Un nom d’orchidée

Chris perdait patience. Il n’avait pas confiance en ces deux types, rien n’était crédible dans leur discours et il sentait un coup fourré derrière tout ça. C’était une évidence, une histoire de fric, un rapport avec la dette au club. Ils auraient pu utiliser la force, mais ils brodaient l’entourloupe. La raison ? Un grand mystère pour lui…

— Et pourquoi je devrais vous écoutez messieurs ?

— Parce que vous faites partie intégrante de l’expérience et que vous avez besoin de nous pour retrouver les filles. La réciprocité est aussi vraie.

— Je n’ai pas besoin de vous pour les retrouver.

— Vous m’obligez à être un peu plus direct alors… Je souhaitais vous ménager. Je vais tout vous confier.

Le téléphone sonna dans la poche de Chris et il se leva pour décrocher.

— Allo Chris ?

— Allo ?

— C’est Carole. Il faut qu’on se parle, viens au Scottish, un bar de la rue de la République, dans une heure. C’est très important.

— Allo ?

— Tu m’entends ?

— Oui, Maman, ça va, je t’entendais mal, tu vas bien ? Tu es sûre ?

— Maman ? C’est quoi cette histoire  Chris ?

— Je suis un peu occupé là maman avec deux Messieurs, c’est important, je viendrai tout à l’heure avec tes médicaments, oui, je passerai à la pharmacie. Oui ! On se voit comme prévu.

— Je raccroche Chris, à tout à l’heure, je t’attends, ajouta Carole.

Chris reprit sa place autour de la table. Il avait eu du tact, la voix de Carole semblait bizarre.

— Désolé, ma vieille mère…pfff…

Alors Dresser prit le relais pour le final de l’histoire.

— Chris, les trois blondes sont bien mortes, et vous avez rencontré les trois premiers IA de Milton Corp, exemplaires séries qui font suite à de nombreux prototypes imparfaits. Que vous nous croyiez ou non, à vrai dire on s’en moque. On veut juste les retrouver et surtout comprendre qui leur a retiré leurs barrettes d’X-ium. On ne peut plus agir sur elles, autant vous dire que vu l’intelligence qu’elles ont embarqué, on n’est pas près de les revoir sans votre aide précieuse. Elles ont été programmées pour vivre toutes les situations possibles et sont en quelques sortes des femmes plus que parfaites. Un concentré de technologie intuitive. Et surtout, libres.

— Écoutez, votre histoire elle m’a fait sourire au début, mais ce n’est plus le cas et j’ai besoin de voir ma mère.

— Ces filles sont mortes, ce ont des IA Milton Made. Regardez-ça.

Dresser sortit de sa poche une mini tablette et lança une vidéo. Un corps de femme nue, morte sur une table d’opération, le crâne ouvert. Décrite comme le premier prototype Milton Corp. Une belle brune frisée au regard vide.

— Alors vous commencez à nous croire ?

— Putain c’est quoi ce bordel ? Qu’est-ce que vous leur avez fait ?

— Les triplées sont des IA. Comme cette brunette. Un cerveau artificiel leur a été implanté très peu de temps après leur mort. Leurs organes étaient intacts et elles ont un vrai…

— … corps ? Vous êtes en train de me dire que Carole, Coralie et Caroline sont des robotes aux corps de femmes et que leurs organes sont connectés ou je sais pas moi, gérés par ce micro-ordinateur dans leur crâne bourré de broches mémoire, puces et composants en tous genres ?

— C’est ça. Enfin, à peu près… On maîtrise l’implantation depuis un an et la barrette sert en cas de besoin, un contrôle à distance des IA et aussi à les désactiver, apporter des réglages. Puis aussi à les tracer. Ces barrettes d’X-ium étaient implantées sous leur peau depuis leur « résurrection » Tout ça doit répondre à vos questions sur le parfum corporel et de leur pussy aux poils blonds : de vrais corps féminins. Ça ne vous explique pas tout, mais au moins je vois à votre tête que ça vous interpelle. Tout ce que vous avez vécu était « programmé » même si l’IA a ses propres réactions. Je ne parle pas de sentiments ou d’amour, mais on en est très proche avec M0267, M0268, et M0269.

— On vous donne un Million de dollars si vous nous les ramenez, ajouta Douglas Kurk, et un salaire à vie chez Milton Corp. Une belle somme. Vous devez collaborer. On doit les retrouver.

Le cerveau de Chris explosait. Des images refaisaient surface, à toute vitesse. Des émotions intenses. Puis des larmes rondes et des sanglots…

Carole, l’amour qu’il attendait…

Mais Chris ne croyait pas le fond de ce récit à dormir debout. Il y voyait un plan diabolique lié aux histoires de drogue et de prostitution  racontées par la stripteaseuse. Ça se mélangeait dans sa tête. Non, ces trois femmes ne pouvaient pas être des IA. Impossible ! Pas crédible ! Stupide et trop futuriste !

Heureusement, Carole avait appelé le nouveau mobile professionnel de Chris. Une ligne qui n’était pas sous surveillance, contrairement à celle de l’appartement et à son autre smartphone.

Chris prit congé des deux types, besoin de réfléchir. Vingt-quatre heures. Pas une de plus accordées par les pseudos employés de Milton Corp.

Comment allait-il les semer en sortant… ?