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Pennsylvania 2012
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- Catégorie : Action, aventure, polars > Policier et Roman noir
- Date de publication sur Atramenta : 22 décembre 2018 à 16h15
- Dernière modification : 12 juillet 2019 à 16h01
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- Longueur : Environ 684 pages / 226 614 mots
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Pennsylvania 2012 (Oeuvre réservée à un public averti)
chapitre 36
Chapitre 36
Le 20 juin 2012, 09h 10, Altoona, Pennsylvanie
Il existe des informations contre lesquelles l’organisme humain résiste coûte que coûte, des bouleversements qu’il n’assimile qu’avec le temps. Ils avaient beau téléphoner à Veronica chaque jour pour s’assurer qu’elle et Ritchie ne manquaient de rien, être allés aux funérailles de leur collègue et ami, Cohen, Suarez et Bardow ne parvenaient pas à refreiner certains réflexes. Ainsi, lorsqu’ils prenaient connaissance des dernières consignes d’Allistair, il leur arrivait régulièrement de jeter par habitude un bref regard en direction de l’endroit que Neil occupait d’habitude et pendant un millième de seconde ils s’étonnaient de ne voir qu’une chaise vide.
À l’exception de Bardow, ils commençaient juste à mesurer l’étendue de cette sensation de manque, qui jour après jour trouve toujours un moyen inattendu de s’exprimer. Par exemple, il leur faudrait s’habituer au fait que plus jamais Neil ne détaillerait assis à son bureau le programme des matchs de la saison à venir des Steelers. Il était tout aussi inutile d’attendre son retour jusqu’à 14 heures : plus jamais il ne justifierait son retard en énumérant la nouvelle carte du restaurant récemment ouvert au sud de la ville. Il n’y aurait plus personne non plus pour provoquer Fletcher près de la machine à café ou appeler Ovaghanessian le connard de service. Plus d’une fois, Allistair avait regardé la pendule en sirotant son jus du matin d’un air anxieux, s’étonnant qu’il ne soit pas encore arrivé. Puis, il réalisait l’absurde de la situation. Neil ne franchirait pas la porte de son bureau. Ni aujourd’hui, ni demain, ni les jours suivants.
Désirant dissiper le malaise ambiant, Cohen apostropha son supérieur.
— Patron, cela fait maintenant quasiment une semaine que les types du F.B.I. sont retournés chez eux. C’est davantage de temps qu’il en faut pour rédiger un rapport et prendre une décision. Vous avez du nouveau ? Vous ont-ils contactés vous ou Theland pour vous dire s’ils nous retirent l’enquête ? Est-ce que l’on va voir arriver dans nos services toute une équipe de ces cow-boys ?
Bien qu’il s’en cachât, Doug Allistair se reprochait la mort de l’inspecteur Sullivan. Et cela ne datait pas de la mise en cause de Dohearty et McMagnussen : il n’avait nul besoin de leur œil avisé pour se faire sa propre opinion. En sa qualité de responsable d’unité, il était le garant de l’intégrité physique de ses hommes et l’un d’eux était tombé sous le feu ennemi. Bref, il pensait avoir failli. Il n’avait pas anticipé, il n’avait pas mesuré les risques.
En réalité, il avait perdu bien plus qu’un inspecteur. Un frère d’armes s’en était allé. Quelqu’un dont il considérait la femme et le fils comme son propre sang, sa descendance. Vis-à-vis d’eux également, il avait manqué à ses obligations. Il n’avait pas su faire en sorte que chaque soir, Veronica et Ritchie retrouvent un époux, un père.
Altoona n’est ni Pittsburgh ni Philadelphie, encore moins New-York où régulièrement des policiers perdent la vie. Les Sullivan ne vivaient pas dans l’un des quartiers d’une mégapole où le nombre impose l’anonymat et empêche toute forme de convivialité. Sa brigade avait toujours été une unité à taille humaine, composée avant tout d’hommes liés les uns aux autres par des liens forts et sincères. Avec son naturel et sa bonhommie, Sullivan aurait pu servir d’emblème à ce principe. Mais il était mort. Par la faute de son responsable.
Perdu dans ses pensées et noyé dans la culpabilité, Allistair ne dormait plus et ne laissait plus aucun répit à son épouse. Son teint devenait même jaunâtre.
— Effectivement, répondit Allistair, ces deux crétins, qui ont retenu certains d’entre vous en interrogatoire pendant plusieurs heures, ont rendu leur verdict. Je n’ai pas personnellement été destinataire de ce torchon, mais il faut croire que l’affaire devient sensible parce qu’une décision a été prise dans les deux jours ! Pour faire bref, on ne nous croit ni suffisamment compétents ni correctement formés pour coffrer Gloucester. N’allez pas croire que c’est après vous qu’ils en ont, rajouta Allistair qui plus que tout au monde voulait éviter de charger ses hommes, j’assume devant ces bons à riens aussi bien que devant Dieu l’entière responsabilité de ce fiasco…
— Pardonnez patron, le coupa Suarez. Mais si vous êtes coupable, alors nous le sommes tous. Pas la peine d’invoquer la notion de hiérarchie ou je ne sais quoi d’autre. Vous avez fait en sorte pendant des années que chacun de nous se sente responsable des autres, et inversement. Simplement, vous ne nous aviez pas préparés à affronter un monstre comme Gloucester. Personne n’aurait pu.
— Suarez a raison, renchérit Cohen. Et puis, ils ont beau jeu de venir nous voir dans leur souliers vernis pour dresser un audit comme si nous étions une société cotée en bourse. S’imaginent-ils en avoir le droit ? Peuvent-ils croire qu’ils en ont la légitimité ? Patron, laissez-moi rire cinq minutes, s’emporta l’inspecteur… Évidemment, ils ont à leurs côtés des docteurs en criminologie qui publient chaque année des ouvrages de référence, bien sûr ils ont d’innombrables bases de données qui répertorient les empreintes d’au moins la moitié de la population de ce pays, et alors ? Cela les rend-il plus efficaces ? Combien de fois ont-ils interrogé l’assassin de Green River, pour finalement le relâcher et lui permettre d’en tuer dix de plus ?
Puis se tournant vers Bardow, il l’interpella :
— Qu’en penses-tu ?
— Je ne suis pas certain que ce soit les Feds qui aient interrogé puis relâché Ridgway, fit prudemment Bardow. Ce qui l’est tout à fait, patron, c’est qu’on est tous derrière vous ! Pas un seul de nous trois n’a pensé une seconde que vous étiez fautif sur ce coup, continua l’officier avec fougue, je vous le garantis ! Ce type est un prédateur, un monstre entraîné, qui reste à l’affût pendant des heures, des jours, que dis-je, des mois, prêt à saisir la moindre opportunité pour supprimer sa proie. Si vous êtes responsable, alors je le suis tout autant, sinon davantage. Il était certes votre inspecteur, mais il était avant toute chose mon équipier.
— Patron, vous savez qu’on n’arrêtera pas avant de le savoir huit pieds sous terre, cet enfoiré. Alors je vous demande encore une fois s’ils nous retirent de l’affaire… Dites-nous seulement si on passe en mode off.
— Merci à tous, fit Allistair avec pudeur. Je n’ai jamais été doué pour remercier. C’est comme cela. C’est ma nature. Mais sachez que cela me touche. Sinon, pour répondre à ta question Cohen, on garde l’affaire. On continue. En mode officiel. Oh, je ne me fais aucune illusion : je sais pertinemment qu’ils nous croient incapables de terminer le boulot. Enfin, si cela peut vous mettre un peu de baume au cœur, sachez qu’on conserve néanmoins toute la confiance de Theland. D’ailleurs, il n’est sans doute pas totalement étranger à la décision des Feds.
— Alors, fit Suarez, si le F.B.I. n’a pas confiance en nous, pourquoi ne pas nous dessaisir ? Ils attendent qu’on se plante pour arriver avec leur artillerie lourde ? Est-ce cela qu’ils veulent ? Qu’on soit au fond du trou et qu’on lance à leur attention un signal de détresse ?
— Non, tu n’y es pas Suarez. Simplement, ils n’ont pas suffisamment d’hommes sous la main. Trop de crimes un peu partout, trop d’horreurs à éponger dans ce foutu État de Pennsylvanie. Notre Gloucester ne figure tout simplement pas parmi leurs priorités dans l’immédiat.
— J’y crois pas, fit Cohen avec dépit. J’arrive à ne plus savoir s’il faut s’en réjouir ou pas !
— Eh attention, tous les trois : ne me faites pas dire ce que je n’ai pas dit. Ils ne se désintéressent pas encore totalement de notre vieille bourgade. Même s’ils n’ont pas en réserve dix hommes à nous envoyer, ils ont tout de même convenu que nous non plus n’étions pas en nombre suffisant pour mener cette enquête. C’est pourquoi nous avons un renfort. L’un des leurs est venu grossir nos rangs. Sans laisser le temps à ses hommes de respirer ou de contester, il continua : il est arrivé en ville ce matin. Et pour tout vous dire, il est même ici au central depuis une bonne heure. Aussi, je vous demande à tous le calme nécessaire pour me permettre d’aller chercher votre nouveau collègue. Comprenez-moi bien, termina-t-il à l’attention de Cohen notamment, nous n’avons pas le choix. C’est la condition pour continuer la mission que nous nous sommes fixée. Nous ne pouvons pas faire autrement que de l’accepter parmi nous.
Ce type d’annonce ne figurait pas au rang de leurs attentes. Avant que ce nouveau debriefing ne commence, ils s’étaient préparés à faire le forcing auprès de leur responsable pour que la traque de Gloucester ne s’arrête pas là. Mais une décision prise dans un bureau quelque part entre Washington, New York et Quantico leur coupait l’herbe sous le pied, de manière tout à fait inattendue.
Tous les trois n’étaient pas au bout de leurs surprises.
Trois minutes et trente secondes. C’est le temps mis par Allistair pour aller chercher l’agent spécial détaché sur l’affaire et par Cohen pour se préparer à accueillir la recrue. Son face-à-face avec McMagnussen et Dohearty étant encore tout frais dans son esprit, il s’attendait à voir arriver la copie des deux premiers, chemises Versace et costumes Armani.
Lorsqu’Allistair réapparut, il entraînait dans son sillage le nouveau venu. La cravate et les souliers en cuir avaient laissé la place à un tee-shirt noir barré par l’inscription Bravery et à une paire de Rangers. Un pantalon de treillis complétait le mode vestimentaire.
La première réaction de Cohen fut d’écarquiller les yeux, la seconde de détourner le regard, la troisième de contenir sa colère. Ce n’était pas assez de devoir faire équipe avec un intrus, il fallait en plus qu’il s’agisse d’une femme.
— Messieurs, commença Allistair, je vous présente l’agent spécial Pamela Rogers. Elle nous est envoyée par le F.B.I. pour nous prêter assistance dans la résolution de l’affaire Gloucester. Je vous demande à tous de l’accueillir du mieux possible, et de faciliter son incorporation.
Sans un mot, Rogers fit un pas en avant, saluant l’assistance d’un hochement de tête. Nullement intimidée, elle dévisagea les trois policiers assis en face d’elle. Ses yeux, aussi verts que des émeraudes d’Amazonie, s’attardèrent sur Cohen qui trépignait sur sa chaise.
Effectivement, la première offensive fut à son initiative.
— Dites patron, on nous prend à ce point pour des nazes qu’on nous envoie une demoiselle déguisée en paramilitaire ?
La réponse fut immédiate. Allistair n’eut même pas à tempérer ses troupes.
— J’imagine que vous êtes l’inspecteur Cohen ? Mes collègues m’ont parlé de vous. Selon eux, vous avez du mal à évacuer l’émotion liée à la perte de votre ami. Ils m’ont dit qu’en conséquence, vous alliez me chercher des poux dans la tête. Il vous a fallu moins de dix secondes pour confirmer leur diagnostic.
— Écoute ma jolie, fit Cohen sur un ton lourd de menaces qui surprit Bardow, toi et tes amis donneurs de leçon, on n’a pas besoin de vous ici. Alors sois gentille, dégage avant que je me fâche…
— Écoute mon coco, répondit-elle du tac au tac, j’ai reçu l’ordre de débroussailler votre enquête de merde, alors je vais le faire que cela te plaise ou non ! Mais si tu souhaites qu’on aille faire un tour dehors se mesurer afin que je te foute une raclée, on y va tout de suite et maintenant. Que ce soit toi ou tes petits copains, y’en a pas un qui pourrait tenir plus d’une minute en face de moi ! Je vais te faire ravaler tes hormones, Cohen !
Bardow ne put à son tour retenir sa colère :
— Tu vas trop loin, Ted. Elle vient du FBI ! Et alors ? Moi aussi, je suis passé par Quantico ! Ne me dis pas que tu n’es pas au courant ! Alors fais comme avec moi : laisse-lui une chance !
Jugeant qu’il était temps de reprendre le contrôle de ses troupes, Allistair se décida à intervenir. D’une voix posée mais ténébreuse, il fit mine de s’adresser à tous mais ses propos étaient en réalité dirigés vers son inspecteur.
— Voyez-vous, agent Rogers, commença-il à l’attention de la jeune femme, je ne veux dédouaner personne de ses responsabilités, mais force est de constater que vos collègues qui vous ont précédée n’ont pas fait preuve d’une très grande élégance. Pour être tout à fait clair avec vous, ils ont même laissé derrière eux un souvenir que nous ne souhaitons pas conserver. Cela explique en partie peut-être, je dis bien peut-être, la réaction de l’inspecteur Cohen. Mais, continua Allistair en se tournant vers ses hommes, l’important n’est pas là, vous l’avez tous compris. Il y a quelques jours, un membre de notre équipe est tombé. Il n’est pas mort par hasard. Non, c’est tout le contraire : il a été attaqué par derrière. Il était notre collègue et notre ami. Alors c’est à lui que vous devez penser désormais lorsque le matin vous franchissez la porte de ce commissariat. Faites-le pour lui ! Passez outre vos idées préconçues, cessez ces enfantillages et ramenez- moi ce fils de pute.
L’intervention produisit son effet : tous baissaient les yeux comme pris en faute. Sauf Cohen qui fixait un point invisible devant lui.
— Des questions, des remarques, demanda Allistair ? Non ? Dans ce cas, Rogers fera équipe avec Bardow. Des objections ? Rogers, cela vous va ?
— Parfait.
— Bardow, vous avez l’après-midi pour la mettre au parfum. Il faut qu’elle soit opérationnelle demain matin. Si elle souhaite se rendre au Réservoir, ou ailleurs, conduisez-la !
— Patron, interrogea Suarez, quel est le programme dans l’immédiat ?
— Les premiers rapports commencent à tomber concernant la Pontiac abandonnée à Bedson Creek. Pour un résultat identique et nul. Il n’y a pas la moindre empreinte. Résumons la situation : nous avons trois cadavres dont deux ont été habillés par le meurtrier, deux véhicules qu’il a lui-même conduits en ayant utilisé le coffre… Et pas la moindre empreinte à se mettre sous la dent. Cela peut vouloir dire deux choses. Une : il est prudent car il connaît nos méthodes pour les trouver. Deux : ses empreintes sont fichées. Il sait qu’à la moindre erreur, nous l’identifions.
— Récidiviste donc.
— C’est possible effectivement. Cohen et toi, vous m’épluchez ce qu’il reste des dossiers de tous les condamnés du coin. Bardow a déjà opéré un premier tri. À vous de continuer. Et puis, vous allez tout reprendre à zéro concernant Tracy Stone. Je veux son emploi du temps heure par heure sur les six derniers mois, ses achats par carte de crédit, ses connexions internet, ses déplacements, à quelle société elle téléphonait pour se faire livrer ses pizzas, je veux connaître le nom de son coiffeur, celui du garage qui répare sa voiture, bref la totale.
— Merci d’avoir pris ma défense tout à l’heure, fit Rogers tandis qu’elle pénétrait dans ce qui restait encore le bureau de Sullivan.
— Pas de quoi.
En d’autres circonstances, Bardow l’aurait sans doute trouvée séduisante. Un visage aux traits fins et réguliers, encadré par une chevelure souple, couleur châtain clair, qui tombait en vagues sur ses épaules. Son accoutrement ne dissimulait pas seulement ses formes, il rendait délicat toute tentative de lui donner un âge. « Elle n’avait pas trente ans », osa Bardow. Du coin de l’œil, il l’observa. Oserait-elle s’installer sur la chaise de Neil ?
Pamela Rogers regarda intensément la photo de Neil. Puis sans un mot, elle s’écarta et saisit un tabouret réservé aux dépositions. Avec pudeur, elle s’installa à l’écart du bureau de l’inspecteur. « C’est déjà ça », pensa Bardow.
— Dans quelques jours, sa femme viendra récupérer ses effets personnels. Vous pourrez vous installer plus confortablement. D’ici là, mon bureau est le vôtre, concéda Bardow en signe d’apaisement.
— Ne vous donnez pas cette peine. Je ne suis pas là pour rester. Ça restera son bureau aussi longtemps que votre patron le décidera, répondit-elle sans même le regarder.
Mais Bardow ne comptait pas en rester là. Bien décidé à croiser enfin son regard, il ajouta :
— On fait un point tout de suite, où je vous offre un café à l’extérieur dans un endroit moins chargé en émotions ? Et puis, comment dois-je vous appeler ?
— Vous avez raison. Faisons comme si nous étions une équipe. Comme si nous avions quelque chose en commun. Perpétuons la tradition vide de sens qui veut que les équipiers partagent leur café du matin. À part cela, dans le travail, on m’appelle agent Rogers. Parfois Rogers.
— Parfait agent Rogers. Enchanté, fit Bardow dans un grand sourire. Moi, c’est Gil.
La poignée de main à l’initiative de Rogers s’avéra des plus viriles et réserva une surprise au policier. L’intérieur de sa main semblait couvert de cals tandis que sur le dessus, il remarqua des croûtes de sang.
C’est peu dire que l’antipathie était réciproque. Quelques années plus tôt, Bardow n’aurait pas supporté une minute de plus le ton péremptoire employé par la jeune femme. Il l’aurait plantée là au milieu du couloir à moins qu’elle ne consente à ravaler son orgueil et ses messages de supériorité. Mais les années et les épreuves l’avaient d’une certaine façon rendu avare de ses émotions.
Tandis qu’ils gagnaient l’ascenseur, ils croisèrent Cohen. Le regard qu’il échangea avec Rogers suffit à convaincre Bardow que son collègue n’avait pas atteint le même stade de détachement. Leur mano à mano lui arracha un sourire. L’inspecteur et l’agent spécial lui rappelaient ces héros des productions hollywoodiennes des années cinquante, qui se télescopaient par inadvertance, s’insultaient réciproquement pour finir mariés à la fin du film.
Il la conduisit à deux pas dans un snack où il s’échappait régulièrement. Rogers avait parlé de tradition en parlant du café. Elle n’avait pas tort, loin s’en faut. S’il est bien une chose que l’on a le temps d’apprendre à la police, c’est la façon dont son partenaire boit son café, avec sucre, lait ou nature. Seulement Pamela Rogers ne buvait pas de café. À la place, elle commanda un jus de fruits qu’elle agrémenta de trois gélules sorties d’une fiole en plastique rouge. Répondant du tac au tac, Bardow décida d’accompagner son café par une cigarette. Leur inimitié franchit un cap encore supérieur lorsque l’odeur du tabac parvint aux narines de la jeune femme.
En entrant dans le snack, Gil Bardow s’était imaginé rester tout au plus une vingtaine de minutes assis face à Rogers, le temps d’échanger si c’était encore possible quelques regards courtois et autres banalités sur Altoona. Ils s’y trouvaient encore trois heures plus tard.
Elle avait commencé par lui demander de lui relater tous les événements depuis le premier corps, aussi futiles soient-ils. Et progressivement, à mesure qu’il s’enfonçait dans son récit, les yeux de Rogers perdirent leur éclat agressif. Elle se fit attentive, encourageant Bardow à certains endroits de sa narration par un hochement de tête approbateur, allant même jusqu’à prendre des notes sur un carnet à spirales. Pas une seule fois, elle ne l’interrompit pour lui demander des détails supplémentaires ou des éclaircissements sur tel ou tel aspect. De sorte que mis en confiance, Bardow se livra sans état d’âme, sans cacher ni ses réflexions nocturnes ni le fruit de ses déductions. Il lui expliqua l’épisode de la carte et du trou d’épingle, le rond de serviette qui l’avait conduit à identifier un ancien nazi. Avec ses mots à lui, il exprima la frustration de l’équipe, condamnée à suivre les traces placées à dessein par Gloucester, sans jamais pouvoir réellement l’approcher. À intervalles réguliers, elle s’extirpait de ses notes, redressait la tête, le dévisageait comme pour le féliciter et l’encourager à poursuivre. Preuve qu’un début d’armistice était respecté de part et d’autre, elle toléra qu’il commande trois autres cafés pour lui-même et consume un demi-paquet de Lucky Strike. Lorsqu’il eut achevé son récit, elle hocha la tête et à son tour commanda, non pas un café mais une large tranche de rôti de dinde, un pain aux céréales, un nouveau verre de jus de fruits, le tout avec cinq comprimés qui provenaient cette fois d’une boîte bleue.
De retour au bureau, Pamela Rogers occupa les trois heures suivantes à saisir ses notes sur son ordinateur portable. Bardow de son côté étudia le relevé des connexions internet de Tracy Stone enregistrées sur les trois derniers mois. Travail fastidieux s’il en est. Puis, l’heure de la fermeture de l’école de Sandra approchant, il prit les relevés sous son bras, salua Rogers et quitta le central.
Table des matières
- Pennsylvania 2012 : chapitre 1 à 6 Env. 75 pages / 24579 mots
- Pennsylvania 2012 / chapitre 7 à 12 Env. 83 pages / 27257 mots
- chapitre 13 et 14 Env. 41 pages / 13293 mots
- chapitre 15 Env. 3 pages / 791 mots
- chapitre 16 Env. 15 pages / 4924 mots
- chapitre 17 Env. 4 pages / 1202 mots
- chapitre 18 Env. 26 pages / 8361 mots
- chapitre 19 Env. 11 pages / 3282 mots
- chapitre 20 Env. 13 pages / 4079 mots
- chapitre 21 Env. 9 pages / 2833 mots
- chapitre 22 Env. 5 pages / 1542 mots
- chapitre 23 Env. 9 pages / 2808 mots
- chapitre 24 Env. 7 pages / 2079 mots
- chapitre 25 Env. 15 pages / 4975 mots
- chapitre 26 Env. 6 pages / 1760 mots
- chapitre 27 Env. 21 pages / 6620 mots
- chapitre 28 Env. 15 pages / 4661 mots
- Chapitre 29 Env. 16 pages / 4948 mots
- chapitre 30 Env. 12 pages / 3725 mots
- chapitre 31 Env. 7 pages / 2200 mots
- chapitre 32 Env. 8 pages / 2558 mots
- chapitre 33 Env. 7 pages / 2289 mots
- chapitre 34 Env. 12 pages / 4009 mots
- chapitre 35 Env. 7 pages / 2097 mots
- chapitre 36 Env. 11 pages / 3623 mots
- chapitre 37 Env. 11 pages / 3329 mots
- chapitre 38 Env. 9 pages / 2919 mots
- chapitre 39 Env. 13 pages / 4110 mots
- chapitre 40 Env. 9 pages / 2981 mots
- chapitre 41 Env. 12 pages / 3802 mots
- chapitre 42 Env. 8 pages / 2551 mots
- chapitre 43 Env. 9 pages / 2730 mots
- chapitre 44 Env. 12 pages / 3777 mots
- chapitre 45 Env. 5 pages / 1646 mots
- chapitre 46 Env. 8 pages / 2581 mots
- chapitre 47 Env. 6 pages / 2011 mots
- chapitre 48 Env. 11 pages / 3467 mots
- chapitre 49 Env. 7 pages / 2254 mots
- chapitre 50 Env. 6 pages / 1647 mots
- chapitre 51 Env. 10 pages / 3164 mots
- chapitre 52 Env. 6 pages / 1971 mots
- chapitre 53 Env. 9 pages / 2816 mots
- chapitre 54 Env. 12 pages / 3878 mots
- chapitre 55 Env. 5 pages / 1611 mots
- chapitre 56 Env. 10 pages / 3209 mots
- chapitre 57 Env. 10 pages / 3068 mots
- chapitre 58 Env. 11 pages / 3386 mots
- chapitre 59 Env. 13 pages / 4040 mots
- chapitre 60 Env. 6 pages / 1783 mots
- chapitre 61 Env. 4 pages / 1075 mots
- chapitre 62 Env. 6 pages / 1900 mots
- chapitre 63 Env. 5 pages / 1524 mots
- chapitre 64 Env. 9 pages / 2783 mots
- chapitre 65 Env. 5 pages / 1434 mots
- chapitre 66 Env. 6 pages / 1715 mots
- chapitre 67 Env. 5 pages / 1369 mots
- chapitre 68 Env. 4 pages / 1194 mots
- chapitre 69 Env. 11 pages / 3485 mots
- Epilogue Env. 3 pages / 890 mots
- Remerciements Env. 1 page / 19 mots
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