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Navigation : Lecture libre > Littérature sentimentale > L'ombre d'une autre

L'ombre d'une autre

Couverture de l'oeuvre
  • Catégorie : Littérature sentimentale
  • Date de publication sur Atramenta : 11 janvier 2017 à 11h50
  • Dernière modification : 21 septembre 2018 à 11h03
  • Longueur : Environ 860 pages / 292 003 mots
  • Lecteurs : 4 153 lectures + 1 499 téléchargements
Mots clés : Disparition, enlèvement, amour
Par Zoé Vernon
Zoé Vernon
  • 37 oeuvres en lecture libre
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Cette oeuvre est complète, mais a besoin de relecteurs.

Œuvre publiée sous licence Licence Art Libre (LAL 1.3)

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L'ombre d'une autre

Chapitre 26

— Bougre ! Mais qu’est-ce qui m’a fichu ce truc dans les pattes ?

Nous regardâmes ce vieux bonhomme qui jadis, fut probablement le seul médecin du comté, maugréer et bougonner.

— Regardez donc ! Ils n’ont pas trouvé mieux que de m’installer des barres de maintien dans toute cette fichue baraque. J’ai l’impression d’être dans une maison de retraite ! Il manque plus que le déambulateur et je suis cuit ! Mes enfants, précisa-t-il. Surtout ma fille. Depuis que j’ai fait une petite chute l’année dernière, ils me croient incapable de faire un pas sans me prendre les pieds dans le tapis. D’ailleurs, ils ont retiré l’objet du délit. Alors les enfants ! Que voulez-vous au vieux Bill ? Jim m’a prévenu que deux personnes souhaitaient me rencontrer.

Je le regardai, maintenant amusée. Il était la copie conforme de mon Charlie. Brut de décoffrage, d’où une immense bonté se lisait sur son visage dont les yeux reflétaient l’intelligence. Derrière ses propos jovialement bougons, on sentait qu’il était reconnaissant envers sa tribu de toutes ses marques d’attention. Lui aussi me plut immédiatement. Je retrouvais un certain enthousiasme que je mis sur le compte de la remarque précédente de mon patron, mais également par la nature enjouée et dynamique de ce drôle de docteur. Contrairement à mon état semi-végétatif face aux rangers, je pris la parole avec une vitalité qui me surprit.

— Bonjour, Docteur Marcott. Tout d’abord, merci de prendre de votre temps pour nous recevoir. Voici Mark Logan… un ami. Je m’appelle Samuelle Lookwood. Nous sommes venus vous voir, car nous aurions des questions à vous poser concernant une ancienne affaire. Vous m’avez soignée il y a longtemps, et j’aurais besoin de votre aide afin d’obtenir des précisions sur ce qu’il m’est arrivé. J’ai disparu pendant quatre jours de la région il y a vingt ans. J’avais neuf ans.

Le vieux docteur ne réagit pas et son comportement me déstabilisa. Je m’attendais à ce qu’il fronce un sourcil, se gratte la tête, mais pas de rester impassible à me dévisager. Peut-être avait-il besoin d’informations supplémentaires. Après tout, cela s’était déroulé pas loin d’un quart de siècle en arrière et notre bon docteur n’était plus très jeune.

— Vous avez dû me soigner à une cinquantaine de kilomètres d’ici, pour une blessure à la tête.

— Une forte commotion pour être exact, ayant entraîné un traumatisme crânien. Je n’ai plus le pied très sûr, mais question mémoire, je suis incollable. Je n’oublie jamais un patient. Ne prenez pas mon silence pour un signe apparent de sénilité, Mademoiselle Lookwood, répliqua-t-il goguenard.

— Je ne voulais pas vous manquer de respect, m’excusai-je les joues en feu.

— Je l’ai bien compris, va ! J’aime bien taquiner les jolies femmes, termina-t-il non sans envoyer un regard plein de malice à mon patron.

Je préférai éviter ce dernier, persuadée qu’il abordait en cet instant, la même expression que le docteur Marcott.

— Alors jeune fille ! Que voulez-vous savoir exactement ?

— Tout !

— L’impatience de la jeunesse. Mais je comprends. Vous devez certainement être pressés. Vous avez fait du chemin pour venir jusqu’ici, et je présume que vous en avez encore à faire. Mais avant tout, j’aimerais que vous me rendiez un service, plutôt que vous m’accordiez une faveur.

— Bien sûr !

— J’aimerais voir comment les médecins de l’hôpital ont achevé mon travail. Pourriez-vous dégager votre tempe gauche ?

— … Oh !

— Je vois que ma requête vous embarrasse. Pardonnez-moi, ma demande était indélicate.

— Non, pas du tout. C’est nouveau pour moi. Je ne me suis jamais exposée de cette façon. J’ai toujours protégé… ma différence du regard des autres. Je suis également surprise que vous vous en souveniez après toutes ces années.

— J’admets qu’il y a derrière ma demande, une certaine curiosité.

Il marqua un temps avant de reprendre.

— Ce qui me trouble, c’est que vous vous dissociez de cette cicatrice. Je suppose que c’est ce que vous appelez votre différence ? Vous en parlez comme s’il s’agissait d’une entité étrangère à votre corps.

— Jusqu’à il y a trois semaines, c’est ainsi que je le vivais. J’apprends lentement à accepter que ce ne soit pas le cas.

— Vous avez oublié un élément important durant toutes ces années, et c’est bien dommage. Vous n’étiez en rien responsable ou coupable, vous êtes uniquement une victime.

— Je le découvre seulement maintenant.

Je m’exécutai face à sa sincérité et m’exposai sans retenue à son regard professionnel. Il ne réagit pas, examinant simplement ma cicatrice.

— Bien. Maintenant que les présentations sont faites, nous pouvons commencer !

Je lançai un regard un peu incertain à mon patron. Ce docteur me plaisait, mais son côté extravagant me déroutait légèrement. Le docteur répondit à notre échange silencieux.

— Je suis encore sain d’esprit, n’ayez crainte. On vous a retrouvé le matin du 21 avril 1996. Un couple de randonneurs vous a recueillie à une cinquantaine de kilomètres au sud du village, sur la route 191. Ils ont aussitôt appelé le chef Thomas. Ces braves gens ont immédiatement su qui vous étiez. On ne parlait que de vous dans la région. Le chef Thomas et moi-même, nous sommes rendus de suite sur les lieux. À cet instant, nous ne savions qu’une chose. Que vous étiez en vie. Pour le reste, il nous fallait attendre afin de découvrir dans quel état vous vous trouviez réellement. Lorsque nous sommes arrivés sur place, mes premières constatations montraient que vous souffriez d’une forte commotion de la tête avec plaie apparente, partant de la partie supérieure gauche de l’os temporal pour se terminer au niveau de l’arête de la mâchoire. La partie haute de plaie était superficielle, beaucoup plus profonde en son milieu. L’articulation temporo-mandibulaire avait subi un léger traumatisme et nécessitait des soins que je ne pouvais prodiguer sur place. Il semblerait que cela n’ait pas eu de conséquences fâcheuses, continua-t-il en me lançant un œil critique, détaillant ma mâchoire. Vous souffriez également d’un léger traumatisme crânien. Est-ce que pour le moment le vieux fou que je suis est toujours dans le vrai ?

J’acquiesçai de la tête, l’invitant à poursuivre.

— J’ai supposé qu’il était le résultat d’une chute provoquée par le coup reçu sur l’os temporal gauche. Mais, ce n’est qu’une supposition. Vous étiez en état de légère hypothermie, mais fortement choquée et apathique, réagissant à peine aux stimuli extérieurs. Vous présentiez une pâleur de la peau et des extrémités, ainsi qu’un pouls et une respiration rapide, résultat possible d’une hémorragie conséquente. La tête saigne toujours abondamment, précisa-t-il. En plus de votre entaille, vous aviez de nombreuses ecchymoses et coupures sur tout le corps. Vous ne souffriez d’aucun autre traumatisme grave.

— Quels types d’ecchymoses ?

— Des bleus, principalement sur le visage. Il était particulièrement tuméfié. Je peux seulement dire que les blessures dataient déjà de plusieurs heures. Disons qu’il était difficile de vous reconnaître, hésita-t-il. Ensuite, je vous ai fait évacuer vers West-Yellowstone, la ville la plus proche.

Un nœud se forma au creux de mon estomac. J’avais beau faire des efforts et prendre le maximum de recul, les paroles du docteur Marcott me rattrapèrent.

— Comment Samuelle à t-elle pu avoir ce type de blessures ? intervint Mark, formulant les questions que j’étais incapable de prononcer.

— Eh bien, c’est difficile à dire. Vu que vous étiez supposée avoir passé quatre jours dans ces bois, vos blessures pouvaient en être le résultat. Ce qui correspondait plutôt bien.

— Est-il possible qu’une personne lui ait infligé ce genre de blessures ?

Je restai suspendu aux lèvres du docteur, souhaitant de toutes mes forces que sa réponse soit négative.

— C’est probable. Si quelqu’un a vraiment fait cela, alors il l’a fait avec un acharnement et une barbarie inouïe.

— À votre avis, Docteur Marcott, comment Samuelle a-t-elle pu présenter une blessure si profonde ? Est-ce possible qu’elle provienne d’une chute ou quelque chose de similaire, comme vous venez de le souligner pour le traumatisme crânien ?

— Non, je ne le pense pas. L’entaille était bien trop nette et précise pour cela. J’ai longtemps cherché ce qui pouvait en être à l’origine. Une chose est certaine. Elle ne s’est pas fait cela en s’écorchant à une branche.

— Un coup porté volontairement ?

— C’est une hypothèse, mais elle me paraît peu probable. Si tel avait été le cas, il y aurait eu enfoncement de l’os temporal. Dans votre cas Mademoiselle, la blessure partait du haut de la tempe en suivant le contour du visage, vers le bas. Un peu, comme l’aurez fait le mouvement d’un fouet. C’est un peu barbare et saugrenu je vous l’accorde, mais c’est ce qui s’en approchait le plus. Pourquoi me posez-vous la question, Monsieur Logan ?

Sans me demander, il prit ma main dans un geste rassurant. Cela devenait une sorte de réflexe compulsif, mais je le laissai faire, appréciant son attitude.

— Nous pensons que Samuelle ne s’est pas égarée durant ces quatre jours.

Le docteur marqua une pause, prenant le temps de nous dévisager, puis reprit la parole lentement.

— Eh bien, les enfants, il semblerait que nous partagions le même avis.

— Comment cela ? demandai-je, sortant enfin de mon engourdissement. Qu’est-ce qui vous pousse à avancer cette même hypothèse ?

— Pour commencer, et ceci, vous le savez déjà, vous avez été retrouvée à plus de cinquante kilomètres du village. Connaissez-vous le climat de la région en plein mois d’avril ?

— J’en ai quelques vagues souvenirs, oui. Mon père et moi habitions près de Lucerne.

— Je vis dans le comté de Galantin dans le Montana, compléta Mark. Vos hivers sont tout aussi rigoureux que les nôtres. Géographiquement, nous sommes très proches.

— À peu de choses près, oui. Alors vous devez certainement savoir qu’il est impossible de parcourir une pareille distance dans les bois, avec le froid et la neige. Votre corps répondait à une légère hypothermie.

— C’est logique, me semble-t-il, m’avançai-je. Nous étions au début du printemps avec des températures n’excédant pas les 10 c ° la journée.

— C’est tout à fait exact Mademoiselle. Seulement, vous souffriez d’une légère hypothermie, insista-t-il. Si vous aviez réellement passé quatre jours dans ces conditions, vous n’auriez pas survécu.

Je pris la mesure des propos du docteur et me forçai à ne pas les laisser s’immiscer dans mon esprit. Instinctivement, je resserrai mes doigts autour de la main de Mark qui réagit en effectuant une légère pression.

— De plus, continua le docteur, vous n’aviez aucun vêtement d’hiver vous recouvrant. Vous étiez, si je me souviens, uniquement recouverte par une sorte de châle.

— J’aurais pu avoir retiré mon blouson pour une quelconque raison ?

— Possible, mais peu probable. L’instinct de survie peut être un allié précieux. Si vous l’aviez fait, ce n’est sûrement pas de votre propre chef !

— Pourquoi ? demanda Mark

— Pour la simple et bonne raison que la quantité de sang sur son châle et son chemisier était négligeable par rapport à la gravité de sa blessure. Il y aurait dû en avoir beaucoup plus. C’est pour cela que rien ne concorde. Ce n’est pas logique. Votre blessure avait déjà plusieurs heures, j’en suis certain. Vous n’auriez jamais pu tenir tant de temps à l’extérieur dans des conditions climatiques draconiennes, vêtue si légèrement. Principalement avec les types de blessures dont vous souffriez. C’est absolument impossible. Et je suis catégorique ! Cependant, votre hypothermie vous a sauvé la vie.

— Dans quelles mesures ? demandais-je surprise.

— Le froid est un excellent coagulant si je puis dire. Il en a accéléré le processus. Sans cela, vous ne seriez pas devant moi aujourd’hui. Il y a une seconde chose dont je suis certain. On vous a fait un point de compression en vue de stopper l’hémorragie. Pour ce faire, l’on doit exercer une pression suffisamment forte et assez longtemps pour un résultat. La tête est particulièrement vulnérable, les épanchements abondants, et il faut du temps pour l’enrayer.

— Samuelle aurait-elle pu le faire elle-même ?

— Impossible ! Elle n’aurait jamais pu entreprendre ce geste qui demande une bonne connaissance médicale pour l’appliquer correctement, ou tout du moins de sérieuses notions de secourisme. Seconde raison, la main d’une enfant de neuf ans aurait été trop petite pour recouvrir l’ensemble de la blessure.

J’inversai nos rôles, et exerçai une pression dans sa main. J’accrochai son regard, et je suis désolée, furent les mots qu’il put lire sur mes lèvres. Il me répondit par un léger sourire tout en resserrant ses doigts autour des miens. Si ce n’était pas la main d’un enfant qui m’avait fait cela, ce ne pouvait être Melinda. Le docteur Marcott eut la délicatesse de ne pas interrompre notre échange, et nous laissa quelques secondes se méprenant sur la personne.

 

Les paroles du docteur Marcott résonnaient encore. Si j’étais toujours en train de faire le point et de remettre un semblant d’ordre dans mon esprit, Mark avait déjà analysé la situation.

— J’aimerais faire un résumé si vous le permettez. Samuelle présentait deux importantes lésions à la tête. Une profonde entaille ainsi qu’un traumatisme crânien. Elle souffrait d’une légère hypothermie, suite à une exposition relativement courte dans le froid. Elle ne portait aucun vêtement susceptible de la protéger de ce froid. Ses blessures dataient déjà de plusieurs heures. L’hémorragie dont elle souffrait a probablement été stoppée par l’intervention d’un individu ayant des connaissances médicales. Son état ne lui permettait pas de se déplacer seule. Malgré cela, Samuelle a été retrouvée à cinquante kilomètres du village et à pas moins de trente kilomètres de toutes formes d’habitations. Dans l’hypothèse où elle aurait parcouru cette distance, elle l’aurait effectuée probablement durant ces quatre jours. Seulement, elle n’avait pas la force nécessaire à cet âge, sans équipement pour la nuit, sans nourriture, avec des températures rigoureuses, dans un milieu hostile.

— C’est exact ! acquiesça le docteur Marcott.

— Je sortais d’où, alors ? demandai-je, quelque peu désappointée.

Je regardai Mark se lever et se positionner face à la fenêtre. On aurait dit que ses yeux scrutaient l’extérieur, à la recherche d’une réponse.

— C’est là tout le problème. Tous ces éléments se contredisent. Il n’y a rien de cohérent, reprit-il d’une voix d’où perçait une profonde incompréhension. Il se retourna de nouveau vers nous.

— Quelqu’un vous a forcément transportée, soignée et déposée à cet endroit. Je ne vois, pour le moment, pas d’autres explications. Pourquoi se donner autant de mal pour vous soigner si c’est pour vous abandonner sur une route secondaire ? Pourquoi ne pas vous avoir déposée, si ce n’est dans un hôpital, dans un village. Mais pas au milieu de nulle part.

Je devinai sa colère contenue dans sa voix, et ne pouvais rien contre, seulement la partager. Et ces questions persistantes qui m’obsédaient. Pourquoi avais-je été retrouvée à moitié morte ? Pourquoi, dans l’hypothèse où Melinda et moi avions traversé les mêmes épreuves, n’avait-elle pas été retrouvée ? Pourquoi m’avait-on laissé une chance de vivre ?

— Si je ne me suis pas posé cette question lorsque l’on vous a retrouvée, Mademoiselle, je dois dire qu’elle m’a rattrapé et me hante depuis de nombreuses années maintenant, intervint le docteur Marcott. L’euphorie déclenchée par votre retour parmi les vôtres nous a fait passer à côté de l’essentiel. À l’époque, vous étiez vivante et c’était le principal.

— Savez-vous pourquoi le Chef Thomas n’est pas allé plus loin dans ses recherches. Il devait certainement en être arrivé à la même conclusion.

— Je ne connaissais pas suffisamment le Chef Thomas pour répondre à votre question.

— Mais vous, docteur ! Même sans le connaître, qu’avez-vous ressenti ?

— Je suis médecin, Mademoiselle. Et je me base sur des faits et non des allégories. Toutefois, son comportement et quelques conversations accidentellement entendues avec ses supérieurs m’incitaient à croire qu’il n’était pas convaincu par la version officielle de votre disparition. D’après ce que j’ai pu saisir, on lui a clairement dit de laisser tomber. Et même le plus crétin des imbéciles aurait compris que ça ne cadrait pas !

— Pourquoi n’est il pas allé plus loin dans ses investigations alors ! m’insurgeai-je. Comment mes parents ont-ils pu ne pas réagir face à tout cela ? C’est incompréhensible !

— Je suppose qu’économiquement, cela pouvait avoir des répercussions désastreuses pour la région, intervint Mark.

— Quel rapport entre la disparition d’une enfant et l’économie d’une région ? Cela n’a pas de sens, le questionnai-je perplexe.

— Je crois tout le contraire, renchérit le docteur Marcott. Les ordres reçus par les supérieurs du Chef Thomas étaient clairs.

Je les dévisageai tour à tour sans comprendre où ils voulaient en venir.

— Imaginez, reprit Mark, s’il y avait eu une enquête ouverte pour l’enlèvement et la séquestration d’une fillette de neuf ans dans la région des lacs. À votre avis, comment auraient réagi les touristes présents, et ceux à venir ? Ils auraient évité la région. Vous pouvez concevoir d’emmener votre famille dans un endroit où les enfants disparaissent ? Cela aurait été un désastre financier pour les commerçants. Et c’est toute une région qui en aurait pâti. Le Yellowstone est le parc le plus visité des États-Unis. Que l’on considère votre disparition comme accidentelle arrangeait les politiques. Ils pouvaient résolument annoncer la nouvelle, engendrant, cette fois, d’honorables retombées financières. La réactivité des autorités ne pouvait pas être mise à défaut. Non seulement, l’efficacité des rangers n’était plus à prouver, mais en plus la région disposait de gros moyens et pouvait assurer la sécurité des touristes. Vous étiez la meilleure publicité qu’ils pouvaient espérer.

— C’est révoltant !

— Je vous l’accorde, Mademoiselle. Je comprends que vous soyez écœurée par cette bande de politicards. Comme le mentionnait Monsieur Logan, ils ont fait ce qu’ils estimaient être le mieux pour la région, même si je ne partageais pas leur point de vue. Je vous ai vue, je vous ai soignée, et une fois la liesse des retrouvailles passée, j’étais tout aussi révolté que vous.

— Ce que vous avez subi durant ces quatre jours, n’était que dommage collatéral, corrobora Mark. Peu importe le traumatisme. Vous étiez en vie ! La sérénité et la réputation de la région étaient assurées ! Vos parents, qui allaient dans le même sens qu’eux en souhaitant s’éloigner de toute cette affaire, arrangeaient les autorités qui en ont profité pour clore le dossier.

Je les écoutai m’exposer la situation telle qu’elle était à l’époque, et tentai de l’imaginer telle qu’elle aurait dû être si on avait laissé une chance au chef Thomas de faire son métier correctement. Je m’adressai au docteur pour lui poser la seule question qui pour le moment n’avait pas été soulevée.

— On a parlé de l’aspect physique de mes blessures. Ce que je voudrais comprendre, c’est pourquoi je ne me souviens de rien. C’est le néant le plus total.

— Le cerveau est un outil formidable. Il est capable de se fermer pour se protéger de ce qu’il est incapable de gérer. Dans votre cas, votre traumatisme a tellement été important qu’il a préféré effacer certaines informations de votre mémoire, ou plutôt, vous les dissimuler. Cela ne signifie pas qu’elles n’existent plus. L’amnésie n’est pas tant une maladie en elle-même qu’un symptôme d’une lésion ou d’un désordre au cerveau. Mais dans tous les cas, les souvenirs les plus lointains, comme ceux de l’enfance, tendent à être conservés.

— Vous dites que certaines informations sont conservées. Cela veut dire que je pourrais m’en souvenir ?

— Oui, c’est exact. Et vous vous demandez pourquoi vous n’y parvenez pas.

— J’ai cette impression que plus j’essaye, et plus tout devient flou. Vous pensez, qu’un endroit, une situation ou encore une personne, puisse être un déclencheur. Qu’ils puissent me faire revivre une partie de ce que j’ai oublié.

— Vous avez une question bien précise, et je n’en saisis pas le sens. Pouvez-vous être plus explicite ?

J’adressai un regard interrogatif à Mark auquel il répondit en venant se rasseoir à mes côtés, et m’adresser un sourire consentant. Je me lançais une nouvelle fois dans le long et tortueux dédale qui faisait ma vie depuis que j’avais mis les pieds au ranch. Mark compléta mon récit, en parlant de mon émotivité et mes réactions parfois exagérées. Mes emportements, pas toujours contrôlés et justifiés. Mes humeurs variantes. Et encore, je pense qu’il mesurait ses mots.

— Je ne suis pas spécialiste dans ce que l’on nomme le TSPT. Le trouble du stress post-traumatique. De toute évidence, votre venue dans le ranch de Monsieur Logan a fait ressurgir des réminiscences que vous n’étiez pas en mesure de supporter. Vous vous êtes apparemment retrouvée dans une situation qui a ouvert une porte sur votre passé et réveillé une partie de votre subconscient. Votre organisme a reproduit un système de défense relativement proche de ce que vous avez vécu il y a vingt ans. Comme je vous l’ai dit, je ne peux pas vous en apprendre davantage.

Nous regardâmes le vieux docteur se lever lentement, nous signifiant ainsi la fin de la conversation. Je l’imitai, accompagnée par Mark qui avait pris les devants et me soutenait légèrement, mon coude appuyant dans le creux de sa main.

— Ne bougez pas ! nous intima le docteur. Et vous, jeune demoiselle, vous devriez prendre soin de vous en reprenant du poil de la bête, ajouta-t-il sur un ton qui se voulait plus un reproche qu’un conseil.

Il quitta la pièce, sans que je puisse lui répondre.

— Et il a raison, renchérissait Mark doucement.

— J’ai vraiment été comme vous l’avez décrit au docteur Marcott, demandai-je embarrassée ? Je me suis vraiment comporté de cette façon ?

— Je crains que oui.

— Je suis désolée que vous ayez été le témoin de tout cela.

— Vous avez des circonstances atténuantes. Vous n’avez pas à vous excuser de quoi que ce soit. Et puis, je vous avoue que je suis rassuré maintenant.

— Comment cela ?

— J’ai eu peur un instant que ce que vous m’aviez montré depuis quelques jours était réellement vos traits de caractère et reflétait votre véritable personnalité.

Je lui rendis son sourire et repris sur un ton faussement démissionnaire fasse à sa pique.

— C’est de bonne guerre. Je vous en ai fait voir de toutes les couleurs comme ça ?

— On peut dire ça, oui. Attendons que le docteur revienne et je vous reconduis au ranch.

— Il faut que je repasse vers les cabins avant. C’est à deux pas d’ici. J’aimerais aussi que vous me déposiez à l’hôpital. West-Yellowstone est sur notre route.

— D’accord pour les cabins. L’hôpital, ce sera pour une autre fois !

— Vous voyez ! Vous recommencez à tout diriger ! Je ne vous demande pas de m’accompagner. Uniquement de me déposer.

— Et vous, vous vous méprenez une fois de plus. Je mettrais votre emportement sur votre état de santé et votre faiblesse du moment.

— Je ne m’emporte pas. Je souhaite uniquement faire un arrêt dans cet hôpital.

— Et je ne joue pas au despote, je vous dis seulement que la journée a été particulièrement éprouvante. Cette halte, dans le cas ou nous rencontrons quelqu’un susceptible de vous procurer votre dossier médical, nous ferait rentrer tard au ranch. Ce ne serait pas raisonnable ! Vous devez vous reposer !

— D’accord. J’admets que cette journée m’a pas mal éprouvée.

— Il me semble également.

Il repoussa lentement une mèche de cheveux derrière mon oreille, dégagea mon visage tout en effleurant ma cicatrice. Je le vis hésiter, comme s’il cherchait ses mots.

— Samuelle… Lorsque je vous disais que vous comptiez pour les habitants du ranch, j’en faisais aussi partie. Je me rends compte que vous avez beaucoup souffert. Je n’en avais, jusqu’à maintenant, pas mesuré la portée. Je ne dis pas que je comprends ce que vous avez traversé depuis toutes ses années. J’en suis simplement désolé. Si je peux vous soulager, ou, vous apporter un soutien, dites-moi.

— C’est ce que vous faites en m’aidant, et je vous remercie pour cela. Je n’ai que vous maintenant.

Je ne m’offusquai pas de sa familiarité, de sa promiscuité, même si elle me troubla et que ses propos me firent perdre le peu de moyens qu’il me restait. Je trouvais refuge dans son regard. Mon Dieu ! Ces yeux dont j’avais de plus en plus de mal à me détourner, me détacher…

 

— Je vous ai pris rendez-vous avec le médecin qui vous a prise en charge à l’hôpital de West-Yellowstone, annonça le docteur Marcott alors qu’il nous rejoignait. J’ai eu dans le passé et à maintes reprises, à faire à lui en lui envoyant quelques patients. C’est un très bon médecin. Dans votre malheur, on peut dire que vous avez de la chance qu’il exerce encore dans le même établissement.

Je lançai un regard à Mark, sous entendant ; vous voyez, il exerce toujours ce bon docteur et il pourra me fournir mon dossier ! Il me répondit par un petit soupir amusé, et reporta son attention sur le docteur Marcott.

— Je me suis permis, continua ce dernier, de lui expliquer brièvement qui vous étiez et la raison de votre visite. J’avais peur qu’en vous voyant, Mademoiselle, il se méprenne sur la raison de votre visite et vous considère comme une de mes patientes. Ce qui est toujours le cas ! Il vous attend demain en tout début d’après-midi. À 13 h 25 précisément. Il vous a casé entre deux rendez-vous. Ne soyez pas en retard. C’est quelqu’un de très occupé, et de particulièrement rigoureux et exigeant en ce qui concerne la ponctualité. Tenez ! Prenez ceci !

Je pris de ses mains une carte de visite, sur laquelle étaient notées de façon relativement claire et précise les coordonnées du Docteur Heliot James, Chef de service du service de neurologie du centre hospitalier de West-Yellowstone.

— Merci docteur, intervint Mark. Comment pouvons-nous faire pour vous remercier ?

— En me donnant des réponses. Et vous, Mademoiselle, en épaississant un peu.

— Je m’y efforce, répondis-je affectueusement devant sa marque évidente de sincérité.

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Table des matières

  1. Prologue Env. 2 pages / 389 mots
  2. Chapitre 1 Env. 19 pages / 6383 mots
  3. Chapitre 2 Env. 13 pages / 4260 mots
  4. Chapitre 3 Env. 22 pages / 7208 mots
  5. Chapitre 4 Env. 19 pages / 6181 mots
  6. Chapitre 5 Env. 31 pages / 10348 mots
  7. Chapitre 6 Env. 17 pages / 5879 mots
  8. Chapitre 7 Env. 20 pages / 6723 mots
  9. Chapitre 8 Env. 26 pages / 8616 mots
  10. Chapitre 9 Env. 15 pages / 5159 mots
  11. Chapitre 10 Env. 15 pages / 4771 mots
  12. Chapitre 11 Env. 13 pages / 4259 mots
  13. Chapitre 12 Env. 21 pages / 7061 mots
  14. Chapitre 13 Env. 27 pages / 9015 mots
  15. Chapitre 14 Env. 14 pages / 4743 mots
  16. Chapitre 15 Env. 21 pages / 6913 mots
  17. Chapitre 16 Env. 16 pages / 5072 mots
  18. Chapitre 17 Env. 14 pages / 4600 mots
  19. Chapitre 18 Env. 16 pages / 5161 mots
  20. Chapitre 19 Env. 16 pages / 5224 mots
  21. Chapitre 20 Env. 21 pages / 7118 mots
  22. Chapitre 21 Env. 21 pages / 7094 mots
  23. Chapitre 22 Env. 18 pages / 6091 mots
  24. Chapitre 23 Env. 15 pages / 4981 mots
  25. Chapitre 24 Env. 21 pages / 6845 mots
  26. Chapitre 25 Env. 13 pages / 4247 mots
  27. Chapitre 26 Env. 14 pages / 4478 mots
  28. Chapitre 27 Env. 16 pages / 5253 mots
  29. Chapitre 28 Env. 19 pages / 6055 mots
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  45. Chapitre 44 Env. 19 pages / 6296 mots
  46. Chapitre 45 Env. 21 pages / 6836 mots
  47. Chapitre 46 Env. 23 pages / 7650 mots
  48. Chapitre 47 Env. 15 pages / 5058 mots
  49. Épilogue Env. 5 pages / 1462 mots
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