Le chat de la voisine

Chris ne pouvait pas quitter son appartement par le porche donnant sur la rue. Pour sûr, les deux ricains le suivraient, filature discrète jusqu’au Scottish, et cueillette de la blonde, comme une fleur sauvage dans le pré. C’est ainsi qu’il décida de passer par les toits, comme Grisou, le chat de madame Leveau, habitante du cinquième. Matou toujours perché sur les chéneaux larges en zinc, voyageant d’immeuble en immeuble. Ce gros lard de félin empâté y parvenait bien, alors Chris allait l’imiter en évitant la mort.

Arrivé au bar, il était sûr d’avoir semé les deux lascars. Aucune chance pour eux, sortie côté ouest du bâtiment, après un passage dans un grenier désaffecté, repères des pigeons et chats trop gras.

— Excuse-moi Carole, j’ai fait aussi vite que possible.

— Tu as de la poussière, une grande trace sur ton pantalon, que t’est-il arrivé ?

— Rien de grave, j’ai dû me frotter à une bagnole pour passer. Les gens se garent n’importe comment dans ce pays de fou !

— Laisse-moi arranger ça.

— Alors, tu avais l’air inquiète tout à l’heure, pas dans ton assiette. Dis-moi.

— On est grave dans la merde Chris. On nous cherche. Coralie a cassé une bouteille de Whiskey sur le crâne du patron du bar, elle ne veut plus faire sa pute, et elle s’est tirée du club. T’imagines, la dette, le contrat, et le type en sang sur son zinc. Ils sont à nos trousses, elle et moi, et peuvent aussi s’en prendre à Caroline.

— Carole, je me doutais d’un truc pas net. Quand tu m’as appelé, deux types étaient chez moi et vous recherchaient. J’ai pensé à cette histoire, ils tentaient de m’embobiner, et me faire cracher des infos sur toi.

— À quoi ils ressemblent ?

— Deux accents ricains, un pt’it gros et un balaise avec une cicatrice dans le cou, bronzé et plutôt mal aimable. Pas recommandables et menteurs. Baratineurs.

Carole réfléchit un instant.

— Je ne vois pas. Chris, je ne peux pas retourner chez moi, on est en danger de mort. Je vais envoyer quelqu’un pour récupérer des affaires importantes, je dois m’inventer une autre vie. Disparaître. Changer de ville. Je sais de quoi ces types sont capables, au bar, le patron, je l’ai vu tuer plusieurs filles à coup de tête sur le comptoir. C’est un repaire à crapules pur jus et toi aussi tu risques gros. Ils vont nous buter s’ils ne récupèrent pas leur fric. Je suis désolée de t’avoir mis dans cette situation. Tu n’aurais pas dû. On n’aurait pas dû tomber amoureux !

— Ne dis pas n’importe quoi Carole, répondit Chris en posant ses lèvres sur celles de la jolie blonde aux chaussures roses.