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réflexion sur le parcours d'une vie
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- Catégorie : Savoir, culture et société > Biographies et témoignages
- Date de publication originale : 23/03/2020
- Date de publication sur Atramenta : 22 juillet 2020 à 15h00
- Dernière modification : 31 juillet 2020 à 14h30
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- Longueur : Environ 48 pages / 16 643 mots
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réflexion sur le parcours d'une vie
…Lorsque je suis devenu adulte
j’ai laissé ce qui était de l’enfant…
Préface
Ce dimanche 5 avril 2020,
J’ai décidé poussé par l’Esprit à remettre en question mon cheminement dans la foi afin d’évaluer la progression de ma maturité spirituelle.
Rassurez-vous cette démarche est dénuée de quelconque orgueil mais je reste convaincu que toute situation qui stagne lasse et finit par pourrir tout comme l’eau stagnante qui devient impropre à la consommation à cause de sa dénaturalisation ; une eau qui au départ était bonne à boire avec des propriétés saines devenant par sa formation bactérienne, une eau non potable voire dangereuse pouvant mener à une contamination certaine.
C’est dans ce contexte que je m’interroge afin de ne pas être une pierre d’achoppement ce qui pourrait faire de moi un élément toxique dans un milieu de sainteté. Pour çà je me permettrai de remonter dans ma plus tendre enfance à l’âge où je bénéficiais encore de la foi de mes parents.
Faisons donc connaissance sans plus tarder, si vous le voulez bien et je m’efforcerai de n’être pas trop ennuyeux.
Je suis né un 7 septembre de l’année 1957 à Conakry qui est la capitale de la Guinée. Mon père est né au Lamentin, à l’époque ville ouvrière de la Martinique, le 28 février 1905. Il connut ma mère entre 1953 et 1954 dans une petite pension de Sainte Luce autre village de pêcheurs situé au sud de la Martinique.
Ma mère était une belle mulâtresse de la ville de Schoelcher - ville de la côte nord caraïbe dont les habitants étaient en majorité des pêcheurs sans prétention. Mes parents se marièrent au mois de Mars 1954. Mon père avait environ la cinquantaine et ma mère n’avait que 33 ans.
Pourquoi donc suis-je né aussi loin du pays natal de mes parents ? La raison est que mon père était officier de marine et il avait été muté en Afrique dont certaines régions étaient des colonies françaises.
De l’union de Gaston Pierre Nicolas et Renée Paule sont nés Eliane Joséphine et Gaston Guy. Ma sœur a été conçue en 1956 à Kaolack ville du Sénégal et moi donc un an plus tard en Guinée. Un évènement important se passa en 1958 en Guinée, en l’occurrence l’indépendance du pays, avec au pouvoir le président Sékou touré. Mon père reçût ainsi l’ordre de mutation dans son pays d’origine nôtre chère Martinique.
Le rideau se referme sur cette présentation que je tenais à faire à tout prix par déférence pour mes parents qui me sont si chers. ( j’en parle encore au présent)
Ce n’est tout de même pas rien de se retrouver du jour au lendemain pour raison professionnelle dans un pays aussi lointain. Ceci faisait partie de la personnalité de mon père de découvrir d’autres cultures, qui sur les dires de ma mère, durant les escales que faisait le bateau où il se trouvait embarqué, restait à bord s’adonnant à l’apprentissage de la langue de Shakespeare ou se retrouvait souvent avec les cuistots du bord pour l’élaboration de plats raffinés de la cuisine française. Et hop changement de plateau pleins feux sur l’acteur principal et… « action on tourne !»
Mes 4 ans
S’il me fallait décrire le trait de caractère qui ressort chez l’enfant que j’étais, je parlerais volontiers de cet enfant joueur, taquin, cherchant à tout prix à plaire et à amuser la galerie au point que lorsque ma « maîtresse d’école » m’eut demandé quelle est la carrière je voudrais embrasser plus tard je rétorquai sans l’ombre d’une hésitation : « je serai clown, Madame. » J’avais quatre ans à l’époque et tout ce qui m’intéressait c’était de jouer la comédie surtout auprès des filles. Il est vrai que je suis entré à l’école primaire de filles, à cette époque il n’existait pas encore d’école mixte et paradoxalement je fus inscrit dans une école de filles. J’y suis resté de la maternelle au CP pas du tout gêné par la différence de sexe au contraire j’appréciais beaucoup jouer avec mes copines en leur tirant les rubans qui leur tenaient les cheveux et elles me retournaient bien cette affection anodine et puérile et cela me convenait bien.
Dans ma famille, j’appréciais les visites chez mes oncles surtout les frères de ma mère dont les enfants avaient notre âge tandis que du côté paternel mes cousins pourraient passer pour mes oncles tellement la différence d’âge était grande.
Il y avait surtout Tonton Paul qui était le cadet de ma mère et dont les filles de mon âge s’appelaient dans l’ordre chronologique : Simone, Nicole et Micheline. Nicole était de l’âge de ma sœur et Micheline n’était mon ainée que de quelque mois. N’empêche que dans ma mémoire il existe une photo où je visitais les dessous de la robe d’une de mes cousines et surprise j’avais osé regarder sous celle de la plus grande, quelle audace ! L’oncle Paul avaient eu 4 enfants dont un fils mes ceux qui suscitaient mon plus grand intérêt étaient la cadette et peut être avec plus d’ « affinité » la benjamine Micheline. Eh oui voilà l’enfant que j’étais à 4 ans : espiègle, audacieux et coquin. Je me souviens aussi de cet amour que j’avais pour les poitrines généreuses sur lesquelles j’aventurais ma tête en fermant les yeux. Ce n’est pas vraiment la période que j’ai appréciée le plus aussi ne serai-je pas très long sur cette période de mon intimité et je passerai sans hésiter à la prochaine étape.
Mes 7 ans
Ce cap des 7 ans est la période la plus marquante et déterminante. Elle fut vraiment pour moi ce que l’on appelle communément l’âge de raison, où un tournant porté sur la réflexion et une foule de questionnements restés longtemps sans réponse me submergèrent.
Il y eut cette sensation nouvelle et étonnante : une protection toute particulière qui ne me venait plus directement de mes parents mais de mon être intérieur un peu comme dans l’histoire de Pinocchio et Gemini Criquet.
Je le vécus comme une évolution de ma personnalité que je découvrais au fur et à mesure de ma croissance. Je pris aussi connaissance de mon appartenance à Dieu sans l’intervention d’une tierce personne.
6 J’ai répondu : « Ah ! Seigneur Eternel, je ne sais pas parler, car je suis trop jeune. »
8 N’aie pas peur d’eux, car je suis moi-même avec toi pour te délivrer, déclare l’Eternel. »
9 Puis l’Eternel a tendu la main et a touché ma bouche avant d’ajouter : « J’ai mis mes paroles dans ta bouche. » (Jérémie 1 ; 6-9)
Dès lors j’eus une toute autre façon d’appréhender la vie, d’ailleurs mes réflexions ne venaient plus de moi-même et j’en étais conscient, me laissant éduquer et façonner par cet « intrus » qui me procurait tant de sérénité et de bienêtre. Je lançais des paroles qui n’étaient pas vraiment reçues à propos et moi-même je n’en mesurais pas la portée, disant les choses telles qu’elles me venaient dans mon cœur ou à l’esprit. Je revois encore cette scène comme si c’était hier où, allongé en travers dans le lit de ma mère, les pieds appuyés contre le mur jouxtant la couche parentale, je m’adressai à ma mère tout radieux :
« Maman je sais ce que je vais faire quand je serai grand je serai médecin. » Toutefois j’avais bien conscience qu’il ne s’agissait pas de guérir le corps humain mais l’âme, comme si je prenais conscience du mal-être de l’humanité.
C’est tout comme certaines questions que je posais à ma mère sur la vie spirituelle et elle me disait sur un ton embarrassé : « va-t’en jouer ce ne sont pas des choses de ton âge. »
A cet instant je compris que ma pauvre mère ne pourrait pas satisfaire mes questions sur le sujet et je continuais à me laisser enseigner par mon intrus bienfaiteur. J’ai parlé dans un paragraphe précédent de changement d’attitude flagrant, le premier qui me vient à l’esprit est le fait que je ne recherchais plus à amuser la galerie mais plutôt la compagnie des adultes qui me renvoyaient ipso facto à des occupations plus enfantines. « Laisse parler les grandes personnes, va jouer avec les autres enfants. »
Ce fut aussi à cet âge que mes parents en bons catholiques m’inscrivirent à l’instruction religieuse prodiguée par la paroisse et quelques fois c’était le curé qui nous honorait de sa présence pour faire de nous des adeptes de la religion.
Ce dernier passait plus de temps à nous raconter ses propres aventures constituées le plus souvent des coups pendables commis avec ses copains. Bon bref, encore une fois je me retrouvais frustré par les adultes, qui fuyaient en quelque part leur responsabilité et manquaient cruellement de pédagogie. Néanmoins j’étanchais ma soif de connaissance par cette relation de plus en plus profonde avec le Saint Esprit qui se révélait à moi comme un enseignant hors pair et ne créait en moi aucune frustration. Je me voyais littéralement transformé sans vraiment avoir à donner de moi-même comme si une main invisible me façonnait sans que j’oppose de résistance. Je me laissais vivre sans vraiment comprendre ce qui m’arrivait et une fois adulte et converti, je me suis rendu compte que notre Seigneur m’avait écarté du monde me protégeant de la plupart de ses dangers.
Je me sentais en sécurité dans ma bulle et on peut dire que j’étais devenu un peu farouche laissant volontairement une marge entre le monde extérieur et mon intimité.
Mon père a eu lui aussi dans ma vie une influence innommable et indispensable, de telle sorte que je le plaçais sur un piédestal en lui attribuant ce rôle de précepteur personnel pour moi tout seul et je me sentais à l’écart des regards des autres. D’ailleurs je me souviens bien d’avoir été considéré comme un enfant gâté par mon entourage, un enfant dépendant qui était toujours en quête d’affection maternelle. Mon père, pour y revenir, n’était guère communicatif mais il y avait en lui comme on dit cette aura, cette autorité perceptible dans chacune de ses paroles et chacun de ses gestes ce qui faisait de moi une fidèle reproduction, un clone. Nous en avions beaucoup en commun des marques de fabrication tel un signe qu’il avait sous le bras et à l’oreille je les avais tous les deux à la même place, marrant !
Je ne me souviens que d’une seule correction à laquelle j’ai eu droit c’était à cause de ma manie de dessiner sur les murs. Ce n’était pas de vrais dessins je n’ai jamais eu ce talent jusqu’à aujourd’hui mais j’étais intrigué par les zébrures que je voyais sur les murs de la maison et je me suis mis ce jour-là à dupliquer ces zébrures directement sur les murs du séjour avec du crayon à papier ou peut-être même de couleur. J’étais très attristé de cette correction non pas parce que j’avais mal physiquement, mais c’était le fait d’avoir mis mon père en colère. Je m’en suis voulu pour cette bêtise d’enfant et me suis appliqué à ne pas recommencer, ne voulant pas que mon père soit de nouveau en colère et je suis resté longtemps désemparé et honteux d’avoir déplu à mon paternel.
C’est sur ce piédestal que je l’avais placé conscient que ma protection était ainsi assurée et entièrement dépendante de ma soumission au chef de famille.
Voilà les traits importants que je relève de mes 7 ans un âge où la réflexion était de mise sans pour cela qu’elle vienne de mon intellect et cela me convenait parfaitement. Je crois que j’y pensais surtout dans mes difficultés d’adulte et je me souvenais comment çà semblait facile à cette époque où tout venait gracieusement et sans effort. J’ai longtemps cherché à revenir virtuellement dans ces temps-là mais en vain, il fallait me rendre compte qu’un adulte n’était plus un enfant mais pouvait tout recevoir par la foi comme un petit enfant.
Encore aujourd’hui, je m’applique à cette quête spirituelle où la foi, il est dit, grosse comme un grain de moutarde peut déplacer les montagnes. Le combat de David contre Goliath en est l’illustration parfaite : alors qu’il n’était qu’un enfant il n’a pas hésité à se placer devant un guerrier menaçant, regardant à la finalité et faisant fi de ses peurs. Cela paraissait être de l’inconscience aux yeux des spectateurs mais l’enfant David ne vivait pas en spectateur mais était souvent l’auteur de nombreuses prouesses qui le plaçait au rang d’acteur. Il prenait les bonnes décisions et savait comment s’y prendre ne laissant aucune place à la crainte ce qui lui donna l’occasion de tuer le lion qui menaçait le troupeau de son père. Une autre chose ayant attiré mon attention était l’importance qu’avait la généalogie dans la bible et quand on parlait d’un personnage quelconque il était dit untel fils de untel. N’est-ce pas là l’image du patriarche responsable de l’avenir de sa famille et de la dépendance du fils vis-à-vis de son père ? Dieu à diverses reprises à élever le fils par rapport à l’obéissance parfaite qu’il lui vouait et cela devrait nous donner une leçon nous qui avons charge d’éducation à marcher le plus possible dans l’intégrité.
Mes 11 ans
Je passerai assez vite sur cette période où l’instabilité était quasi quotidienne et je sentais s’étioler cette relation première, celle de mes 7 ans, certes j’avais toujours intact ce sentiment voué à mon père mais la présence de Dieu était comme une petite étincelle jaillissante et je ne ressentais plus cette présence permanente. Cet âge me rappelle aussi mon fort embonpoint - pour ne pas parler d’obésité - qui m’avait retranché de l’extérieur de manière négative ayant comme symptôme le repli sur moi, la timidité presque maladive, une exagération du regard que les autres me portaient. Tout ceci me mettait mal à l’aise et me poussait à me dévaloriser et ça n’arrangeait en rien ma découverte toute naissante de la foi en Dieu.
Cette période ne m’apportait « rien de bon » en tout cas pour mon développement personnel et je qualifierais celle-ci de temps d’instabilité où tout était obscur et sans espoir de changement.
Je garde le souvenir de cette photo de ma communion solennelle, le regard encore éclairé mais tellement timide à cause de cet embonpoint dont j’avais si honte. Je cachais mon embarras à mon entourage mais une fois seul il y avait cette voix venant au plus profond de moi-même me montrant ma « transfiguration, » mon incapacité à saisir l’approbation des autres ou un regard stimulant, sentiment évoquant mes 4 ans. Quand je dis que je ne m’attendais à aucun changement les années qui suivront avéreront mes dires et sur plusieurs années je voyais décliner ma qualité de vie. Les « coups tordus », foireux, se multipliaient et s’abattaient sur ma personne encore fragile et je me laissais glisser impuissant dans ce climat d’incertitude sans volonté de réaction.
Néanmoins, j’avais découvert la musique au travers de l’apprentissage du piano. Ce fut comme un exutoire à tout ce stress, ces émotions négatives qui m’asphyxiaient littéralement et qui étaient en train de détruire tout mon équilibre initial. J’avais donc découvert le piano par le biais d’Eliane, ma sœur ainée qui possédait même son piano personnel. Elle m’interdisait d’y toucher mais à chaque fois qu’elle s’absentait je m’empressais, avec mon pouce, de reproduire sur l’instrument les mélodies qu’elle apprenait. Quand j’étais satisfait du résultat, je lui montrais non sans une touche de défi, mes exploits. J’étais assez fier de moi car j’étais parvenu à mémoriser ces quelques mélodies dont l’une s’intitulait « A Grenade » cet air je l’entends encore dans ma tête c’était : la la la / la la / la la la la / la la / ah mais suis-je bête je ne sais pas écrire la musique.
Ma sœur m’avait dès lors donné la permission de jouer de son instrument, rassurée du fait que je n’allais pas le lui casser et mes parents devant mon enthousiasme pour le piano m’avaient inscrit au même titre que ma sœur aux cours de Mme M. professeure au centre-ville de Fort de France. J’étais vite devenu le chouchou de Mme M. qui en fin d’année, donnait une audition à laquelle étaient conviés tous les parents. C’est elle le plus souvent qui choisissait les morceaux à exécuter pourtant je sortais du lot et elle me donnait le choix entre tel ou tel morceau. Je me souviens qu’à ma 3ème année je lui ai demandé de jouer la polonaise « militaire » de Frédéric Chopin, mon compositeur préféré. C’était quand même un morceau qui nécessitait de la maîtrise de doigté et d’exécution et par ce fait représentait une œuvre d’une singulière difficulté.
Nonobstant mon manque de pratique pianistique, elle me l’accorda sans réticence. J’étais aux anges je jouerais Chopin et le résultat n’était pas trop médiocre Frédéric ne se retournerait pas dans sa tombe. J’avais quand même ma tactique personnelle celle d’écouter l’interprétation par un grand pianiste et je laissais jouer mes propres émotions. Je possédais dans ma discothèque toutes les œuvres de Frédéric Chopin : valses, nocturnes, préludes, ballades, mazurka et pour en venir à ma polonaise dite militaire qui était interprétée par G. Cziffra.
J’étais émerveillé par son interprétation mais ma préférée demeurait la polonaise « révolutionnaire » la plus tumultueuse. Celle-ci me faisait rêver et je me voyais déjà en haut des affiches avec mon nom et celui de Frédéric.
Je m’intéressais quand même à d’autres compositeurs tels Beethoven surtout les sonates mais pas tout à fait sensible aux compositions de Mozart que je trouvais beaucoup trop vivace. Ma musique d’écoute était surtout constituée d’œuvres pianistiques procurant un sentiment de nostalgie et c’était pour moi une véritable thérapie me faisant oublier ma détresse et j’étais heureux. Le piano était comme une présence qui me rassurait et quand je devais jouer devant les parents d’élèves ou autre auditoire, je faisais abstraction de mon entourage c’était le piano et moi ou l’inverse. Oui c’était moi et l’instrument car toutes mes émotions passaient par mes doigts qui disaient au piano comment jouer tenant compte des nuances mais pas trop des silences, (c’était l’un de mes défauts sur le plan rythmique.) Je faisais ressortir ma sensibilité vulnérable et surtout mon insatisfaction chronique. Ce pseudo bonheur va durer 3 ans, époque où pour un départ en congé de ma mère, nous partîmes à la conquête de Paris la ville lumière. Je vous raconte la suite dans le prochain chapitre. Mais je voulais retracer un passage de ma vie qui fut plus traumatisant que douloureux : la mort de mon père. Je me souviens qu’il avait eu une crise ce soir du 8 février 1970, semblable aux autres mais différentes néanmoins, sur ce fait qu’il avait exigé que toutes les lumières soient éteintes et que tout le monde aille se coucher ; il était environ 19h.
Je fus pris ce soir là d’une forte angoisse et je sentais que mon père allait mourir. Je fis cette prière à Dieu « s’il te plaît ne me l’enlève pas j’en ai encore besoin. » Pourtant ce soir du 8 février 20h40 décédait Gaston Pierre Nicolas. Son cœur était trop fatigué par 5 ans de pathologie et souffrait d’une thrombose de l’artère coronaire. Mon père n’a jamais voulu se faire opérer et disait qu’il préférait se remettre à Dieu pour le temps qu’il lui resterait à vivre.
Cette mort fut traumatisante pour moi du fait que mon père représentait l’autorité et n’étant pas assez imprégné de sa sagesse, je ne me sentais pas prêt à affronter la vie que je redoutais tant. Le résultat ne se fit pas attendre je n’avais aucune concentration dans mon travail scolaire et ce 2ème trimestre de ma classe de 4ème fut lamentable et mon année se solda par un redoublement inévitable. Mais je ne voudrais pas trop noircir le tableau par des jérémiades, aussi passerai je sans tarder à notre périple parisien.
Mes 14 ans
Le voyage se fit par bateau, non pas un transatlantique mais un humble cargo qui se nommait « Fort fleur d’épée. »
Celui-ci transportait des bananes de Martinique au port de Dieppe et nous et les 11 passagers, résidions dans les quelques chambres mises à disposition des passagers. Le bateau était loin d’être un rafiot et satisferait les plus exigeants. Les chambres étaient confortables et accueillantes et ils servaient un petit déjeuner copieux dont je n’ai plus souvenance de la composition mais pour l’anecdote ma mère un jour me demanda :
Alors Gaston tu as terminé ton petit déj ?
Non Maman j’ai laissé 4 toasts
Ce que j’avais oublié de mentionner c’est que j’avais demandé à 3 reprises qu’on m’apportât une corbeille supplémentaire de pain grillé.
Mon appétit démesuré était sans doute dû à l’air marin mais cela dit il n’y avait pas que le matin qu’il était démesuré, le déjeuner et même le dîner étaient aussi gargantuesques. Il y avait tout de même un bémol au confort des passagers c’était le manque de loisirs. Mis à part les jeux de société il y avait encore d’autres jeux de société. Ainsi pour tuer le temps, il nous arrivait mon frère Georges et moi de jouer une partie de tennis de table avec les membres de l’équipage et un jour ce fut mon frère et moi les vainqueurs. Pour nous féliciter de notre victoire ils nous offrirent le pastis et s’adressant à moi, l’un d’eux suggéra : « tu le veux coupé avec de l’eau ou sec ? » Ce à quoi je répondis sans hésiter : « sec. »
Dubitatif, le marin me versa ce pastis dont j’ignorais jusqu’ici l’existence et moi de l’avaler d’un trait. L’effet fut si brutal que j’en eus le souffle coupé et comme en apnée je fis comprendre d’un signe que je voulais de l’eau. C’était LE moment détente de cette partie de ping - pong. Je me souviens de cette fille toujours accompagnée de ma sœur qui répondait au prénom aussi charmant que charmeur celui de Maïna.
A l’époque elle devait avoir 18 ans avec tout ce qu’il faut comme atours, dotée d’une poitrine généreuse sans être plantureuse. Elle atteignait bien la stature d’1,70 m et était tellement agréable à regarder que je me sentais tout chose devant cette nouvelle sensation comme une chaleur inexpliquée et subite qui circulait dans tout mon corps : c’était la première découverte du monde des gonades et autres chromosomes dont je ne connaissais pas le nom mais dont je « subissais » les effets. La puberté venait de faire son apparition.
Au bout de 11 jours nous débarquâmes au port de Dieppe et avons pris le train en direction de Paris. Notre appartement était situé au 14 cours de Vincennes tout proche de la place du trône actuellement place de la nation. En face se trouvait le « Printemps » Nation et bien que situé dans le 12ème arrondissement parisien, en continuant à remonter la rue on se retrouvait dans le 20ème arrondissement où était scolarisée ma sœur au lycée Hélène Boucher.
Notre logement perché au 4ème étage, (sans ascenseur) comprenait un séjour surchauffé, une chambre où il était de rigueur d’avoir un radiateur portatif et un coin douche qui trouvait place dans une cuisine trop exigüe. Pour accueillir tout le monde il fallait faire preuve de tolérance et ne pas craindre la promiscuité. Nous étions trois à dormir dans la seule chambre qui était de dimension acceptable. Ma mère et ma sœur passaient leurs nuits dans le grand lit, moi sur un petit lit d’appoint pliable et Georges se contentait de dormir, lui aussi sur un lit d’appoint, dans une petite pièce attenante à notre chambre. Nous vivions à l’étroit certes, mais nous ne manquions de rien et ma mère se faisait une joie de nous rendre et nous voir heureux.
Je n’aimais pas trop les sorties et maman quelques fois m’obligeait à sortir de mon confinement volontaire et à profiter du grand air qui finalement me faisait le plus grand bien. Néanmoins, je préférais rester en sécurité chez moi en écoutant de la musique classique que je me procurais au magasin « Printemps » de l’autre côté de la rue pour la modique somme de 15frs.
J’étais scolarisé à l’annexe du lycée Arago pour assurer ma 2ème année de 4ème à quelques 20 minutes de chez moi en y allant à pied ou à une station de métro en partant du métro nation. J’avais un bon niveau général surtout dans les matières linguistiques dans lesquelles je m’octroyais les premières places de la moyenne générale de la classe. Seulement j’avais un souci avec les mathématiques et j’avais pour mon malheur comme professeur, un ancien militaire de carrière qui aurait dû prendre sa retraite où se destiner à une autre branche que celle d’enseignant.
Je disais précédemment que ma mère faisait tout pour nous rendre heureux et elle n’a pas démérité. Ne voulant pas que je perde mon niveau dans la pratique du piano, elle m’inscrivit tout d’abord au conservatoire de la mairie du 12ème non loin du métro Daumesnil. Les inscriptions se faisaient sur place et il était impératif de passer une audition pour une adhésion définitive.
Il y avait foule ce jour-là et avant que mon tour n’arrivât ils annoncèrent la clôture des inscriptions. « Il ne reste plus de place disponible. »
Nous nous apprêtions à faire demi-tour quand je ne sais pour quelle raison il nous a été permis de passer tout de même l’audition. Je me souviens avoir choisi la valse n° 10 de Chopin que j’avais étudiée en autodidacte. J’entrai dans la salle d’audition comme un automate craignant un mauvais regard et me dirigeai droit vers le piano (droit lui aussi) et entamai le morceau. Quand j’eus terminé le directeur me pris par le bras et se dirigeant vers le jury, s’écria : « vous me trouvez une place pour ce garçon il faut que vous me l’inscriviez. »
Au départ c’est un seul regard que je craignais mais là c’était toute la foule qui se tournait vers moi se demandant la raison de tant d’enthousiasme de la part du directeur du conservatoire. Mon professeur M. AUDON me signala mes lacunes et me prévint qu’il fallait travailler régulièrement au moins une heure par jour et me consacrer au exercices qu’il me donnait pour parfaire ma rythmique et mon doigté. Je m’empressai d’exécuter les exigences du professeur en m’entraînant sur le piano que ma mère nous avait loué pour l’année. Mes sorties se raréfiaient de plus en plus, entre le travail de classe et l’apprentissage du piano, il ne me restait pas beaucoup de temps et seul le dimanche était consacré à une sortie cinéma après être passés le midi à la pâtisserie du coin où millefeuilles, éclairs, religieuses, mokas ou autres babas étaient scrupuleusement choisis selon notre caprice du jour. Réflexion faite, je peux dire que ma sœur Eliane m’a aidé à continuer le piano étant mon accompagnatrice aux cours, parfois avec réticence mais toujours présente. Il est vrai que le jour tombait vite lors de la saison hivernale et je redoutais de prendre tout seul le métro pour me rendre à mes cours du conservatoire. Aussi devais-je convaincre ma sœur de m’accompagner. Un jour, excédée, elle s’écria « Bon çà va mets tes chaussettes jaunes et tes clarks et dépêche toi. » Ce fut l’une des répliques inoubliables qui firent longtemps rire ma mère sans qu’on en sache vraiment la raison profonde. Merci Lili ( c’est son surnom ) pour ta patience.
Un autre évènement essentiel est apparu dans cette période concernant cette fois l’âge pubère. J’ai parlé dans un paragraphe antérieur de la découverte de mes chromosomes et autres, il m’a quand même fallu suivre un traitement médical pour que ma croissance soit épanouie. En effet en arrivant à Paris j’étais obèse et possédais un féroce appétit non pas seulement de la gourmandise mais plutôt de la voracité qui faisait que je me jetais sur toute nourriture qui se trouvait à portée toujours suivi de cette sensation de non-satiété. Je ne sais qui en a pris la décision mais ne voilà t’il pas que je me retrouve au cabinet de Dr Céleste, un guadeloupéen installé de longue date à Paris. Celui-ci m’ausculta longuement et me donna enfin la raison de mon obésité que les médecins qualifiaient jusqu’ici d’héréditaire. Il nous expliqua que cela n’était pas dû à la génétique seule mais aussi d’une carence au niveau de la croissance qui faisait que j’avais du mal à évoluer en stature et qu’au lieu de grandir je gagnais inexorablement en volume. Il me prescrit un régime léger riche en légumes et un peu moins en fruits, avec des injections de gonades pour accélérer le processus de croissance. Six mois après me voilà transformé ma voix avait mu et j’étais devenu élancé et avais perdu mes kilos superflus. Cette métamorphose n’était que physique et je gardai ma mentalité « puérile » mal adaptée à mon âge réel et cette timidité maladive ne m’avait pas quittée. Il y avait quand même des moments où je faisais preuve de maturité mais j’étais comme sous influence et ne pouvais m’affirmer totalement quand l’occasion se présentait. J’étais dépendant de l’opinion de mes pairs et n’avais aucune considération pour la mienne. J’ai la profonde conviction que cette situation empêchait mon équilibre caractériel alors que mon corps correspondait quasi parfaitement à mon âge. En effet j’eus souvent l’impression que j’attirais les regards admiratifs de la gente féminine cependant ma timidité inhibait totalement mes attributs séducteurs. Je me souviens du dernier été de notre séjour où je me rendais avec mon frère Georges au lac Daumesnil y faire de la barque parmi les jolies filles et les quelques canards qui nous accompagnaient lançant leur coin-coin tumultueux. J’appréciais beaucoup ces moments d’échange fraternel trop rares à mon goût mais tellement forts en émotions. Ce fut aussi durant cet été que mon année en classe de piano se termina et il a fallu penser au retour en Martinique. Le directeur à plusieurs reprises insista pour que je continue car j’avais effectué des réels progrès.
« Tu n’aurais pas la possibilité que quelqu’un de ta famille te prenne en pension et alors tu pourrais continuer à suivre tes cours et devenir plus performant. »
J’ai pensé d’emblée à ma tante Solveig, norvégienne d’origine, ayant épousé Ernest le frère de Maman qui se réjouissait de m’entendre jouer Chopin et m’avait même confié qu’elle avait eu un songe dans lequel elle me voyait sur une scène où je donnais un récital et je vous laisse deviner quel compositeur était au programme. Cela dit ma mère n’était pas trop décidée à laisser son petit chéri vivre aussi loin d’elle et de mon côté je ne pouvais pas décider par moi-même étant encore mineur et immature. Ce ne fut pas sans faute d’essayer de part et d’autre du directeur soutenu par le désir de ma tante de voir se réaliser son rêve.
Epilogue tranchant je retournerais en Martinique tournant la page d’un rêve et peut- être d’une carrière prometteuse qui se dessinait. Qui sait ?…
Toujours est-il que mon amour sans compromis pour la musique classique s’éteignit lentement et je m’adonnai à l’écoute d’autres musiques surtout caraïbéennes : salsa, calypso, mais bien sûr biguine et mazurka créole. Plus tard ma soif de découverte musicale flirta avec le jazz de toute origine, latine, créole, négro spiritual, free jazz avec John Coltrane et autres. J’ai essayé de reproduire au piano des mélodies créoles ou certains morceaux de salsa sans grand résultat. Je n’en étais ni convaincu ni satisfait. Je fréquentai aussi une école de musique et de danse créée par la municipalité de Fort de France. Je me baladais entre les différents ateliers mais surtout celui de steelband et de danse contemporaine mais
la recherche de moi-même demeurait infructueuse. Le flux de la vie continuait à me balader ou plutôt à me faire errer de lieux en lieux sans pouvoir vraiment me fixer quelque part. Après le renoncement à l’étude du piano ce fut mon intérêt pour l’école qui s’étiolait. Après la décision du conseil de classe du lycée Arago de me faire effectuer une 3ème année de 4ème, je vécus comme une injustice venant de la part de mon professeur de maths (vous savez le militaire de carrière) de n’avoir pas tenu compte de mes autres notes qui étaient largement au-dessus de la moyenne. Au conseil de classe il n’a pas été évoqué mon mal être intérieur le fait que j’étais déstabilisé par ce deuil duquel je ne parvenais pas à me défaire. C’était indépendant de ma volonté je ne trouvais pas ce « quelque chose » qui pourrait me faire sortir de cette atmosphère fataliste et ce laisser aller qui n’arrangeait en rien la situation. Ma mère prit la décision de m’inscrire dans une école privée et je suivais les cours qui m’intéressaient et me relâchais dans ceux qui à mes yeux étaient moins importants. Le cours de géographie de Mme St Prix était souvent perturbé par mes imitations de bruit de différentes motos, ce qui me valait d’être expulsé du cours à ma grande satisfaction. Ce n’était pas que j’étais incapable d’avoir un bon résultat mais j’étais complètement indifférent du sort qui m’attendait. La preuve c’est qu’un jour, Mme St Prix demanda qui serait capable de refaire le cours de la semaine dernière. A son grand étonnement je demandai à prendre la parole et elle me laissa faire sans trop y croire. Ma récompense fut d’obtenir un 18 pour mon intervention suivi de cette rétorque :
« Vous voyez EUDARIC qu’il vous arrive d’apprendre vos leçons.»
« Non Madame j’ai seulement suivi votre cours de la semaine dernière. »
Le dernier trimestre de mon année de seconde arrivait à terme et quand j’ai annoncé ma décision de laisser l’école, la secrétaire de direction de l’école qui était aussi la mère d’une camarade de classe, me prit à part et essaya de me dissuader de mon choix en mettant en avant mon potentiel, en me disant qu’il me suffisait juste donner le meilleur de moi et de ne pas relâcher l’effort. Tous ces efforts restèrent vains et même ma mère n’a su me faire entendre raison. Et me voilà lâché dans le monde extérieur sans formation professionnelle ni objectif précis, sans savoir ce qui pourrait m’intéresser. Je crois surtout que je savais ce que je ne voulais pas faire mais incapable de me diriger vers tel ou tel objectif. J’étais conscient de ma lente mais inexorable déchéance humaine et sociale sans toutefois imaginer les problèmes devant lesquels je m’exposais. J’étais comme doté d’un optimisme irréaliste, une utopie dont j’étais devenu addict. Je me laissais vivre au gré de ma fantaisie qui me rendait de plus en plus dépendant des autres jusqu’à mener une vie complètement parasitaire en me nourrissant du travail d’autrui et en m’accrochant à tous ceux qui par « amour » continuaient à m’entretenir financièrement. Ma mère naturellement faisait partie de ceux-là et je crois qu’elle ne pouvait pas s’opposer à moi craignant ma réaction ou croyant qu’il était de son devoir de répondre à mes « besoins » comme elle l’avait fait durant mon enfance. La différence c’est que j’étais devenu un homme mais qui ne pouvait sortir du statut de l’enfance. J’avais 17 ans à l’époque et mon seul intérêt c’était de me procurer du plaisir entrant dans un monde où la séduction est de mise ; il fallait donc que je m’aligne et que je cherche moi aussi à plaire aux filles. En vérité elles ne m’intéressaient pas vraiment quoiqu’elles fissent tout pour me faire comprendre combien elles seraient heureuses que je leur accordasse ne serait-ce qu’un brin d’intérêt. Il y eût cette soirée dansante entre amis, durant laquelle le petit ami de ma sœur qui avait tenu que j’y participe, excédé par mon entêtement à ne vouloir danser qu’avec sa cavalière, (ma sœur) me présenta d’emblée trois filles toutes en même temps qui passèrent toute la soirée à me faire la cour mais je n’en gardai pas une seule. J’étais toujours fanfaron au départ et puis la fin ressemblait plus à Waterloo qu’à Austerlitz. Je n’étais pas capable d’avoir des relations sentimentales et de guerre lasse, mes petites amies se laissaient emporter par l’insistance de leurs courtisans à la voix mielleuse.
A 19 ans
Je fis ma demande de devancement d’appel afin d’accomplir mes obligations militaires. Après mes 2 mois de classe je fus affecté à l’infirmerie de garnison où se trouvaient au RDC le lieu de consultations médicales et à l’étage les hospitalisations légères. J’y fus respectivement chauffeur du médecin chef, qui avait le grade de lieutenant-colonel, ensuite celui du commandant qui exerçait la profession de stomatologue et pour finir je fus nommé chauffeur d’ambulance. Mon rôle était surtout de conduire certains patients à leur consultation psychiatrique à l’hôpital de Colson, trajet durant lequel j’exhibais mes talents de conducteur. Ils étaient pour la plupart ravis lorsque j’étais leur chauffeur et chacun racontait mes prouesses sur cette route sinueuse voire dangereuse, celle dite de la trace à hauteur de Balata, quartier de Fort de France qui mène à la commune de Morne rouge. L’ambulance accompagnait aussi les compagnies lors de leurs déplacements pour des exercices de tir dans les camps militaires ou lors des jours de manœuvres. « L’ambulancier » n’était présent qu’à titre d’accompagnant et ne participait en aucune manière aux manœuvres. Il était accompagné d’un infirmier de formation militaire qui se voyait remettre à la fin de leur service, un certificat qui pouvait dans certains cas avoir une valeur dans le civil.
Durant mon service militaire au service de santé du 16ème CGSTM il existait des semaines de garde où à tour de rôle chacun accomplissait sa permanence. Celle-ci se passait au service hospitalisation, donc à l’étage du bâtiment où un infirmier sous-officier et un chauffeur d’ambulance étaient à la disposition des appels téléphoniques pris en charge par le sous-officier de garde qui, si cela s’avérait nécessaire, avertissait le chauffeur d’ambulance pour une sortie éventuelle.
Souvent rien ne se passait durant la nuit et le week-end pour tuer le temps nous organisions des parties de belote qui commençaient à 19h, heure de la prise de service jusqu’à point d’heure. Ces parties étaient un prétexte pour siffler une caisse de Kronenbourg « col blanc » qui émanait du foyer de la caserne. Je découvris un plaisir nouveau celui de siffler des bières jusqu’à ce que je n’en pusse plus supporter sans tomber dans l’enivrement. Cette période était soi-disant une occasion pour moi d’entrer dans le monde du travail en m’engageant au service de l’armée, mais je ne sus pas choisir dans quel secteur m’engager et l’infirmier major ne m’encourageât pas à faire ma demande de stage infirmier. Est-ce pour cette raison que j’avais trouvé refuge dans la soûlerie ? Oui et non, le fait est que je manquais cruellement de maturité tout au long de mon périple de la vie. Il me manquait ce maillon fort de la famille parti un peu trop tôt auquel je n’avais pas trouvé de substitut. Même l’amour n’a pu me responsabiliser et je peux dire qu’à cette époque j’étais follement amoureux de cette jeune collégienne dont j’avais croisé le regard et qui m’avait émoustillé au point que je ne voyais que par elle. Elle répondait au nom de N. L. et nous sortîmes ensemble durant une période. C’était surtout des petites escapades ou des soirées de ci de là, sans compter sur la présence d’un fléau majeur : l’alcool. En effet malgré mon intérêt pour cette fille, je ne m’étais pas aperçu que l’alcool commençait à me ronger me donnant un caractère irascible que je ne voulais pas avouer. Evidemment toutes mes soirées étaient copieusement arrosées et j’occultais la compagnie de la fille que j’aimais, l’alcool me gardant jalousement dans son engrenage comme une femme à laquelle j’étais marié et qui ne voudrait pas de concurrence. Il s’était même immiscé dans ma vie sociale et sentimentale, ne laissant de place à aucun « rival .» J’étais profondément lié à tel point que dès mon réveil, j’avais d’une main ma cigarette et de l’autre ma bouteille de bière. Dans les soirées j’alternais bières et rhum ce qui selon moi me permettait de cacher ma timidité et de paraître plus viril. J’étais sous l’emprise du démon de l’alcool sans que personne n’intervint de façon significative. Ce n’est pas le fait qu’il n’y ait eu personne pour m’aider mais lorsqu’on me « faisait la morale » mon compagnon de vie me faisait me comporter de façon incontrôlable n’étant pas d’avis à ce qu’on m’éloigne de lui, ce qui le mettait en rage. Il me possédait, j’étais à lui et il ne laisserait personne me libérer de sa sordide emprise. Je fis le constat que depuis mes 13 ans jusqu’à mes 19 ans le brouillard qui pesait sur ma vie s’était considérablement épaissi à tel point que je ne voyais pour moi aucun avenir, aucune porte de sortie mais il y eût en moi comme une sorte de déclic. Je repensai à la vie que j’avais dans mon enfance dans laquelle il m’était facile de m’orienter et je m’adressai à Dieu en lui demandant de m’aider à retrouver ma vie première au temps où sérénité et paix assuraient mes lendemains.
« Mon Dieu ce n’est pas cette vie que je désire vivre ce que je veux c’est retrouver ma sérénité. » A cette époque je devais être âgé d’une vingtaine d’années et en faisant cette prière je m’attendais vraiment à un changement, une délivrance. Il me fallut attendre encore 5 ans pour qu’il se passe vraiment quelque chose. Pour la 2ème fois l’amour vint frapper à ma porte et cette fois c’était pour une plus longue durée. C’était un dimanche après-midi, nous étions partis mes copains et moi, pour une longue journée sur la plage des Salines et l’après-midi touchait à sa fin lorsque mon regard se fixa sur une jeune fille âgée d’une vingtaine d’années environ et je l’abordai, prétextant de manquer de cigarettes et lui demanda si elle aurait une à m’offrir. Elle me tendit un paquet de cigarette de marque étrangère et j’en pris une tout juste vu que ce n’était qu’un prétexte pour engager la conversation. Ce dont je me souviens c’est que je lui laissai mon n° de téléphone sur une carte de stationnement de l’époque qui était périmée et je lui avouai mon désir de la revoir. Nous nous revîmes en effet quelque temps plus tard et je lui dis de façon solennelle que je cherchais une relation stable et durable mais surtout que j’étais en quête spirituelle et que c’était vraiment là le but principal de ma vie. Elle acquiesça à ma proposition d’établir une relation stable et elle me donna le change sur ma quête spirituelle.
« Nous pourrions nous rapprocher de l’église si tu veux, parler à un prêtre ou regarder simplement là où cela nous mènera. » Nous étions tous deux de « confession » catholique ou devrais-je dire d’instruction catholique car il y avait longtemps que l’un et l’autre ne pratiquait plus sans avoir perdu la conscience de l’existence d’un dieu tout puissant.
Nous voilà donc partis au cours d’une journée dominicale pour assister à la messe à la cathédrale de Fort de France. Brusquement un événement étrange se produisit et ce fut comme une voix sortant de moi-même qui se fit entendre ainsi : « ta place n’est pas ici. » J’étais à la fois surpris et dubitatif sans pour cela effrayé. La voix se fit alors insistante et un peu autoritaire : «ta place n’est pas ici, sors de là ! » Je m’exécutai à la seconde qui suivit en disant à MJ qu’elle me retrouverait à la sortie de la messe.
Une fois l’office terminé je lui expliquai sans rien cacher ce qui s’était passé et cette voix ferme mais sans brusquerie qui m’avait ordonné de quitter les lieux. Elle ne comprit peut-être pas mais s’abstint de faire de remarque. Nous ne perdîmes pas ce désir de retrouver le contact avec Dieu et pour se faire, cherchâmes le calme monacal pour une méditation plus élaborée. Depuis MJ et moi vécurent en concubinage le temps de mettre en place la paperasse du mariage car j’avais le désir de sceller notre union par ce sacrement. Un événement vint littéralement changer le cours de ma vie ce fut la naissance de mon premier enfant et ce changement a été positif puisque qu’à partir de ce jour, j’ai décidé d’arrêter alcool et tabac. Je crois que la prière m’a beaucoup aidé car je n’ai pas vraiment senti la difficulté à tenir cet engagement et je l’ai tenu jusqu’à aujourd’hui. Je pensais que ce petit être avait besoin d’être préservé de mes dérives et que mon engagement n’était plus seulement envers une femme mais ma responsabilité de père était un gros atout que je devais jouer pour me construire et réussir dans ma nouvelle fonction de chef de famille. C’est ainsi que je ne tenais plus à fréquenter mes amis d’antan et que je n’eus même pas le temps de le faire puisque c’est eux-mêmes qui ont pris leurs distances. Un seul point restait à résoudre celui de l’émancipation sociale. Je n’avais pas encore réglé ce problème récurrent celui de l’emploi. Je ne pouvais même pas me dire au chômage puisque je n’avais jamais eu de boulot. Toujours est-il que nous nous marièrent en septembre 198, quelques mois après la naissance de notre fille Emmanuelle qui naquit le 21 mai . Un jour, la sœur de MJ qui était chrétienne de confession évangélique m’invita à une croisade qui avait lieu à son église et avec insistance nous convainquit d’y assister. C’était un missionnaire américain dont la prédication était traduite par un suisse allemand dont la femme était hollandaise. Ce couple que j’avais connu du vivant de mon père, avaient fondé cette église pouvant contenir environ 800 personnes non loin du centre-ville de Fort de France et proche de leur domicile. J’appréciais beaucoup les projections de films chrétiens qu’il organisait le samedi soir à son domicile pour les jeunes du quartier. L’un de ces films était le célébrissime « la croix et le poignard » inspiré du livre du même titre de D. WILKERSON. Ce film que je voyais pour la 1ère fois, m’avait réellement plu et j’en étais longtemps resté bouleversé. Je me souviens de ce dimanche après-midi où je chantais à tue-tête un cantique connu tout en faisant de la bicyclette dans la cour de chez mes parents. Ce fait a marqué mes souvenirs pour la bonne raison que le pasteur avait demandé d’où je connaissais ce chant et avait ajouté qu’il était connu aussi des fidèles évangéliques. Je crois que c’est depuis cet événement qu’il commença la projection de films. Je vous laisse deviner quelle ne fut pas sa surprise quand il me vit accompagné de MJ que je lui présentai.
« Gaston toi ici ?! Après tout ce temps … Cà doit bien faire plus de 15 ans et nous n’avons cessé de prier pour toi.» Il me fit un bref récapitulatif de sa vie après son passage à Redoute fief, de ma tendre enfance où je menais une vie bien épanouie. Très vite il m’interrogea sur l’origine de ma visite et quand il sut que je venais sous l’invitation de ma belle-sœur de l’époque, il m’apprit qu’il était son voisin de seulement quelques maisons.
« Tu n’auras qu’à venir (une fois) à la maison je me ferai un plaisir de t’expliquer les versets principaux de la Bible. » Nous prîmes rendez vous pour une visite à son domicile et il me reçut ce jour-là tout guilleret, attitude qui laissait deviner sa joie de me retrouver en plus en ayant soif de connaître Dieu. De mon côté aussi j’étais heureux de le revoir mais plus accaparé par ce qu’il me ferait découvrir que le fait de prendre de nos nouvelles. Nous entrâmes donc dans le vif du sujet non pas sans avoir fait un tour d’horizon sur mes connaissances de la Bible, c’est-à-dire rien, et ma motivation à connaître le Dieu des saintes écritures. Je lui fis un bref topo sur mes attentes et il commença à me parler de Jésus qui est le seul chemin par lequel tout homme doit passer pour connaitre la volonté de Dieu. Il m’apprit que l’homme était pécheur de nature et que le péché nous séparait du Créateur. Il me lit le verset 23 du chapitre 3 de l’épître aux romains : « Car tous ont péché et sont privés de la gloire de Dieu. » ainsi que le chapitre de la même épître au verset 23 du chapitre 6 : « car le salaire du péché c’est la mort mais le don gratuit de Dieu c’est la vie éternelle en Jésus Christ notre Seigneur. » Je n’avais pas encore pris vraiment conscience de ce qu’est le péché et le considérais comme une mauvaise action que nous aurons pu commettre ponctuellement et ne me considérait pas comme vraiment perdu compte tenu que je ne commettais que de « petits péchés que tout le monde faisait.» Il prit le temps de m’expliquer que le péché ne se résumait pas à l’acte mais c’était le fruit de la désobéissance du premier couple qui par leur conduite, avait conduit tout le reste de l’humanité dans le péché les condamnant à mourir. Puis pour enfoncer le clou il me parla du sort que Dieu avait réserver pour les impies c’est-à-dire tous ceux qui n’avaient pas accepter Jésus comme Sauveur.
« C’est pourquoi Gaston, me dit-il que la foi en Jésus signifie que tu lui abandonnes ta vie et que tu regrettes de l’avoir offensé. Es tu prêt à accepter Jésus comme sauveur personnel ? »
La réponse ne se fit pas attendre parce que je me sentais si mal comme si j’étais aller faire un petit tour en enfer pour mieux me rendre compte de ce qu’était mon avenir dans l’éternité.
« Oui je veux -me précipitai-je de dire- je ne veux pas connaître le lieu de tourment. Je veux être en paix avec Dieu en acceptant Christ. » Et je fus à cet instant inondé de larmes de consolation et d’apaisement. Nous avons prié ensemble et tous les trois, en compagnie de sa femme, nous remerciâmes Dieu de m’avoir gardé jusque là afin de recevoir ce don gratuit qu’est la vie éternelle. Voici dans quelles circonstances je me réconciliai d’avec mon créateur c’était durant le mois de novembre de l’année 1983.
Durant le mois de mai 1984 nous reçûmes le baptême MJ et moi car elle aussi c’était engagée dans la foi chrétienne. Hélas ce n’est pas pour autant que nous nous rapprochions tous les deux et on peut dire que c’était de plus en plus une ambiance tendue et orageuse. Nous avions déjà du mal avant le mariage et j’avais cru que cet engagement que nous prenions nous aurait réuni davantage. Qu’à cela ne tienne même en ayant fait la paix avec Dieu la situation était loin de s’améliorer. J’avais en permanence cette crainte de perdre cet équilibre social (même s’il ne tenait qu’à un fil) qui me donnait le statut de responsable de famille et c’était comme une épée de Damoclès au-dessus de ma tête qui me rendait hargneux et difficile à vivre. Je me battis pour sauver notre couple jusqu’à concevoir un 3ème enfant qui était censé nous réconcilier. Il est vrai que ma situation financière s’était stabilisée et avec les deux salaires nous pouvions vivre décemment. Rien de ce que je mettais en place pour l’harmonie du foyer ne semblait être suffisant pour retenir les attentions de mon épouse, qui se mondanisait de plus en plus et se mit à fréquenter d’autres hommes. Impuissant devant cet acharnement je me résolus à quitter la maison pour ne pas envenimer les choses et pour un peu plus de sérénité et de réflexion. Ce changement de situation me fit du bien quoique je gardai néanmoins un contact régulier avec mes enfants. Cependant le cas de MJ devenait problématique et une décision rapide devait être prise et c’est de la que d’un commun accord nous prîmes la résolution de divorcer. Les opérations qui suivirent se firent en bonne collaboration entre partis et se fut un divorce à torts partagés avec garde des enfants au domicile du père qui en fut l’issue.
Quelques temps après le divorce, au cours d’une visite des enfants chez leur mère, nous apprîmes par les voisins qu’elle était partie pour la Guyane et cela sans en avoir été avertis. Bref juste pour dire que c’était un projet mûrement réfléchi sachant qu’il n’y aurait pas de problème pour survenir aux besoins des enfants. Mais c’était sans compter sur le plan émotionnel nous avions été tous affectés mais en particulier ma dernière fille Audrey qui avait à peine un an au moment de la séparation et aujourd’hui encore elle en porte les séquelles. Même moi en tant qu’adulte, j’avais beaucoup de mal à assumer mes responsabilités de père et celle de célibataire. Mon caractère encore une fois a été chamboulé et je me souviens de cette période dépressionnaire durant laquelle il me fallut une aide psychologique avec traitement médical. Ce fut quand même bénéfique puisque j’ai pu me poser et réfléchir à autre chose que broyer du noir. Les événements bouleversants que je vivais m’avait éloigné de l’église locale et je me contentais de réunions de maison. Un jour que j’étais en visite chez mon médecin je lui demandai jusqu’à quand je devais prendre mes antidépresseurs celle-ci me répondit qu’ils m’étaient prescrits à vie alors que je me sentais mieux et capable de continuer « seul » ma route. Je pris la résolution de prendre conseil auprès du divin médecin et c’est là que j’ai arrêté mes médicaments sans que j’en subisses les effets de manque. Je me mis donc à prier Dieu avec insistance pour continuer de peaufiner ma guérison.
Un jour à mon travail, alors que je me trouvais les bras chargés par du matériel médical, j’entendis la voix de Dieu me disant : « celui qui ne porte pas de fruit sera retranché et jeté au feu » je ne paniquai pas mais au contraire lui demandai de m’aider à trouver le chemin puisqu’une nouvelle fois je me sentais perdu. Un jour, je fis la connaissance d’un homme qui s’était pris de compassion pour ma fille qu’il avait connue alors qu’elle faisait l’école buissonnière. Cette homme se présenta à moi par téléphone et me demanda si j’étais d’accord pour que nous fassions connaissance, proposition à laquelle je répondis par l’affirmative. Joseph, c’était son nom, m’a apparu comme un homme qui aimait Dieu on discuta un peu du cas d’Audrey pour qui il avait beaucoup d’amour. Nous avons parlé de moi et après un moment passé dans la prière, il s’adressa à moi en m’appelant « soldat » ce fut ce simple mot sorti de la bouche de cet homme de Dieu qui me remit sur les rails. Ce sobriquet qui m’était adressé m’a servi d’adresse mail que j’ai gardée encore aujourd’hui : « soldierofgod@… »
Les choses commençaient à devenir plus claires et ma vision aussi.
Il y avait non loin de chez moi à la zone industrielle de place d’armes au Lamentin, une église évangélique et je pris la décision de la visiter ce dimanche. C’était une église moyenne, très lumineuse et j’étais vraiment porté par les chants et survint le temps de la prédication. Je le reçus avec douleur comme s’il m’était adressé particulièrement. Il portait sur le pardon que tout chrétien doit dispenser à celui qui lui aurait fait du mal afin que lui-même ait le pardon de tous ses péchés. Au fur à mesure de l’avancée de la prêche mon cœur se serra et je me sentis comme étranglé par mes sanglots que j’essayais de retenir. Je laissai couler les larmes et c’est comme si j’étais lavé dans mon cœur un poids y était sorti et je n’avais plus cette amertume habituelle. De retour à mon domicile je demandai à mes enfants le numéro de téléphone de leur mère et lui demandai de me pardonner pour toutes les offenses et je me mis à énumérer toutes les offenses qu’elle avait dû supporter en lui disant que j’étais désolé. A aucun moment il n’y eut de la rancune elle m’écouta jusqu’au bout ne sachant quoi dire. J’entrai dans cette démarche de pardon et je me sentais reconstitué ; je demandai pardon à mes enfants, à ma mère, ma sœur tous ceux à qui Dieu voulait que je demande pardon. Je me contentais de demander pardon sans attendre de retour. C’est ainsi qu’un jour j’invitai ma mère au temple afin qu’elle écoute mon témoignage et le résultat c’est que dans mon entourage familial il y eut des retombées positives et tous étaient d’accord pour reconnaître qu’un changement s’était effectué. Ce ne fût que le commencement de ma restauration par le Saint Esprit. J’appris aussi l’humilité, la patience, un peu la maîtrise de soi et aussi l’obéissance par laquelle nous plaisons à Dieu.
Je devins plus organisé pouvant mieux répondre à certaines attentes sur le plan professionnel et familial. Du coup, la famille était plus présente pour moi et attentionnée mais ce n’est qu’un aperçu des bontés du Seigneur car elles ne sont jamais à leur terme et se renouvellent chaque matin. Oui je suis de ceux qui croient que nous devrions tous avoir une raison de remercier Dieu au quotidien ne serait-ce que d’avoir vu le jour se lever. C’est à ces si petites choses que Dieu attache une grande importance.
Après cette restauration, on peut dire que mon état de santé spirituelle, psychique et physique pouvait être considéré comme stable et ce fut pour moi une longue période de calme et de sérénité à la maison comme dans le monde du travail. Mes relations avec mon prochain elles aussi étaient restaurées et je ne le regardais plus comme l’ennemi public numéro un mais plutôt comme l’égal de moi-même c’est-à-dire une âme à sauver.
Puis arriva une succession de départ et ce fut pour toute la famille un changement radical. C’est mon fils qui prit les devants en nous annonçant son départ en métropole pour un apprentissage de cuisine avec comme bagage un bac pro. J’étais partagé entre fierté et crainte ne sachant pas vraiment quel rôle je devais jouer dans sa décision et lui, serein me fit comprendre qu’il prenait les choses en main. Ce n’était plus mon fils il était devenu homme. Rassuré, je le laissai partir avec plus de confiance.
Un an après, je décidai de faire une cure thermale dans la ville lacustre de Thonon les Bains en haute Savoie bordée d’un côté par le lac Léman et de l’autre par les magnifiques montagnes comme la dent d’Oche ou Thollon les Mémises. Mon choix fut fixé sur cette ville du fait qu’elle soit à la frontière suisse, pays que je désirais voir de près. Donc, en homme organisé, je fais ma petite enquête sur la ville qui m’ accueillerait et ce fut le coup de foudre à distance. Tout me correspondait et je m’étais même renseigné s’il existait un lieu de culte où je pourrais me rendre le dimanche pour le culte. Je remerciai Dieu pour cette endroit qui me paraissait juste magique et dans mon dialogue avec lui son esprit m’amena à lire ce verset de Deutéronome 8;7 que je ne citerai pas mais que je vous laisse découvrir ou redécouvrir dans votre bible et pour mes amis lecteurs qui n’en n’ont pas je vous invite fortement à vous en procurer une car c’est une lumière qui nous guide sur un chemin certes difficile mais tellement enrichissant !
Me voici parti pour la Haute Savoie de ma Martinique natale où j’ai construit ma vie, de mon petit pays si cher à mon cœur.
Arrivé à l’aéroport d’Orly, je me dirige vers la gare de Lyon pour y prendre le train devant m’amener à Thonon après une correspondance à la gare de Bellegarde.
Excité à l’idée de découvrir de nouveaux horizons, je me retrouve submergé par mes émotions et aussitôt passé le pays de l’Ain, le paysage s’offrant à mes yeux est la description exacte faite dans deutéronome 8 : 7 : « un pays de cours d’eau de sources et de lacs… »
Waouh ! Waouh ! Waouh ! c’était vraiment magnifique et d’ailleurs je ne sais pas ce qui m’émerveillait le plus ; était-ce la beauté du paysage en lui-même ou l’exactitude des détails panoramiques annoncés au travers de ce verset biblique. Je profitais sans m’assoupir de ce délice visuel aussi agréable à l’œil qu’un bon repas gastronomique est aux papilles.
Après avoir voyagé 5 heures dans le train je me laissai aller sans résistance à la volupté des bras de morphée dans cette petite chambre d’hôtel qui malgré un prix concurrentiel, offrait un certain confort non négligeable.
Mes soins d’hydrothérapie commencèrent dès la 1ère semaine de mon arrivée et ils furent à la fois relaxants mais aussi très éprouvants physiquement, à tel point que les premiers jours, il m’était impératif de m’adapter à la pratique de la sieste.
Le premier dimanche de la semaine, je me rendis comme prévu à la salle de culte préalablement choisie et me sentis à l’aise d’emblée.
La qualité de la prédication était à la hauteur et au moment des annonces, le pasteur annonça à l’assemblée le passage d’un homme venu de la Martinique pour des soins dispensés par le centre thermal de Thonon. Je me présentai brièvement et ne manquai pas de signaler mon enthousiasme pour ce séjour, non seulement pour les soins dispensés par le centre mais aussi ceux qui m’étaient prodigués par cette petite église de Thonon.
A la sortie je fus abordée par une femme pleine d’empathie qui me dit en quelques mots qu’elle travaillait au thermal et qu’elle était surprise de ne pas m’y avoir croisé et qu’elle ne manquerait pas de me saluer si l’occasion se présentait. Effectivement, dès le lendemain je la rencontrai dans un des couloirs du centre et entre deux séances nous entamâmes la conversation.
Celle-ci portait plutôt sur la pluie et le beau temps mais juste avant l’heure de nous séparer elle prit le soin de me proposer une invitation à manger à sa table : «ce sera tout à fait à la bonne franquette il y aura une curiste venue de Martinique et sa fille et 2 ou 3 amis. Ce sera l’occasion de faire connaissance. » Je me fis un plaisir d’accepter cette invitation si gentiment offerte et comme je l’ai dit cette femme dégageait une telle empathie qu’il était difficile de lui refuser quoique ce soit.
La 2ème semaine je me sentais plus en forme et entreprit une longue ballade pédestre sur différents lieux de la ville. Mon lieu de prédilection était la place du belvédère celle qui se trouve juste au niveau du funiculaire. De cette place je pouvais bénéficier d’une vue magnifique sur le port de rives qui offre une promenade pleine de zénitude, du coin des pêcheurs (où vous pouvez vous procurer truites, perches, féras et quelquefois ombles chevalier), à la « plage » lieu où se trouve la piscine municipale. Le port de rives est celui qui longe les berges du lac Léman faisant partie à la fois du patrimoine haut savoyard que celui de la suisse romande. On peut donc apercevoir les côtes suisses lui donnant ce cachet si particulier ce qui réjouit photographes, artistes peintres et adeptes de l’aviron. Vous n’avez que l’embarras du choix farniente et sport se donnant rendez-vous sur ce même lieu sans se bousculer. Ce lieu restera toujours dans ma mémoire avec un brin de nostalgie si je n’écoute pas trop la voix de mon chauvinisme. Ma promenade passait par ce petit quartier de Concise dont j’appréciais particulièrement sa petite fontaine à l’eau très fraîche qui étanchait ma soif des longues et chaudes journées estivales. Je remontais donc le long de la grande rue qui est je crois la plus passante ; entre les terrasses où il faisait bon s’arrêter pour boire une petite « mousse », vendeurs de gaufres, glaciers, kebabs, vivaient en bon voisinage sans esprit de concurrence. J’aimais aussi cette basilique Saint François de Sales qui se dressait imposante et où on pouvait se reposer à l’ombre, de tout ce bain de foule. J’ai moins apprécié le fait qu’elle fut construite par opposition à la popularité du protestantisme venu de Suisse plus particulièrement de Genève. Je me retrouvais ensuite sur l’avenue du Général De Gaulle pour retrouver en 15 minutes ma chambre d’hôtel climatisée où je regardais les émissions télé surtout celle du tour du Dauphiné pour ses beaux paysages à vues aériennes.
Durant cette 2ème semaine je fis la connaissance d’une femme à la salle de culte à qui je confiai mon désir de faire le tour du Léman pour découvrir le côté suisse. C’était une martiniquaise comme moi mais qui vivait depuis longtemps en métropole. Elle me servit ainsi de guide et nous nous découvrîmes pas mal d’affinités tel le goût pour les écrits de Victor Hugo et l’intérêt pour les nouvelles découvertes, les belles voitures mais aussi les choses simples de la vie. Nous partagions aussi notre désir ardent de connaître Dieu dans l’intimité et pour tout résumer nous aimions flâner ensemble sans but précis en profitant du silence quand il se présentait.
Je me souvins alors qu’il m’avait semblé entendre Dieu me dire qu’il y avait quelque chose à prendre ici dans cette ville et ce serait bien une femme qu’il m’aurait réservé. Je partis donc dans cette pensée sans m’y accrocher en m’interrogeant : serait-ce cette femme avec qui tout paraissait si facile ?
Toujours est-il que je continuai à fréquenter Jocelyne et à répondre à ses invitations. Il nous est même arrivé de dîner ensemble un soir que je passais devant chez elle. Je l’appelai au téléphone lui signalant que je rentrais à mon hôtel - qui se trouvait juste derrière son immeuble – et que j’aimerais passer un bon moment avant de rentrer.
« Mais bien sûr je ne faisais rien de spécial » dit-elle d’un ton réjoui. Nous nous retrouvâmes donc à discuter de tout et de rien et vu que l’heure était déjà bien avancée elle me proposa à dîner, ce à quoi j’acceptai volontiers. Dans ma chambre je me mis à penser « quelle femme le Seigneur me réservait-il ? »
J’avoue que ma préférence se portait sur C. ma compatriote avec qui je semblais avoir plus d’affinités mais Jocelyne ne me laissait pas non plus indifférent quoiqu’elle fût mon ainée de quatre ans. Je n’y pensai guère plus longtemps et m’endormis en 2 temps 3 mouvements.
Le temps de ma cure thermale touchait à sa fin et je cogitais sur ce que j’avais retenu de mon séjour, mes nouveaux amis, tout cela étant pour moi l’occasion d’un enrichissement personnel tant sur le plan qualitatif que sur le plan relationnel. Qu’en était-il du côté émotionnel ? Rien de probant je n’étais pas convaincu de ce que Dieu voulait me faire vivre. L’alternative d’approfondir ma relation avec C. n’était plus d’actualité car elle fût claire sur sa décision de ne pas donner suite à notre relation sans que je sache vraiment pourquoi. Je ne m’interposai pas à sa décision et me contentai de l’accepter. Mes rapports avec Jocelyne cependant restèrent sereins sans pour cela me donner la liberté d’aller plus loin. C’est une femme très discrète qui ne se livre pas et qui donne l’impression de cultiver un petit jardin secret. Néanmoins elle a de la conversation et on n’a guère le temps de s’ennuyer en sa compagnie. J’étais décidé à laisser continuer ce côté mystère qui me permettait de voir venir sans me fier à ma propre opinion.
Voici arrivé le jour du départ et j’étais partagé entre nostalgie et le désir de reprendre les activités familiales et professionnelles. Dans la famille, ils ont vite ressenti qu’il y avait du changement et je subis un interrogatoire en bonne et due forme auquel je répondis de manière furtive. Jocelyne et moi avions gardé contact par téléphone et quelquefois je recevais des nouvelles par courriel. Nos contacts étaient assez rapprochés, environ 4 appels par semaine et un mail le week-end mais nous gardions nos distances ni l’un ni l’autre n’esquissait de mot supposant des sentiments autres que l’amitié.
De mon côté je me contentais de cette relation à distance n’ayant pas pressé d’entamer une relation amoureuse. Je m’étais habitué à ma vie retirée comme pour me préserver d’une nouvelle déception ce à quoi je n’étais pas du tout prêt. La suite des soins thermaux approchait et Jojo, comme je l’appelais, me le rappelait me pressant pour connaître si je restais aussi enthousiaste de ma prochaine visite. En effet je l’étais un peu plus enthousiaste même que l’année dernière mais je me gardai de le lui avouer. Cette année nous nous sommes vus quasiment tous les jours et nous faisions plus de balades à pied ou en voiture, au lac ou en montagne on peut dire que nous étions devenus comme la peau et la chemise. Pourtant mon hôtel était plus éloigné de son domicile puisqu’il se trouvait en plein centre-ville.
Puis un beau jour que nous sortions d’une promenade au port de rives, nous remontâmes le sentier qui mène à la mairie et nous assîmes sur un banc non pas à cause de la fatigue mais pour faire durer la balade le plus possible. Je la questionnai très habilement sur ses expériences amoureuses et je sentis une gène qui ne la quittait pas et même dans sa voix il y avait beaucoup d’émotion. Je la perçus de plus en plus perturbée et comme dans un élan elle s’enhardit à prononcer textuellement ces mots : « Mais tu ne vois pas que je suis déjà amoureuse, et de toi en plus. » A l’écoute de ces mots je sentis un bonheur intense et c’est comme si son cœur entier m’était ouvert je me laissai imprégner de cette voluptueuse sensation et brusquement je l’empêchai de m’en dire plus en l’embrassant tendrement. C’était comme s’il y avait une voix intérieure qui me disait : « tu vois ce n’était pas si difficile de se lancer tu attendais qu’elle te glisse entre les doigts ou quoi ? »
Depuis ce jour c’est comme si nous emboîtions les pièces d’un puzzle tout semblait facile, nous faisions des projets d’avenir qui semblaient réalisables et censés, comme celui de venir m’installer à Thonon au lieu que ce soit elle qui vînt travailler en Martinique dont elle n’avait aucune approche auparavant. Je travaillais dans la fonction hospitalière et il m’était plus facile de demander une mutation et même de travailler en saisonnier dans une entreprise d’ambulance. J’avais vraiment la certitude que Dieu avait tenu sa promesse il suffisait d’écouter et ensuite d’obéir. Nous étions comme deux tourtereaux de plus de 50 ans mais dont le cœur n’en paraissait que 20. Cette année fut vraiment déterminante pour nous et ce fut quand même une révolution dans nos habitudes mais nous ne pensions qu’à réaliser le désir de nos cœurs d’enfant, celui de se retrouver ensemble et vivre notre amour librement, publiquement. De retour en Martinique, j’étais si heureux que je sus convaincre tout le monde que j’étais en train de construire mon bonheur et ma famille m’avoua qu’elle se doutait bien que quelque chose se préparait et elle m’accorda sa bénédiction sans hésiter.
Côté professionnel on me mit en face de mes responsabilités en me parlant du climat, de l’hiver qui était assez rigoureux, du manque à gagner à cause de la perte des 40%…
« Avez-vous bien réfléchi ? Je vous conseille de prendre une disponibilité tout d’abord de 6 mois de façon à ne pas perdre de temps si vous vous trouviez en difficulté. De toute façon vous pourrez réintégrer votre poste au même grade sans avoir la certitude d’être réembauché dans le même service. »
« Qu’à cela ne tienne ma décision est prise et puis çà me fera le plus grand bien d’aller voir ce qui se passe ailleurs. »
Je n’avais nullement l’intention de changer d’avis alors que j’avais fait une promesse à ma Jojo ce n’était pas de mon habitude d’abandonner sans m’être mis à l’œuvre. Je me mis donc à déposer des demandes d’emploi un peu partout dans les entreprises d’ambulance de la Haute Savoie dans l’option où ma mutation se faisait attendre. Il était hors de question de me faire entretenir financièrement et je devais assumer les conséquences de mon choix. Donc je déposai multiples demandes dont certaines étaient refusées du fait que mon domicile était trop éloigné. Je trouvai tout de même une entreprise qui me fit une promesse d’embauche temporaire et je devais simplement la contacter à mon arrivée ce que je fis sans plus tarder.
Je me rendis directement sur place et demandai à voir le DRH pour un entretien. Il me reçut dans l’heure qui suivit en me disant qu’il m’embauchait en tant que saisonnier pour une période d’essai de 3 semaines. La rémunération était intéressante mais la tâche dure. J’avais souvent des cas difficiles avec difficultés cardiaques et respiratoires. Les opérations se faisaient en parallèle avec le SAMU où une équipe était réquisitionnée pour les interventions de nuit. Mes journées étaient souvent longues pouvant dépasser 10h sans dépasser les 12. Le rythme était très soutenu et j’avoue que c’était bien différent de la « bobologie » à laquelle nous étions habitués au CHU de Fort – de – France. Il m’arrivait de douter d’avoir fait le bon choix sans que cela puisse me démoraliser.
Et puis il y avait des jours surtout l’après-midi où nous attendions que les commandes se fassent et cela nous permettait de reprendre des forces.
Après 2 semaines j’avais vraiment espoir que ma mutation allait aboutir car ce rythme effréné devenait quotidien et je me retrouvais souvent hors d’haleine sans compter qu’il fallait de plus s’occuper du nettoyage des véhicules une fois rentrés. J’étais heureux mais épuisé et je me demandais quand est ce que cela finirait et même si cet emploi ne serait pas définitif. J’en n’avais pas du tout l’envie et priais que je puisse obtenir ma mutation et je le disais à tous mes collègues que de toute façon j’en n’avais pas pour longtemps, que j’obtiendrais bientôt ma mutation ce à quoi ils me répondaient que l’espoir fait vivre.
Puis un jour, après une journée particulièrement bien remplie, je rentrai à la maison avec une seule idée rejoindre ma dulcinée afin de recevoir un peu de réconfort. A peine ai-je franchi le seuil de la porte qu’elle me dit sur un ton surexcité : « devine, chéri non tu ne devineras jamais … attends je te fais écouter le répondeur. »
Le message qui y était laissé avait rapport avec ma mutation et celui-ci venait de la direction de l’hôpital qui me signifiait l’obtention de ma mutation à partir du 15 décembre. Nous étions à la fin novembre et cela me laissait juste le temps de terminer mon contrat passé avec mon employeur actuel. Je m’empressai donc de l’informer de mon proche départ de l’équipe et je fanfaronnai ainsi auprès de mes collègues :
« Alors qu’est-ce que je vous avais dit que mon père céleste m’accorderait ma mutation »
« Mais alors si tu as des relations en si haut lieu nous ne pouvons que nous incliner. »
Mes premiers jours d’embauche à l’hôpital firent pâlir d’un coup les réjouissances car les conditions de travail étaient difficiles loin de ce que j’avais imaginé. C’était une toute autre organisation que celle que j’avais connue à Fort de France et il a fallu que j’apprenne très vite dans un climat de tension permanente. La fonction de chauffeur livreur en cuisine telle que je l’exerçais en Martinique s’arrêtait strictement au transport des repas en conteneurs sur les sites hospitaliers annexes tandis que ce qui m’était demandé cette fois c’était non seulement de transporter ces conteneurs en site hospitalier mais aussi de collaborer au remplissage des barquettes de repas qui se faisait en cuisine et nous devions entrer dans les chambres froides récupérer ces barquettes qui devaient être dispatchées dans les écoles, EHPAD, foyers d’handicapés et bien sûr les annexes de l’hôpital.
Un autre facteur stressant était la météo. L’hiver avait fait son entrée avec son manteau blanc et j’étais complètement novice dans la conduite sur neige. Je devais conduire mon camion dans cette neige fondue à cause du salage, sur une route par moment verglacée et sans formation préalable. Bien sûr je commençai à travailler en doublon avec un collègue qui était chargé de me montrer l’itinéraire quotidien et j’en profitai pour observer sa conduite et m’en inspirer. Il arrivait que les livraisons fussent en retard sur les sites à cause d’un départ tardif du quai d’embarquement et nous devions recevoir les foudres des clients mécontents. Il fallait faire attention à ce que les conteneurs restent sanglés tout le long du trajet, à la ponctualité pour éviter les reproches, s’adapter aux conditions météorologiques et faire face aux propos assez désobligeants des cadres et certains collègues. Tout cela était très difficile à gérer et je me sentais mal accepté comme celui qui vient prendre la place d’ « un enfant du pays. » Il y avait tout de même parmi les cuisiniers de ceux qui me remontaient le moral comme Johnny qui m’invitait à partager son casse-croûte matinal et c’était pour moi un instant où je décompressais dans une ambiance sereine et conviviale. Inutile de dire qu’une fois rentré à la maison je me laissais envahir par la tendresse de mon épouse et lui racontais mes journées en essayant de ne pas trop noircir le tableau.
J’ai dû durant plus d’un trimestre changer de poste de travail tant et si bien que c’est lors de mon arrivée dans le service que je prenais connaissance du poste qui m’était attribué. Parfois il m’était attribué un poste sur une semaine mais il arrivait souvent sans raison particulière de me retrouver basculé sur un autre.
Toute cette instabilité ne m’empêchait en rien de tenir bon et je pense que sans la présence de ma femme je n’y serais pas parvenu aussi bien. Un grand merci à toi ma chérie.
+
Je me souviens de ce lundi où mon chef de service m’annonçait que j’étais attendu au bureau de la direction. Je m’y rendis accompagné de mon chef de service et là ce n’était pas seulement le directeur mais tout un staff composé de cadres, chefs et sous-chefs. Je ne perdis pas la face avant que je sache ce qui me valait toute cette brochette de supérieurs hiérarchiques et la réponse ne se fit pas attendre : on venait de me signifier que je ne faisais plus parti des chauffeurs de la cuisine. Tous m’expliquèrent dans leur jargon administratif ce qu’ils me reprochaient et j’acquiesçai à leur déclaration conscient des difficultés que j’avais rencontrées mais je me refusai de rendre la situation plus tragique qu’elle ne l’était.
Peu après, le directeur du personnel « qui m’avait à la bonne » prit la parole en ces mots :
« Voici la situation est grave mais pas non plus dramatique ; Il n’y a en effet aucun poste de chauffeur où je pourrais vous placer, cependant j’ai lu dans votre CV que vous possédez le diplôme d’ambulancier et je pourrai voir personnellement s’il n’aurait pas besoin d’un ambulancier supplémentaire. »
Quelque temps après ce malencontreux évènement, je fus appelé à me présenter à M. JMB pour un poste que la direction avait créé afin que je puisse conserver mon statut d’agent hospitalier titulaire et ne pas avoir à perdre cet équilibre social que je venais tout juste d’établir et j’appris cette leçon que rien, aucune situation n’est désespérée tant que Dieu n’est pas intervenu et ce qu’il avait commencé pour moi il l’achèverait certainement.
Oh combien de fois j’ai vu sa main agir quand il me fallait de l’aide. Tiens comme ce collègue chauffeur en cuisine avec qui j’ai travaillé en doublon qui m’avait agressé gratuitement et même menacé de me tuer. Je gardai mon calme ayant vu qu’il était déterminé dans ses propos et je me suis mis à prier silencieusement dans le camion demandant à de le bénir même au travers de cette musique hard qu’il semblait apprécier. La semaine s’acheva dans la même tension et le lundi dans le vestiaire il me demanda si j’allais bien et si le week-end avait été bon. Je lui répondis d’un air détaché sans même lui demander des explications. La main de Dieu avait encore une fois agi et je me contentai volontiers de sa grâce qu’il m’avait accordée.
La crainte et la peur, je l’avais appris à mes dépens n’arrangent rien aux situations difficiles et au contraire c’est comme si elles me paralysaient l’esprit afin que ma foi soit anéantie et que je ne broie que du noir. Ah non une erreur mais pas 2 fois la même et ma foi allait en s’affirmant dans les bons comme les mauvais moments.
Croyez-moi ce qui est bon pour moi l’est aussi pour vous et il n’y a que déstabiliser notre foi en Dieu seul qui soit bon ( Marc : 10.18.) Gardons la foi quoi que cela nous coûte car c’est par elle que nous sommes agréables à Dieu ( Hébreux :11.6.)
La peur, la crainte, le doute sont des armes que Satan utilise pour déstabiliser notre foi en Jésus qui a triomphé de lui à la croix. Notre objectif est donc de nous séparer du péché en le laissant ponctuellement cloué à la croix autant de fois qu’il sera nécessaire. Lorsque la chair est crucifiée elle trouve le sort qui lui est réservé car « Maudit est quiconque qui est pendu au bois. » Galates : 3.13
Notre adversaire le diable est redoutable et nous devons mettre tout en œuvre pour lui résister. Dans l’évangile de Matthieu Jésus nous relate le raisonnement du diable après avoir été chassé. Remarquons bien qu’il dit qu’il retourne dans « sa maison. » (Matthieu 12 :43-45)
Oui je crois que durant tout mon parcours spirituel j’ai eu plus à lutter contre mes propres tentations que par le diable lui-même car Dieu nous rend plus que vainqueurs sur la personne de ce dernier. (Luc : 10.19) La chair est le seul ennemi qu’il nous reste à vaincre, elle ne peut être vaincue que par la sanctification sans laquelle nul ne peut voir le Seigneur.(Hébreux :12.14) Que le Seigneur continue à m’aider durant ce périple, cet étroit chemin juché d’épines et de ronces. C’est pourquoi je cherche à mettre en pratique tous ses commandements afin de recevoir l’onction ; en étant dans l’obéissance nous rendons caduc le fruit de la désobéissance qu’est le péché originel. L’onction est comme le processus d’une flamme ce fameux triangle du feu qui réunit trois éléments : combustible, comburant, énergie. Le combustible est ce qui doit brûler c’est-à-dire l’homme primitif, moi, les épreuves et la souffrance peuvent être considérés comme le comburant c’est ce qui alimente le feu et l’énergie c’est notre position dans le combat spirituel c’est ce qui permettra que le feu (l’onction) se déclenche comme si on craquait une allumette.
Revêtons nous de toutes les armes de l’esprit afin de tenir bon dans la guerre dont nous connaissons déjà l’issue. (Ephésiens 6 : 11-16)
Je dis que l’attachement au Seigneur doit être pris au sérieux si nous recherchons une vie chrétienne fructueuse en sachant que cela ne nous impute pas la souffrance par laquelle nous devons passer pour authentifier notre foi et la supporter comme le maître l’a lui aussi supportée jusqu’à son paroxysme.
Nous voici arrivés à la véritable raison de ce mémoire, le titre est déjà très évocateur. Je parle de passage de l’enfance à l’état d’adulte : « Quand j’étais un enfant je raisonnais comme un enfant et devenu adulte j’ai laissé ce j’avais de l’enfant.» J’ai voulu vraiment remonter loin dans mon enfance, retracer mes traits de caractère à chaque période clé et voir pas à pas le chemin que j’ai emprunté pour accéder à ce que je suis devenu aujourd’hui. Voilà pourquoi je parle de mon enfance pas simplement pour en faire une histoire mais plutôt comme lieu d’observation car je crois que pour tout homme équilibré beaucoup de choses acquises à l’âge adulte sont déjà préconçues dès leur enfance ; d’ailleurs la Bible affirme que notre père céleste nous connaissait même avant notre naissance et qu’à notre naissance il avait déjà élaboré un plan parfait pour nous. Il y a de ceux qui le reconnaissent et qui sont reconnaissants envers leur créateur et une autre catégorie de personnes dira : « Tout ce que je possède je me le suis acquis à la force des poignets et par mon intelligence. Aujourd’hui je jouis du fruit de mon travail et je peux dire que je suis à l’abri du besoin, j’ai réussi ma vie. »
Ces gens considèrent leur réussite à partir de ce qu’ils auront amassé tout au long de leur vie mais sans avoir trouver le vrai sens de celle-ci.
Je crois que j’appartiens à cette catégorie de personnes qui croient que Dieu a élaboré un plan pour leur vie et c’est à nous de le découvrir. Ne croyons pas que nous avançons en aveugle nous avons des indices donnés par le créateur qui seront utiles à notre quête et une chose est certaine c’est que nous devons y mettre du nôtre. La pensée de Dieu est que nous le cherchions comme une sorte de jeu amoureux je me cache, à toi de me trouver. Plus sérieusement il le dit dans sa Parole : « Celui qui me cherche de tout son cœur je me laisserai trouver par lui. » Ou encore « Cherchez et vous trouverez… »
Notre connaissance de la volonté de Dieu nous mène à la sagesse et le commencement de la sagesse est la crainte de l’Eternel si nous le craignons nous cherchons sa volonté et il se laisse trouver selon sa promesse. Le contraire du sage c’est l’insensé j’ai choisi d’être sage et c’est pourquoi je m’attache à ma maturité spirituelle. Nous pouvons avoir des années de conversion sans être vraiment dans le plan de Dieu sans être mâtures tout comme il y a des gens d’âge mûr qui se conduisent comme des enfants ou des enfants qui atteignent la maturité bien avant l’âge conventionnel. L’enfant qui est sage réjouit le cœur de son Père et celui-ci le lui rend bien.
Je crois que le cœur de l’enfant (de Dieu) est attaché à l’enseignement de son père qu’il aime par-dessus tout car il sait que sa croissance en dépend. Je crois aussi que mon cœur d’enfant était très attaché à l’enseignement de mon père comme si j’avais compris que c’était mon propre équilibre. Comme je l’ai dit je ne me souviens que d’une correction de la part de mon père après j’étais dans ses bonnes grâces.
Je crois en la puissance du chef de famille ce patriarche qui connaît son devoir et qui est à fortiori rigoureux mais aimant.
Je crois que cette aura a bien perdu en puissance à cause des divorces inconsidérés, à cause de l’insoumission des épouses, des mauvais maris congénitaux, de la démission trop facile des parents , et surtout de la mondanisation de l’Eglise. Les conséquences sont graves avec des enfants sans repaires, des églises sans puissance et plus grave encore nous rendons Dieu responsable de notre manque de soumission aux règles les plus simples et pourtant essentielles. Les lois spirituelles devraient être appliquées comme des théorèmes mathématiques « si et seulement si …»
Je crois que nous devons lancer un défi non au diable, mais à notre vie de péché et nous repentir sincèrement de nos mauvais penchants. « Si mon peuple sur qui est évoqué mon nom s’humilie, prie et cherche ma face, s’il se détourne de ses mauvaises voies, je l’exaucerai des cieux, je lui pardonnerai son péché et je guérirai son pays » (2 chroniques 7.14)
Si la rédemption a été offerte gratuitement en la personne de Jésus et une fois pour toute, son effet n’est dans la plupart des cas, pas immédiate à cause de notre incapacité à venir à la rédemption. Pour qu’elle soit parfaite et totale il faudrait une totale dépendance de la chair à l’Esprit dans ce cas nous devenons des hommes faits et utiles pour le service. Ce n’est qu’une fois remplis de l’Esprit que nous pouvons comprendre que notre but à atteindre c’est le service pour la gloire de Dieu et rein d’autre. Nous sommes créés pour servir et non pour nous servir. Dieu donne pleinement à ses enfants à ceux qui sont appelés selon son dessein. (Romains 8.28)
Notre réussite est en fonction de notre capacité à obéir à Dieu il doit être le noyau central du fruit pour que celui-ci soit excellent. Sinon nous continuons à produire des fruits véreux et impropres à la consommation. Si nous nous obstinons dans le péché c’est que nous ne connaissons pas Dieu. (3 Jean 1.11)
En ayant fait le bilan de mon parcours spirituel je peux voir les bons et les mauvais penchants de ma vie et je peux affirmer une chose c’est qu’à chaque fois que ma vie a pris un mauvais chemin Dieu me le montre et me pousse à me repentir et il me délivre de mes mauvais penchants.
Dieu n’a jamais voulu notre perte car il nous aime d’un amour inconsidéré (Jean 3.16)
Quand nous avouons notre péché il est fidèle et juste pour nous le pardonner (1ère épitre de Jean1.9)
Souvent nous résistons à Dieu et notre situation empire : Psaume 32. 3-5
Parfois nous disons que nous ne sommes pas pécheurs (1jean1.8) (romains3.23)
Pour moi le chrétien est avant toute chose un guerrier qui doit récupérer le butin que le diable lui a volé. Pour ce faire il doit pénétrer en territoire ennemi mais ce territoire est déjà conquis (Luc 10.19) et après avoir livré bataille, il récupère le butin et rentre chez lui avec les richesses.
Le diable veut nous faire douter de notre victoire et emploie toutes sortes de ruses pour parvenir à ses fins. Un chrétien s’il s’appuie sur la Parole ne sera jamais vaincu car sa foi est inébranlable. La foi est un bouclier nous permettant de parer les attaques de l’ennemi et la Parole est un glaive à double tranchant qui sépare jointure et moelle. (On ne peut mieux faire même avec un scalpel)
Tout cela pour dire qu’il m’a été bénéfique de refaire mon parcours, je me suis renforcé en foi et en détermination et j’ai repris ma position de guerrier.
C’est avec joie que je vous fais partager cette expérience et je crois que je vous ai aidé à retrouver la puissance de l’évangile ou même peut être à vous faire découvrir la vraie foi.
A notre Dieu et Père soit la gloire aux siècles des siècles. Amen !
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