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La photo
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- Catégorie : Littérature générale > Nouvelles
- Date de publication sur Atramenta : 17 février 2014 à 14h38
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- Longueur : Environ 5 pages / 1 437 mots
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La photo
Martine entra dans la chambre de son fils. Presque sur la pointe des pieds, comme à son habitude. Elle ne savait que trop bien que, comme tous les adolescents au monde, il n’avait jamais aimé ça, qu’elle rentre dans sa chambre, même pour y faire le minimum requis de ménage. Mais en ce beau jour ensoleillé, un petit coup de plumeau s’imposait pourtant pour chasser la poussière qui ne se voyait que trop bien sous l’éclat des rayons du soleil, qui agissaient comme autant de radars ou détecteurs lumineux.
Elle se mit silencieusement à la tâche, mais avec ardeur. A chaque fois qu’elle venait faire un brin de ménage dans la chambre de Cédric, elle n’était jamais très à l’aise. Elle avait constamment l’impression qu’il allait revenir à l’improviste à la maison et la surprendre dans sa chambre. Et qu’il n’aurait alors pu s’empêcher de râler et de la houspiller pour cela, l’accusant de ne pas respecter son intimité. C’est qu’il avait du caractère, son fils. Alors, par habitude, elle hâta ses gestes, instinctivement .
Aux murs étaient accrochés bon nombre de posters, comme toujours. Quelques idole tennistiques de jeunesse de Cédric, quelques affiches humoristiques, et deux ou trois photos géantes de la ville de New-York, ville qu’il avait toujours rêvé de visiter, voire même, pourquoi pas, d’y vivre, un beau jour… Derrière cette ribambelle d’affiches de grandes tailles, on ne voyait quasiment plus la tapisserie bleue claire de la pièce.
Martine jouait du plumeau avec un bel entrain, faisant soulever en rythme bon nombre de minuscules nuages de poussières, qui, dans le faisceau des rayons solaires, prenaient des teintes étoilées avant de disparaître sous les coups rageurs du plumeau. C’était vraiment une belle journée de printemps ! Une de ces journées dont elle avait toujours raffolée. Instinctivement, et sans même s’en rendre compte, elle se mit à fredonner quelques unes de ses chansons préférées, rituel quasi immuable lorsqu’elle faisait du ménage. En plein époussetage, elle entendit soudain un bruit de portière claquer devant la maison et elle s’immobilisa brusquement. Serait-il possible que quelqu’un rentre de bonne heure à la maison ? Après un rapide coup d’œil à la fenêtre elle fut rassurée. Cela venait de chez les voisins, dont la maison jouxtait la leur. Le voisin avait quitté son travail de bonne heure et rentrait chez lui. Elle se faisait avoir presque à chaque fois. C’était bête…
Elle reprit son ménage avec entrain, comme si de rien n’était. Hormis la poussière, et peut-être plus tard, un petit coup d’aspirateur, il n’y avait pas grand-chose à ranger dans la chambre de Cédric. Il faut dire que, depuis son plus jeune âge, il avait toujours été assez soigneux, ordonné, voire méticuleux avec ses affaires, plus que bien des enfants de son âge. A commencer par sa chambre où il était rare d’y voir un objet qui n’y était pas à sa place. D’ailleurs, rien que pour cela, il était hors de question de toucher à quoi que ce soit. Cela se serait vu immédiatement, dans un endroit aussi idéalement rangé depuis toujours…
Martine alla chercher l’aspirateur et commença à le passer sur la moquette. Cela n’avait pas été fait depuis au moins quelques jours, ce n’était donc pas du temps perdu. Une fois cette tâche achevée, elle ouvrit ensuite le vasistas de la chambre pour aérer l’ensemble, et inspecta l’ensemble des lieux, pour voir si elle n’avait rien oublié avant de quitter la pièce. Cette petite inspection générale la satisfit. Oui, cela était nettement mieux maintenant. Non pas que cela faisait une énorme différence, mais toutes les mères de famille, pour peu qu’elle soient des maîtresses de maison attentionnées comme elle, auraient à l’évidence et en un seul coup d’œil, fait la différence entre avant et après ! Mais elle savait que, hormis elle, personne d’autre dans la maison n’y verrait rien, comme à chaque fois…
Avant de quitter la pièce, les mains sur les hanches, satisfaite d’elle-même, elle regarda la chambre encore une petite seconde, en mode « inspecteur des travaux finis », et fut fière d’elle. Puis, juste avant de quitter la chambre, elle vit la photo, celle qui, à chaque fois, quoi qu’elle fasse, finissait toujours par attirer son regard comme un aimant. La photo de Cédric, placée à l’extrémité supérieure droit de son bureau, tout près du bord. La photo qu’elle avait faite encadrer pour ses 19 ans. Et qui était aussi la photo de lui qu’elle avait toujours préférée. Cette photo avait un pouvoir d’attraction incroyable sur elle, et cette fois-là ne fit pas exception. Elle s’approcha en souriant du cadre doré qui semblait rehausser le sourire espiègle de son fils. Comme muée par une force invisible, et après avoir de nouveau vérifié que personne ne pouvait la surprendre à cet instant, elle se saisit du cadre photographique, s’assit sur le bord du lit tout proche, et admira une nouvelle fois le visage magnifique et resplendissant de son fils, arborant un sourire quasi identique à celui que Cédric affichait sur cette photo. Il n’y avait pas à dire, elle adorait toujours autant cette photo. Comme toutes les mères aimantes, elle avait des centaines de photographies de ses enfants, mais de toutes les photos qu’elle avait de Cédric, aucune autre ne l’hypnotisait comme celle-ci. Elle aurait d’ailleurs été incapable d’expliquer pourquoi, exactement. Peut-être était-ce dû au fait que celle-là, prise par un photographe professionnel, était absolument parfaite… Même Cédric, qui, comme beaucoup de jeunes, n’avait jamais aimé énormément se voir en photo avait accepté assez facilement de mettre celle-là en bonne place dans sa chambre ! Il faut dire que celle-ci, que ça soit au niveau de l’éclairage, de la lumière, de l’angle du visage, était absolument parfaite et ne faisait ressortir que le meilleur du visage et du sourire du sujet photographié. Et tellement d’autres choses qu’elle n’aurait pas su décrire avec de simples mots, mais qu’elle ressentait à chaque fois qu’elle regardait ce cliché. D’ailleurs, pour quiconque voyait cette photo pour la première fois, il était absolument impossible de deviner les graves problèmes d’alcool ou de drogue que son fils avait commencé à traverser à peu près à cette époque-là. Non, c’était impossible à deviner ! Et puis, tout ça était fini, maintenant…
Mais sur cette photo, on ne voyait qu’un visage encore juvénile, une mèche de cheveux bruns soyeux coiffés sur le côté qui lui barrait le front, des yeux rieurs pétillant d’intelligence et un sourire ravageur laissant transparaître une pointe d’espièglerie.
Martine était tellement fière de son fils. Pas seulement parce qu’il était très beau physiquement, mais surtout car il avait plein de qualités. Et une grande force intérieure, aussi ! Il en fallait d’ailleurs énormément pour se sortir de tous ses problèmes de dépendance qu’il avait traversé. Enfin, ça, c’est ce qu’il disait! Elle continuait de regarder la photo sans bouger, en souriant. Le visage de son fils avait toujours eu cet effet apaisant sur elle. Et cela ne changerait jamais ! Mais, maintenant, sa main commençait à trembler. Elle essayait de résister, comme à chaque fois, mais ses mains semblaient comme télécommandées, et maintenant, elle savait qu’elle allait sortir la photo de son cadre, comme à chaque fois. C’était définitivement plus fort qu’elle, elle ne pouvait pas s’en empêcher…
Elle avait maintenant dégagé la photo de sa prison dorée. Ses tremblements augmentaient légèrement car, à ce stade, elle savait qu’elle allait également retourner la photo, une fois de plus, et que rien n’aurait pu l’en empêcher… Elle essayait pourtant de résister, mais déjà les muscles de son bras avaient pris le pouvoir et le contrôle de son bras. Presque malgré elle, elle retourna la photo pour la millième fois.
Au dos de cette maudite photo, qu’elle détestait maintenant à cette seconde précise à vouloir la mettre en miettes, les mots de Cédric étaient là. Les derniers mots qu’il avait écrits.
Et qu’elle n’avait jamais compris.
Maman, Papa,
Je vous aime,
Je dois partir
Ne m’en voulez pas
C’est mieux comme ça,
Vous n’y êtes pour rien
Je vous aime
Cédric
Martine ne souriait plus. En dessous des mots, une larme s’écrasa.
Puis une autre !
Comme à chaque fois ….
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