Navigation : Lecture libre > Littérature générale > Nouvelles > L'expression d'une impression
L'expression d'une impression
-
- Catégorie : Littérature générale > Nouvelles
- Date de publication sur Atramenta : 23 mars 2019 à 17h06
- Dernière modification : 25 mars 2019 à 12h42
-
- Longueur : Environ 4 pages / 1 308 mots
- Lecteurs : 39 lectures
- Coup de cœur des lecteurs (×1)
- Mots clés : humour expression
Cette oeuvre est déclarée complète, relue et corrigée par son auteur.
L'expression d'une impression
L’expression d’une impression
— Bonjour, docteur. Je viens vous voir parce que jʼai des envies de meurtre : je buterais bien ma femme.
Grand, blond, mince, plutôt beau gosse, une trentaine dʼannées et déjà totalement siphonné.
— Mézencore ? demandai-je sans conviction.
— Je me réveille la nuit avec lʼenvie de serrer sa gorge entre mes mains ou de la pendre au bout dʼune corde et… Je sais pas. Jʼai lʼimpression que ça doit être agréable comme sensation, non ?
Je mis ma bouche en cul de poule (bien que je ne sache pas faire un neuf avec) et me donnai ainsi le temps de réfléchir. Puis :
— Bien, je vois. Mais, rassurez-moi : vous nʼêtes jamais passé à lʼaction, nʼest-ce pas ?
— Noooon. Sinon je serai chez les flics, pensez donc !
— Ah. Cʼest déjà ça. Je peux savoir ce qui vous retient ? Si ce nʼest pas indiscret.
— Je nʼai pas de femme.
— Ah. Oui. Bien sûr. Cʼest plus difficile, de fait.
— Carrément impossible : j’ai déjà essayé.
J’aime quand c’est du lourd, ça casse plus facilement. Bon, c’est plus dur à soulever, aussi. Il me fallait exploiter la piste.
— Vous en auriez une… ?
— Ah ben, elle y serait passée et, du coup, je nʼen aurais plus. Cʼest un cercle sans fin.
— Cʼest vicieux, surtout. Vous comptez vous marier ?
— Jʼy pense, oui, mais jʼai peur. Cʼest un peu pour ça que je suis venu vous voir.
— Ben, oui, et je ne peux que vous féliciter. En quoi puis-je vous aider ?
— Pouvez-vous m’ôter cette envie dʼétrangler ma femme ?
— Et… comment ?
— En me faisant parler, en cherchant ce qui ne va pas tout au fond de moi, un truc dans le genre, quoi.
— Un truc dans le genre, je vois.
Je pris une feuille de papier, un crayon, traçai un tiret en haut à gauche de la feuille et demandai :
— Comment va votre mère ?
— Ma mère ? Quʼest-ce quʼelle a à voir dans cette histoire ?
— Je ne sais pas encore, peut-être plus que vous ne le croyez. Comment va-t-elle ?
— Ben, pour ce que jʼen sais, elle est toujours morte. Depuis dix ans, maintenant.
— Bien.
— Ah ? Pourquoi est-ce que cʼest bien ?
— Non, jʼai pas dit que cʼétait bien, jʼai juste dit « bien » pour moi-même, pour réfléchir. Cʼest une expression.
— Ah. Bien.
— Voilà, dis-je avec un sourire radieux. Et votre père ? Comment va-t-il ?
— Bien…
Il y eut un silence.
— Vous réfléchissez ou bien ?
— Je réfléchis et pour ce que jʼen sais mon père va bien.
— Bien. Avez-vous quelque motif que ce soit de lui en vouloir ?
Il fit un neuf avec sa bouche. Pas évident sans entraînement.
— Je ne crois pas. Pour tout vous dire, je lʼai vu pour la première et dernière fois lors de lʼenterrement de ma mère. Il est venu chez le notaire voir si elle ne lui avait rien légué.
Ah ouais ! Quand même !
— Vous avez été heureux de le rencontrer ?
— Ouais, il est sympa. Il me ressemble. Mais en plus vieux.
— Cʼest tout ? Vous nʼavez pas ressenti de colère, de frustration, rien ?
— Colère ? Pourquoi ? Il ne mʼa rien fait.
— Cʼétait juste une question. Ça fait bien dʼavoir des problèmes à cause du père, ça décale le problème et moi, le décalé, jʼaime bien. Mais, ne vous inquiétez pas, dis-je en mʼétirant, je ne vais pas mʼétendre là-dessus.
Façon de parler.
— Avez-vous une idée de la femme que vous allez épouser ? Une piste ? Une ouverture ? Un nom ? Quoi que ce soit ?
— Jʼen ai plusieurs.
Il chercha dans la poche de sa veste et en sortit une liste écrite sur une feuille au format A4.
— Elles sont toutes là : ce sont des proches.
Il posa la feuille devant moi, sur le bureau. Dessus, à lʼencre rouge, il avait écrit : « la voisine dʼen face, la voisine du dessus, la voisine du dessous, la voisine du rez-de-chaussée, la voisine de la maison dʼen face ». Ses proches, bien sûr. Sans haine.
— Cʼest précis. Cinq candidates, cʼest ça ? Elles le savent ?
— Que je veux les étrangler ?
— Nʼallons pas si vite, les épouser, déjà, serait un bon début.
— Non. Il nʼy a que vous qui êtes au courant.
— Ouais. Cʼest pas plus mal. Et quand vous rêvez dʼétrangler votre femme, vous voyez une de ces femmes ?
— Cʼest pas un rêve, cʼest une envie qui me réveille. Comme pour aller pisser.
Jʼai pris la psychiatrie parce que je ne suis pas manuel, comme gars. Mais plombier, ça mʼaurait plu, jʼen suis persuadé. Surtout aujourdʼhui.
— Une envie, répétai-je. Aller pisser. Je vois.
Je me levai, ouvris la porte vers la salle dʼattente, pointai mon doigt sur ma patiente suivante et lʼinvitai, toujours par gestes, à entrer dans le cabinet.
— Je vous présente, madame, une femme adorable, célibataire, prête à déménager et même à se marier, le cas échéant.
— Enchanté, fit mon patient.
— De même, fit ma patiente.
— Donc, dis-je en me tournant vers elle, ce monsieur, bien sous tout rapport, à des envies de meurtre par strangulation.
Elle fit une parenthèse vers le bas avec sa bouche.
— Pas courant comme situation, dit-elle en reprenant une forme de bouche normale.
— Surtout en dehors des prisons, oui. Voudriez-vous tendre votre cou quelques secondes à ce monsieur pour quʼil vous étrangle ?
— Mais… avec plaisir ! Jʼen meurs déjà dʼenvie !
— Chaque chose en son temps : restez en vie encore quelques instants, sʼil vous plaît.
— Oui, pardon, rougit-elle.
Lʼautre, il me regardait sans trop comprendre. Je lui fis signe dʼy aller, dʼautant que la dame tirait son cou devant nous, sans gêne.
— Docteur, je… Elle… Cʼest à dire… Je ne peux pas.
— Puisque je vous dis quʼelle est prête à devenir votre voisine et à se marier !
Tout en gardant la position, la patiente acquiesça.
— Mais… Là, tout de suite, docteur, jʼai envie de tuer personne : on ne lʼest pas, mariés.
— Ah ! Je vois ! mʼexclamai-je ayant trouvé la faille. Vous lui auriez mis la corde au cou, ce serait plus facile, cʼest ça ?
Les yeux de mon patient sʼécarquillèrent indépendamment lʼun de lʼautre, formant le signe de lʼinfini alors que sa bouche sʼouvrit, laissant tomber la mâchoire inférieure.
— Ah ben… ! lâcha-t-il en la ramassant, dit comme ça… je comprends mieux, docteur. Vous avez trouvé de quoi je souffre ?
— Dʼexpressionnisme ! dis-je en faisant bouger mes oreilles. Vous prenez pour vrai, et à faire, ce quʼune expression suggère. Ne soyez plus aussi terre à terre et quand cette envie vous reprendra, la nuit, allez donc pisser : vous vous sentirez mieux.
— Vous avez encore besoin de moi ? demanda la girafe.
— Non. Merci. Vous pouvez retourner dans la salle dʼattente. Je viendrai vous chercher.
Elle sortit, je mis le chèque du patient dans le tiroir alors quʼil se levait déjà pour disparaitre de ma vue. Je me dis que les expressions avaient du bon, tout de même.
Puis, je refis entrer la patiente suivante et lui demandai ce qui lʼamenait ici.
— Le bus, me répondit-elle, très terre à terre.
Jʼeus une drôle d’envie, sur le cou, mais j’ai préféré aller pisser.
Donner votre avis à propos de cette oeuvre
Découvrir les 42 autres oeuvres de cet auteur
Voir toutes les oeuvres de la collection "Le psy"
Œuvre suivante dans cette collection :
Table des matières
Rejoignez nos plus de 44 000 membres amoureux de lecture et d'écriture ! Inscrivez-vous gratuitement pour reprendre la lecture de cette œuvre au bon endroit à votre prochaine visite et pouvoir la commenter.
- Que pensez vous de cette oeuvre ?
- Annonces à propos de cette oeuvre Flux RSS
-
- Aucune annonce à propos de cette oeuvre
- L'avis des lecteurs
- 10 aiment
- Fond : 4.5 coeurs sur 5
-
À lire absolument ! : 4 lecteurs
Très bon : 4 lecteurs - Forme : 4 plumes sur 5
-
Fluide, agréable, sans fautes... : 6 lecteurs
Exceptionnelle ! : 1 lecteur
- Télécharger cette oeuvre
-
- Non téléchargeable
- Partager cette oeuvre
- Raccourcis clavier :
-
- ← page précédente
- → page suivante
- L Lumière (fond noir)
- +/- taille du texte
- M Mise en forme
- P Police
- Lecture libre
-
- Littérature générale
- Fictions historiques
- Contes, légendes et fables
- Érotisme
- Action, aventure, polars
- SF et fantastique
- Littérature humoristique
- Littérature sentimentale
- Poésie
- Paroles de chansons
- Scénarios
- Théâtre
- B.D, Manga, Comics
- Jeunesse
- Jeu de rôle
- Savoir, culture et société
- Défis et jeux d'écriture
- Inclassables
- Librairie Atramenta
- Livres audios
- Atramenta Mobile
- A découvrir ?
-
- Romans
173 pages -
- Lire
- Telecharger l'ebook
- Oeuvre incomplète et en cours d'écriture.
- Étreinte 2
- Georges Girault
- Romans