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Le rocher 2 : le surgissement
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- Catégorie : Action, aventure, polars > Thrillers
- Date de publication originale : 2014
- Date de publication sur Atramenta : 1 mars 2017 à 11h12
- Dernière modification : 10 mars 2018 à 10h24
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- Longueur : Environ 120 pages / 40 046 mots
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Le rocher 2 : le surgissement
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Troisième rapport.
« trois communiqués sont parus à peu près coup sur coup, ce qui contribua à mettre en pleine lumière la question épineuse de l’existence du rocher. Bien entendu, l’expression « pleine lumière » doit être prise avec précautions lorsqu’il s’agit de simples notes diplomatiques portées à la connaissance de nos ambassades ou de dépêches de certaines agences de presse que les journaux reléguaient la plupart du temps en pages intérieures sans plus d’explications. Néanmoins, nous savions nous, qu’il n’était plus question de compter sur nos avancées « scientifiques » ou sur une prétendue antériorité pour se prévaloir de droits que d’autres États nous contestaient déjà.
Le premier communiqué qui résonna comme un coup de gong fut celui de la République de Gaelaterre, en partie repris dans les quotidiens. La République annonçait qu’un récif « redécouvert » dans l’océan Nordique (sans préciser sa position) confirmait l’existence d’une terre connue depuis des temps immémoriaux dans la culture gaelienne et associée au mythe de l’éternelle naissance (ou renaissance) par son surgissement soudain au milieu des flots. Le communiqué précisait encore qu’un rocher de dimensions aussi réduites ne pouvait donner lieu à aucune revendication territoriale, ce qui était une manière de dénier aux autres États le droit d’en réclamer la possession. Pour bien enfoncer le clou, la République de Gaelaterre rappelait que son indépendance et sa neutralité vis-à-vis des puissances plus importantes était un gage de désintérêt dans toutes les affaires concernant cette partie du monde.
Le mot « indépendance » était devenu comme un mot de passe si l’on juge de la fréquence avec laquelle il était repris par les autres déclarations. La seconde nous parvint sous la forme plus discrète d’une note émanant de l’ambassade du Royaume Norrois à Thames, note qui affirmait clairement la volonté de ce pays d’étendre ses droits d’exploitation sur une vaste zone maritime en se fondant sur une nécessité découlant du manque de ressources propres de son territoire. La note diplomatique évoquait le passé de sujétion norrois, incluant un court épisode d’occupation, pour se prévaloir d’une volonté de totale indépendance et souhaiter qu’une entente fût trouvée entre les États concernés aux fins d’un partage équitable des espaces maritimes. Le Royaume Norrois mentionnait quelques contacts bilatéraux avec l’archipel de Feremark qui avançait, affirmait-il, les mêmes positions.
Mais le plus inattendu de ces communiqués fut sans conteste le troisième. Produit par une obscure organisation nommée « Paix et liberté », paru dans quelques journaux contestataires à l’audience restreinte, il annonçait l’occupation d’un îlot de l’océan Nordique « pour une durée indéterminée » afin de revendiquer le droit pour tout individu de vivre en paix sur une terre libre de tout contrôle politique et pour cela, désignait le rocher comme « premier territoire libre et ouvert à la citoyenneté universelle ». Malgré son caractère confidentiel et plutôt fantaisiste, cette dernière proclamation est celle qui attira le plus l’attention de nos services de sécurité. Ce n’est pas tant la mention de l’îlot qui suscitait la méfiance, les pêcheurs savaient tous qu’il existait un secteur de récifs dangereux, mais le fait que pour la première fois, sous des dehors inoffensifs, une revendication de nature politique était avancée sans s’appuyer sur un État tiers. Quelque chose intriguait et la soi-disant indépendance de ce groupe (sans cesse affirmée dans le manifeste) pouvait cacher une puissance masquée à l’heure où tous les gouvernements de la façade occidentale craignaient par-dessus tout les menées secrètes de la Kalynie.
Si nous n’intervînmes pas dès ce moment-là, c’est que la situation internationale ne le permettait pas encore, mais c’est surtout que cette opération improvisée trouva très vite ses limites…
Le canot approche dangereusement des contreforts contre lesquels viennent se briser les vagues, produisant des gerbes d’écume de plusieurs mètres de hauteur. Le bruit est assourdissant, l’intervalle de courte durée avant qu’une nouvelle lame vienne soulever la frêle embarcation et aille se jeter à son tour au pied de la falaise. Soumis au mouvement de balancier d’une mer qui semble de plus en plus furieuse et décidée à rompre tout ce qui l’entrave, le canot avance puis recule, hésite à venir au contact du rocher tant l’abordage de ce dernier paraît périlleux, sinon impossible. Le petit esquif menace d’éclater à tout instant comme une noix frappée par une énorme pierre. Deux hommes sont à bord, deux minuscules points jaunes ceints d’une bouée rouge et blanche, dérisoire, qui agitent leurs bras pour se protéger d’un choc inévitable ou dans un but plus précis, efforts désespérés pour accrocher leur barque aux flancs presque verticaux qui se dressent face à eux.
Soudain les voici debout sur une plate-forme à demi immergée à la base du rocher. La manœuvre a été si rapide que l’on pourrait y voir un effet de raccourci, comme si la réalité se calquait sur la distraction de l’observateur suivant de loin la progression de l’équipée vers un sommet encore inviolé.
— Hourra ! Ils ont réussi. Ils ont mis le pied sur la plate-forme !
L’observateur en question ne peut plus détacher les yeux de ses jumelles, pendant que d’autres « hourras » retentissent autour de lui sur le pont du petit chalutier naviguant à vitesse réduite à quelques encablures du lieu de l’exploit.
Les deux téméraires n’ont pas perdu de temps : à peine agrippés à la roche humide, ils se sont hissés au-dessus de la zone d’immersion et entreprennent d’arrimer le canot, prêt à se fracasser définitivement contre les pointes apparentes des écueils, ce qui ruinerait toute possibilité de retour.
Les voilà qui lèvent les bras en signe de première victoire à l’adresse du public resté en retrait sur le chalutier, mais ils reprennent aussitôt leur ascension sans perdre de temps, accompagnés des cris étonnés de quelques oiseaux qui les frôlent au cours de leur vol elliptique ayant pour foyer l’éminence rocheuse sertie dans l’océan.
Les marins alpinistes progressent lentement sur le seul versant autorisant une montée prudente. Ils ont troqué les bouées contre les pitons et les cordes et leur degré de préparation leur permet de déjouer les difficultés de l’entreprise que leur opposent le froid, l’humidité, la surface des parois rendues glissantes par des dépôts de toutes sortes. Tout semble montrer qu’ils parviendront bientôt à leur but, c’est-à-dire au sommet. C’est en tous cas le sens des encouragements qui peuvent leur parvenir de manière très atténuée en provenance du bateau, alors que les grondements incessants des vagues ou les cris intermittents des oiseaux constituent la dominante sonore du paysage à leur hauteur. Après un dernier effort, ils peuvent enfin se tenir debout tout en haut du rocher tant convoité et agitent leurs bras pour bien montrer que l’objectif est définitivement et historiquement atteint. L’ascension n’a pris qu’une vingtaine de minutes.
À bord du chalutier, le groupe tout entier exulte.
— C’est fantastique ! C’est absolument incroyable ! Ils sont les premiers à avoir réussi. Nous avons réussi !
— Il faut encore installer le camp.
— Le plus difficile est fait. Heureusement, il n’y a pas eu de blessés.
La deuxième phase de l’opération peut aussitôt démarrer. Le principal responsable de l’équipe donne quelques consignes et l’on se met à charger un matériel encombrant sur un second canot de dimensions plus grandes que le premier qui part à son tour, toujours conduit par deux hommes et ballotté à la surface de la mer particulièrement mouvementée en direction du rocher. Il approche cette fois-ci la partie la plus abrupte mais exempte de ces écueils cachés qui représentent un danger permanent pour toute embarcation. Les premiers occupants de l’îlot là-haut ont fini d’explorer leur domaine étroit, ils jettent une corde à leurs camarades abordant la base de la falaise et commencent à hisser caissettes et paquets en usant de toutes les forces dont-ils disposent encore. Le matériel commence à s’entasser sur un espace très réduit compte-tenu de la configuration du terrain au sommet.
Sans doute cette dernière situation, jointe à plusieurs autres facteurs tels que la fatigue, la méconnaissance du lieu et de ses chausse-trapes, la sous-estimation des obstacles à la phase d’installation se conjuguent-ils pour provoquer le premier accident : une caisse de vivres en position instable, arrimée précipitamment, retombe à la mer, aussitôt suivie d’un paquet contenant plusieurs outils. Une bordée de jurons fuse du haut du rocher. Fort heureusement, les deux objets lourds et volumineux ne sont pas retombés sur le canot et ses occupants mais le paquet contenant les outils a coulé à pic. Cela pose de nouveaux problèmes. De bas en haut on se hèle et on ordonne expressément de prendre des mesures de précaution. Il faut crier à cause des bruits du vent, des brisants, de la faune aérienne, bruits mêlés, puissants et continus. Les voix ne parviennent qu’assourdies aux destinataires qui se démènent déjà désemparés et tentent d’accrocher comme ils peuvent les biens qu’il leur reste par des moyens de fortune.
Le second accident semble ainsi découler directement du premier. Un des deux conquérants de la modeste cime glisse par inadvertance sur un replat couvert de déjections animales en voulant planter un piton. Tentant de se rattraper au ballot posé à ses côtés, il entraîne dans sa courte chute plusieurs autres paquets qui disparaissent à leur tour dans les profondeurs marines après un bref jaillissement d’écume. Une fois de plus on frôle le drame, mais l’homme avait gardé de la phase d’escalade et sans doute de son expérience le réflexe de rester encordé. Le voici suspendu dans le vide au flanc rocheux, à quelques coudées du sommet où il se tenait l’instant d’avant, hurlant de toutes ses forces pour évacuer l’intensité de la douleur provoquée par sa cheville tordue, sa jambe brisée, il ne sait pas, il ne peut pas le dire à ses compagnons d’en haut comme d’en bas qui le pressent d’expliquer la nature de sa blessure et hurlent tout autant que lui pour se faire entendre comme pour parer au plus pressé : peut-il bouger son pied ? Est-il en position stable ? Va-t-il pouvoir remonter au sommet à la force des bras ? Est-il conscient ? Entend-il ce qu’on lui dit ? Souffre-t-il d’autres contusions ? Etc.
Tout cela dure quelque temps, le temps que le pendu hurle moins fort et reprenne ses esprits, que l’on mesure la gravité de la situation et que les informations essentielles parviennent au centre de commandement sur le chalutier où l’on suit de loin l’évolution de la situation sans en appréhender tous les détails, avec une certaine crainte aussi en supputant sans trop y croire les chances de sauver une opération pour laquelle tant d’efforts ont déjà été consentis.
Il faut finalement se rendre à l’évidence : trop de matériel perdu, trop de risques pour faire monter un troisième homme au sommet, sans compter les nécessités de l’évacuation rapide du blessé… Pendant que toute l’énergie du groupe se rassemble pour porter secours à celui qui ne peut rien de plus que se tordre de douleur au bout de sa corde et que l’on entreprend de faire descendre avec d’infinies précautions jusqu’au niveau de la mer oscillant de plusieurs mètres comme pour compliquer encore la manœuvre.
Sur le bateau, une bonne partie de l’équipage ne peut encore se résoudre à l’abandon de la mission. Un matelot proche du chef de l’opération ne ménage pas ses efforts pour le convaincre qu’il est possible de maintenir l’objectif fixé, quitte à revoir le temps prévu initialement et l’agenda du projet. Il ponctue ses arguments de gestes appuyés, montrant le rocher au loin, se frappant la poitrine, pendant que son regard d’un bleu limpide semble traversé des orages que la mer n’a pas eu besoin de provoquer. Il est entouré d’un groupe de cinq ou six autres militants.
— Regarde-moi là ! Je suis prêt à y aller, je suis entraîné. Notre camarade est là-haut…
— Nous ne pouvons pas le laisser seul !
— Un canot peut rester. Cela prendra trois jours, le temps d’aller chercher tout ce qu’il faut pour continuer l’expérience, tout ce que nous avons perdu. Nous avons encore des vivres.
— Et s’il y a un autre accident pendant ce temps ! Tu y penses ?
— Bon sang, nous avons mis un pied sur ce rocher, ce n’est pour tout laisser tomber maintenant !
La discussion s’anime, s’envenime. On parle de plus en plus fort, on est prêt à en venir aux mains, jusqu’à ce que le canot transportant le blessé arrive et que tous conjuguent leurs efforts pour le hisser à bord, mettant provisoirement de côté les dissensions. Une fois celui-ci installé à l’abri, alors que le médecin s’occupe de lui – la jambe n’est pas belle à voir, il ne cesse de gémir – c’est comme un vent glacial qui passe sur le pont du navire. Les hommes ont oublié leur différend, ils s’observent en silence et jettent de temps en temps un coup d’œil en direction du sommet jailli des flots à une courte distance où une mince silhouette bouge encore cependant qu’un canot décrit une trajectoire circulaire tout autour.
L’équipage quasi-complet se rassemble à nouveau, prêt à entendre enfin celui qui en assure la direction politique et matérielle.
— Nous n’avons pas suffisamment évalué les risques, c’est déjà une prouesse que d’avoir pu escalader le rocher, comment aurions-nous pu nous y maintenir plusieurs jours, plusieurs semaines ? Au-delà, n’y pensons même pas !
— Peut-être… Nous n’avons peut-être seulement pas l’envergure nécessaire pour une telle entreprise.
— Est-ce que cela signifie que nous abandonnons l’idée d’un territoire libre sur le rocher ?
— Non ! Nous reviendrons, nous réessaierons. Le rocher n’appartient à personne et nous nous battrons pour qu’il ne soit annexé par aucun État, sous n’importe quel prétexte. Mais y habiter demandera un entraînement à toute épreuve…
Table des matières
- 12 Env. 8 pages / 2372 mots
- 13 Env. 6 pages / 1798 mots
- 14 Env. 11 pages / 3610 mots
- 15 Env. 7 pages / 2139 mots
- 16 Env. 13 pages / 4281 mots
- 17 Env. 8 pages / 2373 mots
- 18 Env. 18 pages / 5998 mots
- 19 Env. 16 pages / 4953 mots
- 20 Env. 9 pages / 2634 mots
- 21 Env. 11 pages / 3707 mots
- 22 Env. 19 pages / 6181 mots
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