J’ai la joue sur la vitre, je regarde passer le paysage qui défile sous mes yeux à grande vitesse, je suis en première, je me suis payé la place, le contrôleur est passé toute à l’heure, ce qui m’a surpris c’est qu’il m’ait demandé mon billet, avec politesse et déférence à croire que j’étais un prince, ou un dignitaire important. Comme quoi contrairement au proverbe l’habit fait le moine, un je ne sais quoi peut leurrer un con, comme une mouche artificielle peu leurrer le brocher qui ce fait ferrer sans comprendre. Quel con ce contrôleur, en y repensant je souris bêtement aux arbres que je vois passer.

 

Jud a bien remarqué que j’ai une nouvelle occupation, elle doit se douter de quelque chose. Elle va bien mieux, elle est bien plus lucide, elle se rend bien compte que je ne vais plus bosser à l’usine, le soir je ne suis plus un zombi abruti par la presse sur laquelle je bossais comme une bête, quand je rentre, je ne sens plus l’huile et la sueur, elle ne pose pas de questions dont elle redoute par-dessus tout la réponse. Elle sait que je ne lui mentirais jamais, si elle me demande ce que je fais, pourquoi je descends à Marseille aussi souvent, pourquoi notre compte en banque n’est plus dans le rouge, pourquoi on mange de la viande tous les jours, le lui dirait que je convoie des voitures volées. Malgré tout, pendant mon temps libre, je me renseigne pour trouver un job légal, j’ai ramené de la documentation sur l’armée de l’air, sur la légion, et sur l’artillerie de marine, je pourrais peu être trouvé une place de mécano dans ces armes.

 

Depuis toujours j’ai bossé comme un fou pour survivre, je suis parti de chez mes parents à seize ans, contraint et forcé, avec cinq francs en poche. Je sais ce que veux dire « dormir dehors », je sais ce que c’est de bouffer des restes que l’on récupère sur les marchés quand les gars plient leurs étales, je sais ce que sais de chier dans la rue comme un chien et de s’essuyer le cul avec du papier récupéré dans les poubelles. Alors en attendant mieux je convoie des voitures pour le manouche.

 

 Maintenant que nous avons du temps pour nous, maintenant que j’ai du temps pour moi, je me suis découvert une passion : la lecture. Jamais je n’avais eu de plaisir à lire, peut-être parce que je n’avais jamais eu le loisir d’ouvrir un livre sans contrainte, depuis que je ne suis plus aliéné par le fait de survivre au jour le jour par n’importe quel moyen, mon cerveau s’est ouvert à autre chose, et cette autre chose a été les livres. Je ne me l’explique pas, Jud me demande pourquoi je ramène autant de livres à la maison, elle est très surprise de ma réponse : « Pour les lire, voyons ».

 

 

Judith monte et descend sur mon gros doigt qui disparaît en elle à chaque fois qu’elle est s’assied sur moi. Elle me sert fort, parfois elle imprime un mouvement de rotation qui me procure infiniment de plaisir. Son ventre devenu si gros me fait hésiter à m’allonger sur elle. La tête en arrière elle regarde le plafond, sa bouche ouverte laisse échapper un râle de plaisir. Je lui caresse le dos quand un bruit infernal venant de la porte qui vient de céder sous les coups d’un tas de mecs avec des brassards « police » autour d’un bras, me fait sursauter.

   — Bouge pas. M’a dit un gars en me brandissant son flingue sous le nez.
 

Je ne bande plus, Jud s’est dégagée rapidement elle s’enroule dans le drap, la terreur se lit dans son regard, elle tremble de tout son corps, elle est blême.

   — Mets ça. M’a dit un autre flic en me jetant des fringues.
   — Qu’est ce que j’ai fait, bordel ? J’ai gueulé.
 

J’ai du mal à parler, j’ai la voix étrangement aigue, ma gorge est serrée. Une fille s’approche de Jud, elle lui mis amicalement une main sur l’épaule. Judith est en train de basculer dans le néant, la fille flic s’en est rendu compte, elle me regardait, je la regardais.

   — Faites attention, elle est très fragile. J’ai dit à la fille qui hochât la tête.
 

 Contrairement aux autres cons elle avait l’air d’avoir compris que Judith est plus fragile que de la dentelle de glace légèrement éclairée par des rayons de soleil d’un petit matin de mars.

Judith partit avec la fille dans la salle de bain, quand elle s’est mise à hurler, je me suis précipité, mais deux flics m’ont retenu. Judith hurlait, elle a repoussé la fille flic qui tombât à la renverse. Judith est devenue complètement hystérique.

   — Jud, c’est rien calme-toi. J’ai dit le plus calmement possible.
 

Les flics ne savent pas quoi faire, ils ont vu son gros ventre. Judith a une force incroyable elle vient de lacérer avec ses ongles le visage du mec qui essayait de la retenir.

   — Merde Judith, c’est rien, calme-toi.
 

Les flics m’avaient lâché, je me dirigeais vers Jud, elle était acculée près de la porte-fenêtre. Judith ouvrit précipitamment la porte-fenêtre et se jeta dans le vide.

   — NON. J’ai hurlé en tombant à genoux.
   — Merde ! A dit un des flics.
 

 

Deux flics m’ont mis des menottes dans le dos alors que j’étais encore à genoux pleurant à chaudes larmes, puis ils m’ont accompagné vers la sortie. Les quinze étages, les escaliers ont eu raison de mon équilibre, j’ai la tête qui tourne. Un attroupement entourait une zone en dessous de notre fenêtre.

   — Hey, Vince, qu’est-ce qui se passe ? A dit un mec.
 

Une sorte de haine, une sorte de boulle remontait en moi, quelque chose devait sortir, je me suis senti tout d’un coup invincible, j’envoyais des coups de têtes aux deux flics qui me croyaient abattu par le chagrin.

   — Ces enculés de flics ont tué Judith. Je gueulais en rouant de coups un des flics qui était à terre, tout en pleurant.
 

Rapidement les flics ont été submergés, un copain m’attira à lui, puis nous sommes partis en courant.

Je venais de tout perdre, Judith, mon fils à naître. Les flics me recherchent dans la citée. Il paraît qu’ils ont eu le manouche, c’est lui qui m’a donné. Depuis je revis sans cesse ce qui s’est passé, je revois les quatre flics qui sont venus m’arrêter au petit matin, je vois leurs visages comme si leurs photos étaient imprimées dans mon cerveau. Je revois aussi la fille flic en pleur, quitter l’appartement après que Judith est décidée d’en finir. Ces pourris vont payer, je ne sais pas comment je vais faire, ni combien de temps cela me prendra, mais ils payeront.

 

Deux mois après la mort de Judith et de mon fils, après deux mois d’errance dans cette cité sans âme, je me suis résigné, il fallait absolument que je matte mon chagrin qui depuis deux mois ne fait que grandir, il me gêne, j’ai peur de faire des conneries. Je suis allé m’engager dans la légion étrangère, le petit Vince est devenu « le blond » pour cette nouvelle famille qui m’ouvrit ses bras et m’accueillit sans rien me demander, sans me juger.

 

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Table des matières

  1. L’ange gardien. Env. 7 pages / 2275 mots
  2. La malchance. Env. 24 pages / 8283 mots
  3. Un jour, il y aura du bonheur. Env. 24 pages / 8230 mots
  4. Je raccroche. Env. 22 pages / 7707 mots
  5. Métro, boulot, dodo… Env. 19 pages / 6449 mots
  6. Un plat qui se mange froid. Env. 1 page / 47 mots
/ du chapitre 2 sur 6
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