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Les Apostats - épisode 1 : La Quête des Champignons Magiques
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- Catégorie : SF et fantastique > Fantasy
- Date de publication sur Atramenta : 10 janvier 2021 à 18h36
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- Longueur : Environ 11 pages / 3 588 mots
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Les Apostats - épisode 1 : La Quête des Champignons Magiques (Oeuvre réservée à un public averti)
La Quête des Champignons Magiques
Le soleil est au zénith au-dessus du pays de Traàn. Alors que l’été touche à sa fin, c’est cette période de l’année qu’ont choisi les fortes chaleurs pour frapper la région sans ménagement, après une saison en demi-teinte.
À Fort-Les-Plaines, capitale du royaume, nobles et bourgeois oisifs s’enferment au frais de leurs demeures de pierre tandis qu’à l’extérieur, paysans, ouvriers et autres petites gens s’activent au soleil, accablés par la canicule.
Hors des murs de la ville, un gnome laborieux bine à grand-peine son carré de potager. Il se redresse en grimaçant. D’une main, il appuie sur ses lombaires douloureuses tandis que de l’autre, il retire sa coiffe pour ventiler son visage ruisselant de sueur. Appuyé sur sa binette, il laisse vagabonder son regard vers le ciel du sud et se met à contempler un oiseau qui vole au-dessus du bois maudit.
Derrière lui, un autre gnome, peut-être bien son chef, se met à crier en tapant dans ses mains.
— Allez, allez, hop-hop-hop là ! On s’y remet ! Les choux vont pas se planter tous seuls, si ?
Le petit paysan, expulsé de sa rêverie contre son gré, contorsionne sa bouche en un rictus agacé et reprend sa binette tout en maugréant dans la barbe qu’il n’a pas.
— Courage, tempère le chef de culture que la température écrase aussi. Quand on aura terminé cette plate-bande, on ira boire une bonne bière à l’ombre et ce sera tout pour aujourd’hui.
Avant de se remettre au travail, le gnome aux vertèbres endolories jette un dernier regard vers l’oiseau qui plane dans le bleu d’azur.
— Ah, soupire-t-il. Qu’il doit faire bon là-haut ! Il ignore sûrement tout de sa veine, cet oiseau là, qui vole à sa guise dans le vent frais, pendant que moi je me ruine la santé à planter ces exécrables choux ! Comme j’aimerais être à sa place !
Le volatile, qui s’avère être un pigeon, s’éclate, en effet. Sans fief et sans chef, sans roi ni loi, sans foyer ni loyer, il profite pleinement de sa condition d’oiseau, libre qu’il est de voler comme bon lui semble et sans compte à rendre à qui que ce soit. Juste pour le plaisir, il se fend d’un prodigieux looping et se met à décrire de grands cercles dans le ciel immaculé. Puis pouf ! il tombe à pic, d’un seul coup d’un seul, flanqué d’un carreau d’arbalète qui le traverse de part en part.
Sous la canopée hirsute du bois maudit, Mira sourit. Elle se met à courir hors du sentier, grimpe sur un rocher, bondit pour empoigner une branche à laquelle elle se balance, se balance… et hop ! Dès qu’elle a suffisamment d’élan, elle saute par-dessus un ruisseau avant de se réceptionner dans une élégante roulade. Ni une ni deux, la jeune femme se relève et reprend sa course. Elle fonce à travers la brousse suivant une piste qu’elle seule semble percevoir, se faufile, ombre féline, entre bosquets et arbustes, saute au-dessus d’une racine et bim ! se prend une branche en pleine poire.
Mira tombe le cul sur la racine qu’elle cherchait précisément à éviter, se redresse et passe la main sur son front en marmonnant des choses parfaitement inacceptables pour des oreilles chastes et pieuses. Ça tombe bien, de telles oreilles n’existent pas dans le bois maudit, c’est d’ailleurs l’une des multiples raisons qui font que Mira se plaît à vivre ici.
Elle se relève et marche, à une allure nettement moins soutenue, jusqu’au pigeon tombé du ciel. Elle le ramasse, arrache le carreau d’arbalète qu’elle essuie négligemment sur son pantalon et glisse dans son carquois avant de mettre sa proie dans son bissac.
Mira s’assied sur un tronc, prend son outre de vin dont elle boit quelques gorgées, puis entreprend d’inventorier son butin : des figues, assez pour faire une bonne livre de confiture, des noix et l’oiseau. Rien d’exceptionnel mais c’est toujours ça de pris, se dit-elle. Il lui faudrait bien deux ou trois pigeons supplémentaires pour ce soir, mais elle sent de plus en plus la présence de sa vieille amie la flemme qui, picrate aidant, commence à peser lourd sur ses guibolles.
Elle referme son bissac et se relève quand une branche qui craque dans son dos la fait se retourner vivement. Rien ni personne derrière elle. Mais Mira reste méfiante. Elle connaît assez bien la forêt pour savoir que, la plupart du temps, les branches mortes ne s’amusent pas à se briser toutes seules pour effrayer les promeneurs.
— Y a quelqu’un ?
Silence.
— Ohé !
Silence encore. Mira fait la grimace. Elle sait bien qu’elle n’a pas rêvé. Elle se faufile à pas feutrés entre les arbustes et dégaine son arbalète. Si elle a de la chance, elle pourrait tomber sur du petit gibier tapis dans les buissons, peut-être un lièvre ou un faisan. Elle adore le faisan. Si elle en a moins, il pourrait s’agir d’une laie effarouchée ou pire : d’un raptor en chasse. Mieux vaut donc rester prudent, se dit-elle.
Un nouveau craquement. Il n’y a plus de doute possible. Mira voit des feuilles bouger dans un bosquet à moins de trente pieds.
La jeune femme ne s’approche pas davantage. Elle pose un genou au sol, arme silencieusement son arbalète et décoche un carreau à l’aveuglette dans les fourrés.
— Putain de merde ! hurle une voix. Qui c’est le connard qui me tire dessus ?!
La tête d’une femme aussi déboussolée qu’en colère, et que Mira connaît bien, jaillit au-dessus des feuillages.
— Nælle ?! s’écrie la chasseuse.
— Mira c’est toi ? Mais tu vas pas mieux ma parole ! T’as failli me buter !
— J’étais loin de me douter que ça pouvait être toi ! J’espérais que ce soit quelque chose à bouffer.
— Ah bravo ! Donc toi quand t’as un doute tu tires ?
— C’est pas ça mais…
Mira cherche des mots qui ne viennent pas, pour la simple raison que si, c’est exactement ça.
— Bon à ma décharge, je suis peut-être un peu bourrée, admet-elle. Donc question discernement, je partais avec un petit handicap.
— À ta décharge ?
— Oui, bon, commence pas à jouer avec les mots hein, je viens de te dire que je suis saoule. Mais toi aussi là, qu’est-ce que tu faisais planquée dans les buissons, discrète comme… comme je sais pas quoi ?
— J’essayais de chier un coup figure-toi !
— Ah d’accord, forcément… mais tu pouvais pas au moins me répondre quand j’ai demandé s’il y avait quelqu’un ?
— Non ! J’étais en train de caguer je te dis !
— Ah oui, c’est vrai. Bon, ben désolée, je voulais pas te tirer dessus.
— Merci !
— T’es pas blessée au moins ?
— Non, mais c’était moins une. Par contre tu me dois une nouvelle robe, t’as niqué la mienne.
— D’accord, tant mieux si c’est que ça. Mais du coup, tu veux peut-être que je te laisse cinq minutes non ?
— Laisse tomber, ça m’a bloquée je vais plus y arriver.
Nælle remonte sa culotte et sort du buisson pour rejoindre Mira. Une petite heure suffit aux deux copines pour vider l’outre de vin et se retrouver peu ou prou dans le même état d’ébriété, parfaitement réconciliées.
Au détour d’une discussion scabreuse concernant Lemuel et Rédricq – leurs hommes respectifs – elles évoquent le repas, qu’il conviendrait plutôt d’appeler beuverie, prévu ce soir avec eux.
— Je te parie tout ce que tu veux qu’ils sont déjà tous les deux à la cabane en train de se mettre un acompte, dit Mira.
— C’est probable oui.
— Ah, les hommes, j’te jure !
— En même temps, c’est pas exactement ce qu’on est en train de faire en ce moment ?
— Peut-être mais je vois pas le rapport…
— Ah bon ?
— Pff, laisse tomber, ça fait rien. Tu sais ce qui nous faudrait pour passer une bonne soirée ? Je veux dire en plus de la bistouille…
— J’ai un peu d’herbe à pipe sur moi, dit Nælle. Mais à mon avis, Lemuel en aura ramené tout un tonneau.
— Oui non mais d’accord, moi je pensais à quelque chose d’un peu plus rigolo.
— Du genre ?
— Du genre des champignons magiques…
— Ah non merci ! Si c’est pour finir comme la dernière fois, la tête dans un baquet et le cul dans un seau, ça sera sans moi.
— Oui mais ça c’est parce qu’on les avait cueillis nous-mêmes.
— Et alors ? demande Nælle. Tu comptes les pêcher cette fois ?
— On peut en acheter, c’est plus sûr.
— À qui donc ?
— Bah, aux gobelins, par exemple.
Nælle s’entortille une mèche de cheveux en réfléchissant. Elle doit bien admettre que l’idée est séduisante, d’autant que les gobelins ont la réputation de faire pousser, entre autres choses, les meilleurs champignons magiques de la région. La jeune femme se laisse facilement convaincre.
— T’as de l’argent sur toi ? lui demande Mira.
Avec une moue dubitative, Nælle fouille sa bourse dont elle sort quelques piécettes rouillées.
— Six sous. Et toi ?
— Un seul.
Elles ignorent toutes deux si elles iront bien loin avec ça. Une somme pareille suffit à se nourrir pendant une semaine de fruits et légumes du marché, mais dès qu’il s’agit de champignons magiques, les tarifs ne sont plus du tout les mêmes. Du reste, elles vivent comme la plupart des habitants du bois maudit, dans une relative autonomie, et ne se rendent pratiquement jamais au marché. Le peu d’argent qu’elles gagnent çà et là peut donc sans problème être investi dans des activités récréatives. Elles se mettent donc d’accord pour aller tenter le coup au camp gobelin.
Les deux femmes rejoignent le sentier qu’elles quittent une lieue plus loin pour traverser une clairière d’herbe jaune.
— T’es sûre que c’est par là ? demande Nælle.
— Si j’en crois les indications qu’on m’a données, oui.
Bientôt, des pointes de tipis qui apparaissent au loin par dessus les hautes herbes dissipent leurs doutes. Soudain, un bref sifflement suivi d’un bruit sec viennent rompre le silence bucolique. Les filles se figent et regardent, interdites, la flèche qui vient de se planter dans le sol juste devant leurs pieds. Prise de court, Mira n’a pas le temps de dégainer son arbalète ; quant à Nælle, et bien elle ne porte jamais d’arme de toute manière. Les deux femmes se trouvent rapidement encerclées par un groupe de petites créatures jaunes et disons-le, passablement hideuses, qui brandissent arcs et gourdins cloutés en poussant de petits cris aigus. Un gobelin au visage percé de multiples os sculptés avance de quelques pas. Il lève la main, et la cohorte gobeline cesse aussitôt de crier.
— Qui va là ? demande-t-il d’une voix nasillarde.
Nælle et Mira lèvent les mains en l’air et déclinent leur identité.
Le gobelin percé semble se détendre un peu en apprenant que les deux humaines habitent la forêt. Il se présente à son tour : son nom est Mùrths (ou quelque chose comme ça).
— Qu’est-ce qui vous amène sur nos terres ?
— On venait voir si vous aviez des champignons magiques à vendre… balbutie Nælle.
— Ah bon ! s’écrie Mùrths qui fait signe aux autres de baisser leurs armes. Mais fallait commencer par là, voyons ! Suivez-nous donc !
Les gobelins escortent les deux femmes à travers la clairière en direction de leur camp.
Comme l’écrasante majorité des humains, Nælle n’a pratiquement aucun contact avec ces créatures. Quand elle voit l’accueil qui leur a été réservé, elle comprend pourquoi.
— Simple précaution, lui répond Mùrths quand elle l’interroge à ce sujet. Y a encore tout un tas de bourgeois là-bas en ville, prêts à payer des mercenaires contre le scalp ou la tête d’un des nôtres.
— Mais enfin, pourquoi ça ?
Le chef gobelin éclate d’un rire sifflant.
— Vous sortez pas souvent de votre forêt vous, si ? Remarquez vous avez raison, vaut mieux pas. Les humains ne savent pas vivre avec ceux qui ne leur ressemblent pas. Ils en ont peur. Alors ils les massacrent ou les réduisent à l’esclavage.
— Vous exagérez ! s’indigne Nælle. Tous les humains ne sont pas comme ça.
— Vous non, peut-être. Mais vous êtes des sorcières, pas vrai ? Ils ont peur de vous. Alors, vous avez beau être humaines, vous êtes comme des gobelins pour eux. C’est pas pour rien, vous savez, qu’ils appellent notre forêt le bois maudit.
Les deux femmes se regardent.
— Vous généralisez un peu, poursuit Nælle. Les gnomes et les farfadets peuvent bien vivre en ville, que je sache. Ils sont pas décapités ni scalpés.
— Ah, vous me faites rire les jeunes. Les gnomes et les farfadets sont rien de plus que de la chair à travail bon marché. La plupart d’entre eux finissent ouvriers ou paysans au service d’un seigneur humain. Les mieux lotis ou les plus chanceux deviennent copistes dans un temple ou marchands dans une échoppe qui tôt ou tard sera écrasée face à la toute puissance des firmes humaines. Jamais vous ne verrez un gnome ou un farfadet tenir un poste de pouvoir. Nous autres gobelins, nous sommes un peuple fier. On préfère mourir plutôt que de finir à la botte de ces ignobles créatures trop grandes.
— Merci du compliment !
— Non, mais je disais pas ça pour vous. Toujours est-il que c’est parce qu’on refuse de se soumettre à leur soif de domination qu’on est traqués comme des bêtes et contraints de vivre planqués ici. Remarquez, on est pas si mal. Bienvenue chez nous !
À l’entrée du camp se dresse une arche qui démontre toute la finesse de l’artisanat gobelin, tout du moins pour ce qui est de construire des édifices en os sculptés. L’ensemble de la structure est un assemblage baroque et complexe d’une multitude de squelettes en pièces détachées provenant d’écureuils, d’oiseaux et autres petits animaux. Par contre côté symétrie, la construction dénote une approche esthétique radicalement alternative à celle des compositions humaines.
Deux gardes plantés de part et d’autre de l’entrée saluent le groupe d’un sobre borborygme.
Mùrths entraîne les deux sorcières jusqu’à la tente d’un dénommé Rhàrq. Ce dernier est un gobelin clairement plus grand et massif que la moyenne de ses congénères – il ferait presque la taille d’un petit homme – au visage recouvert d’un tatouage sibyllin et à l’appendice nasal parfaitement aplati, probablement des suites de multiples bagarres.
Il jette un regard interrogateur à Mùrths, curieux de savoir ce que deux humaines fichent chez lui, et se détend dès lors qu’il apprend le motif de leur visite. Il s’assied sur une bille de bois et croise les jambes sur la petite table ronde au centre de la tente.
Les deux femmes ne s’assoient pas, pour la simple raison qu’elles n’y sont pas invitées. Il n’y a de toute façon pas d’autre siège dans le périmètre exigu.
— Ainsi, ces humaines veulent obtenir des champignons magiques ?
Nælle et Mira opinent du chef.
— Et combien elles en veulent ?
— Autant qu’on pourra, répond Mira. Tout du moins s’ils sont aussi bons que la rumeur le prétend.
Le vendeur de drogue a un ricanement gras.
— Bien des rumeurs circulent sur nous, vous savez. Des plus fantaisistes aux plus indignes. Mais celle concernant la qualité de mes produits est fondée. Je dois même dire qu’elle est très en deçà de la réalité. Mais la qualité a un prix…
Rharq éclate d’un rire qui manque de l’étouffer quand Mira pose sur sa table les quelques piécettes. Puis il retrouve tout-à-coup son calme, décroise les jambes et se lève pour fouiller une étagère débordant de bocaux, de fioles et de sachets divers. Il prend un sac en toile de jute duquel il extrait trois minuscules champignons rabougris qu’il jette sur la table.
— Comment ça, c’est tout ? s’indigne Mira.
— Je vous retourne la question, répond placidement Rhàrq.
Les filles sont déçues, elles en ont besoin de plus. Avec leurs hommes respectifs, ils seront quatre ce soir, cinq en comptant leur pote Montë qui sera probablement de la partie. Là, il n’y a même pas assez pour passer une soirée digne de ce nom tout seul.
— Attendez, je suis sûre qu’on peut trouver un arrangement, dit Nælle.
Sitôt ces mots prononcés, le regard de Rhàrq s’illumine d’une étincelle lubrique qu’il souligne d’un large sourire concupiscent. Les deux femmes peuvent entendre, dans leur dos, Mùrths qui se lèche les lèvres d’une manière beaucoup trop malaisante.
— Ouais, alors je vous arrête tout de suite : je pensais pas à ce genre d’arrangement, rectifie aussitôt Nælle.
Exactement comme si cette phrase était l’incantation d’un sortilège de jet d’eau froide, les deux gobelins calment dare-dare leurs ardeurs. Déjà qu’ils n’ont aucune envie de s’attirer les foudres des seuls humains disposés à cohabiter avec eux, il s’avère en plus que ces humains-là pratiquent la sorcellerie. Enfin, et par dessus tout, les agressions sexuelles ne font pas parties de leur mœurs, ou alors très à la marge et sévèrement condamnées par les lois et traditions gobelines, contrairement à ce que martèlent les ménestrels bourgeois dans leurs chroniques putassières.
— Vous accepteriez un troc ? propose Mira.
— Tout dépend, fait Rhàrk en haussant les épaules.
La sorcière prend son bissac dont elle déverse le contenu sur la table. Le gobelin prend le pigeon mort qu’il renifle pour en connaître la fraîcheur, puis compte soigneusement les noix et les figues. Sans un mot, il prend une pincée de champignons supplémentaire qu’il pose sur la table près des autres.
C’est mieux, se disent les deux sorcières, mais toujours pas suffisant.
Nælle tape de l’index sur ses lèvres en réfléchissant à ce qui pourrait intéresser le vendeur gobelin, puis son regard s’illumine. Elle glisse une main dans une poche de sa robe.
Quelques minutes plus tard, un épais brouillard a envahi l’atmosphère de la petite tente. Rhàrk, le cul vissé sur son billot, affiche un sourire idiot et prend une nouvelle bouffée sur sa pipe.
— Et ben ça, c’est de l’herbe magique ou je m’y connais pas, déclare-t-il d’une voix pâteuse, en fixant Nælle de ses petits yeux rouges et humides.
Elle lui rend son sourire.
— Vous pouvez tout garder.
Le gobelin la remercie d’un signe de la tête et prend deux généreuses poignées de champignons qu’il pose sur la table. Il y en a désormais largement assez, et même plus que nécessaire.
— Alors, on a une affaire conclue ? demande Rhàrk.
Les deux femmes acquiescent.
— Décidément, vous autres humains êtes des créatures bien surprenantes. Capables de la plus grande bêtise, coupables des pires massacres de l’histoire, et pourtant, quand vous vous décidez à faire le bien, comme faire pousser de l’excellente herbe à pipe, vous faites de véritables prouesses. Je suis sérieux, ça fait des années que j’avais rien fumé d’aussi bon, et croyez-moi, je suis connaisseur. À tout hasard, est-ce qu’à l’occasion vous pourriez m’en…
— Quatre sous la demi-once.
Rhàrk se met tout-à-coup à pousser une série de cris gutturaux et frappe violemment du poing sur la table. Les filles ont un mouvement de recul avant de comprendre que c’est là sa façon d’exprimer sa joie.
Les deux copines quittent le campement gobelin avec un petit sac plein à craquer de champignons magiques. En supplément, Nælle repart avec la satisfaction d’avoir troqué ses a priori contre un nouveau client.
En quittant la clairière aux hautes herbes, les sorcières s’assoient sur une pierre pour goûter la marchandise.
— Y a rien à faire, c’est vraiment dégueu, dit Nælle en mâchant difficilement.
— Ah ben c’est sûr c’est pas du miel, mais bon, faut ce qui faut, répond Mira, philosophe. Par contre c’est clair que je fumerai bien un peu d’herbe pour faire passer le goût.
— Ouais, moi aussi. Il nous reste plus qu’à rejoindre les garçons chez toi.
Mira se lève et claque des doigts. Un éclair jaillit de sa main dans laquelle se matérialise un balai ; un balai tout à fait ordinaire qu’elle pose à l’horizontal, en suspension dans l’air trois pieds au-dessus du sol, avant de grimper à califourchon dessus.
— Tu montes ?
Nælle s’installe en amazone à l’arrière du balai. Mira ferme les yeux. Un halo de magie pure qui éclot de son front se répand autour des deux femmes et se met à vibrer, imprimant dans l’air de mirifiques ondulations nimbées d’éclats de brillance éthérique. La vibration s’amplifie, suscitant un tourbillon de vent surnaturel qui emporte avec lui quelques feuilles mortes.
— Parée au décollage ? demande Mira.
— Attends ! s’écrie Nælle.
Piou ! la vibration s’arrête net, l’air retrouve sa consistance habituelle, étincelles magiques et feuilles mortes retombent au sol.
— Y a un problème ? s’enquiert Mira.
— Non, mais faut que j’aille cinq minutes derrière un bosquet.
à suivre…
Table des matières
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