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Le miel des sentiments
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- Catégorie : Littérature générale > Nouvelles
- Date de publication sur Atramenta : 13 septembre 2016 à 17h29
- Dernière modification : 11 octobre 2016 à 10h40
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- Longueur : Environ 24 pages / 8 093 mots
- Lecteurs : 158 lectures + 33 téléchargements
- Coup de cœur des lecteurs (×1)
- Mots clés : Abeilles, miel et angoisse
Cette oeuvre est déclarée complète, relue et corrigée par son auteur.
Le miel des sentiments
Et de trois.
Elle venait d’éteindre l’aspirateur quand la sonnette envoya ses deux notes exaspérantes. Elle avait gravi les marches jusqu’à son salon, traversé la salle à manger pour sortir de la maison et ouvrir à Alexis Géraud. Arrivée près du portail, (toujours l’aspirateur à la main) elle vit qu’il était fermé à clé. Clé bien sûr restée dans la maison, puisque dans sa précipitation elle avait complètement oublié de la prendre. Elle mâchonna un truc en yaourt du genre « scusélàlà » et courut chercher la susdite qu’elle mit un peu de temps à trouver parce qu’en bouclant tout la veille au soir elle l’avait déposée n’importe où sauf dans la boîte à clés. Pas si illogique : la boîte contenait son mètre de couturière, un carnet de timbres, quelques élastiques, un stylo qui ne marchait pas et un petit tournevis.
Mais peu de clés.
Elle réussit à ouvrir le portail bien qu’elle n’eût toujours pas lâché l’aspirateur, heureusement du genre léger avec fil qui s’enroule tout seul. Alexis Géraud entra dans la maison d’un pas égal, ignorant ou feignant d’ignorer la fébrilité de son hôtesse. Laquelle avait enfin, avec un profond soupir, posé son aspirateur.
Il accepta sa proposition de café qu’ils burent assis, elle les doigts si serrés sur sa tasse qu’il craignit un instant une pulvérisation en règle. Lui, tranquille, regardait alentour avec ce qu’il fallait de curiosité pour qu’il semblât intéressé mais sans plus.
— C’est la première fois ?
Cueillie à froid, Lucile répondit avec un décalage.
— Oui.
Après un court silence elle ajouta : « C’est pas vraiment agréable ».
Bon sang, j’ai l’air de parler de la perte de mon pucelage à un psychanalyste…
— Dérangeant ?
Evidemment que c’est dérangeant Machin tu crois quoi, qu’il y a des gens qui adorent les abeilles mortes au point de les collectionner ?
— Oui. C’est… des petites morts, vous comprenez.
S’ensuivit un autre silence, qu’elle refusa de rompre. Après tout, il lui avait proposé de venir, elle attendait de lui qu’il se lève, lui dise comment agir, et s’en aille. À lui de faire.
Sauf qu’il ne faisait foutre rien.
Il regardait ses murs, sa déco, dieu sait quoi, et tétait en prenant son temps un café qui tiédissait. Certes, elle avait honte de l’accueil pour le moins décousu réservé à son… Son quoi, d’ailleurs ? Invité ? Il avait décidé de venir sans qu’elle ne lui demande rien. Hôte ? Ni elle ni lui n’étaient là pour mondaniser.
Oui, il était apiculteur, pas pompier ni pharmaco de garde. Oui il aurait pu se contenter de lui indiquer quoi faire par téléphone. Oui, oui, oui à tout, elle avait tort de se faire péter la tension en son désormais faible intérieur… mais il était énervant. Son calme était énervant. Ses regards. Ses questions à deux balles C’est dérangeant ? étaient é-ner-vantes.
Dans son ancienne vie Marc se serait occupé de ça. Il aurait papoté savamment avec le spécialiste, - Marc semblait toujours à l’aise avec les spécialistes - il aurait trouvé la clé avant d’ouvrir et l’aurait accueilli sans aspirateur.
Bienvenue dans la nouvelle vie.
Elle revoyait une de ses amies lui parler d’avenir en employant ces mots-là : nouvelle vie. Mais c’était un pull trop grand, sa nouvelle vie. Elle n’arrivait pas à trouver le trou pour son cou, la couleur n’existait pas, les mailles étaient lâches et les manches trop longues. Comme à chaque fois qu’elle faisait les soldes : pas votre taille, ma petite dame. On a vendu le dernier pantalon hier. Aah les chaussures il nous reste une paire en bleu, pointure 39. Oooh, vous vouliez la verte ? En 38 ? Ben non.
Nouvelle vie. Mon c…
— Délicieux.
Une fois de plus, il parla sans qu’elle s’y attendît. En toute franchise elle l’avait même carrément oublié pendant une bonne minute.
— Je parle du café. Je ne sais pas le faire. Chez moi je ne bois jamais de bon café.
— C’est la machine.
Je m’en tape du café que tu bois ou pas. Débarrasse moi de ces horreurs, c’est tout ce que je…
Bon sang, pourquoi ça lui coûtait tant d’être aimable ? Elle ne savait plus parler, elle mordait.
Elle rajouta précipitamment :
— Quand on a ce genre de truc, le café est forcément bon.
Elle s’essaya à sourire, avec un louable effort. Depuis quand un effort pour sourire ?
Bon, maintenant, je voudrais que tu lèves ton cul de cette chaise, que tu lâches ta tasse, que tu ailles voir le Chemin des Dames, en bas, une fois pour toutes, et que tu te barres. Ce serait l’idée du siècle tu vois Et depuis combien de temps l’apiculture ?
— Longtemps.
Il posa sa tasse, se leva Aaah, tout de même et demanda dans la foulée :
— C’est où ?
Elle faillit lui indiquer les toilettes, puis se reprit, à temps.
Elle l’accompagna jusqu’en haut des marches. Il commença à descendre et stoppa à mi-chemin. « Vous ne venez pas ? ».
— Nnnon. Je viens encore d’en aspirer tellement… Et je ne peux pas supporter l’odeur.
— C’est que je vais avoir besoin de vous.
Elle hésita mais descendit quand même. Comme elle se trouvait quatre marches au-dessus de lui, elle remarqua le dessus de son crâne, ses cheveux clairsemés s’écartant gentiment pour qu’on voie bien la peau. Elle en aurait souri, avant.
Arrivée en bas, une sueur d’angoisse se signala par un chatouillement léger entre les omoplates. Elle se contint pour ne pas trembler.
Plus tard, elle se demanda où elle avait trouvé l’énergie d’y rester avec lui presqu’une demi-heure, autant dire deux siècles et demi en correspondance du relatif temporel personnel de Lucile Claverie, (ex) épouse Traverse, dans un sous-sol hostile car plutôt sombre autant qu’apicole. Alexis Géraud lui avait longuement expliqué que la colonie s’était installée entre la maçonnerie et le tubage de la chaudière, que ce genre de choses arrivait de plus en plus souvent. Que l’essaim était condamné. Elle s’était vue froncer les sourcils, retenir des larmes d’idiote : un essaim condamné, ça sonnait moche, même aux oreilles d’une phobique. Mais récupérer l’essaim serait illusoire et puis ce n’est pas du tout la période. Seule solution, boucher le trou pour qu’elles ne reviennent pas.
Tendue comme une corde d’arc pendant qu’il lui parlait, elle discernait un mot sur deux au point qu’au tout début elle avait compris « tuba » au lieu de « tubage » pour la cheminée de la chaudière et qu’elle s’était demandé depuis quand les chaudières…
Enfin, maintenant, elle savait quoi faire. Appeler un maçon qui bouche ce trou, et ensuite, pfuittt, plus d’abeilles. Elle pourrait enfin se consacrer à ses vrais problèmes, consciente qu’une dépression l’attendait tranquillement à l’arrêt « post-divorce » d’un tramway nommé Nouvelle Vie.
Peu avant de dormir grâce à Saint Zolpidem, allongée dans son lit, journal en main et tisane à portée – je vis à cent à l’heure - elle comprit.
Ça lui sauta au nez devant ses mots croisés, à l’instant où elle avait trouvé SYNÉRÈSE pour « Voyelle dévorée », ce dont soit dit en passant elle n’était pas peu fière.
Comment avait-elle pu rester ?
— C’est que je vais avoir besoin de vous.
Pour des riens : lui indiquer où était la chaudière et depuis quand elle avait été changée. Si elle avait déjà eu ce genre de mésaventure. Pas grand-chose, vraiment.
Quand même, ça lui avait fait drôle, d‘entendre un homme lui dire qu’il aurait besoin d’elle.
A SUIVRE
Table des matières
- Premier. Env. 3 pages / 965 mots
- Le miel des sentiments. Et de deux. Env. 4 pages / 1247 mots
- Et de trois. Env. 4 pages / 1297 mots
- Quatre. Ou quatrième, comme on veut. Env. 5 pages / 1384 mots
- Cinquième, et pour tout dire, avant-dernier Env. 5 pages / 1515 mots
- Sixième et dernier, donc fin. Env. 5 pages / 1685 mots
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