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La confession de Claude
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- Catégorie : Littérature générale > Romans
- Date de publication sur Atramenta : 10 mars 2011 à 13h29
- Dernière modification : 20 juillet 2014 à 9h59
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- Longueur : Environ 155 pages / 53 650 mots
- Lecteurs : 873 lectures + 497 téléchargements
La confession de Claude
II
Vous vous irritez de mon peu de courage, vous m’accusez d’envier le velours et le bronze, de ne pas accepter la sainte pauvreté du poète. Hélas ! j’aime les grands rideaux, les candélabres, les marbres que le ciseau a puissamment caressés. J’aime tout ce qui brille, tout ce qui a beauté, grâce et richesse. Il me faut les demeures princières. Ou plutôt encore, les champs avec leurs tapis de mousse, frais et parfumés, leurs draperies de feuilles, leurs larges horizons de lumière. Je préfère le luxe de Dieu au luxe des hommes.
Pardonnez, frères, la soie est si douce, la dentelle si légère ; le soleil rit si gaiement dans l’or et dans le cristal !
Laissez-moi rêver, ne craignez pas pour ma fierté. Je veux écouter vos fortes et belles paroles, embellir ma mansarde de gaieté, l’éclairer de grandes pensées. Si je me sens trop seul, je me créerai une compagne qui, fidèle à ma voix, viendra me baiser au front, après la tâche accomplie. Si les dalles sont froides, si le pain manque, j’oublierai l’hiver et la faim en me sentant le cœur chaud. À vingt ans, il est aisé d’être artisan de sa joie.
L’autre nuit, la voix des vents était mélancolique, ma lampe se mourait, mon feu s’était éteint ; l’insomnie avait troublé ma raison, de pâles fantômes erraient dans mon ombre. J’ai eu peur, frères, je me suis senti faible, je vous ai dit mes larmes. Le premier rayon a chassé le cauchemar de ma veille. Aujourd’hui l’obstacle n’est plus en moi. J’accepte la lutte.
Je veux vivre au désert, n’écoutant que mon cœur, ne voyant que mon rêve. Je veux oublier les hommes, m’interroger et me répondre. Pareil à la jeune épouse dont le sein a frémi du tressaillement des mères, le poète, quand il croit sentir tressaillir la pensée en lui, doit avoir une heure d’extase et de recueillement. Il court s’enfermer avec son cher fardeau, n’ose croire à son bonheur, interroge son flanc, espère et doute encore. Puis, lorsqu’une douleur plus vive lui dit bien que Dieu l’a fécondé, alors pendant de longs mois il fuit la foule, tout à l’amour de l’être que le ciel lui confie.
Qu’on le laisse se cacher et jouir en avare des angoisses de l’enfantement ; demain, dans son orgueil, il viendra demander des caresses pour le fruit de ses entrailles.
Je suis pauvre, je dois vivre seul. Ma fierté souffrirait de banales consolations, ma main ne veut presser que les mains ses égales. J’ignore le monde, mais je sens que la misère est si froide qu’elle doit glacer les cœurs autour d’elle, et qu’étant sœur du vice, elle est timide et honteuse, lorsqu’elle est noble. J’ai le front haut, j’entends ne point le baisser.
Pauvreté, solitude, soyez donc mes hôtesses. Soyez mes anges gardiens, mes muses, mes compagnes à la voix rude et encourageante. Faites-moi fort, donnez-moi la science de la vie, dites-moi combien coûte le pain de chaque jour. Que vos mâles caresses, si âpres qu’elles semblent des blessures, m’endurcissent dans le bien et le juste. J’allumerai ma lampe, pendant ces nuits d’hiver, et je vous sentirai toutes deux à mes côtés, glacées et silencieuses, vous courbant sur ma table, me dictant l’austère vérité.
Lorsque, las d’ombre et de silence, je poserai la plume et que je vous maudirai, votre sourire mélancolique me fera peut-être douter de mes rêves. Alors votre paix sereine et triste vous rendra si belles que je vous prendrai pour amantes. Nos amours seront sévères et profondes comme vous ; les amoureux de seize ans envieront l’âcre volupté de nos baisers féconds.
Et cependant, frères, il me serait doux de me sentir la pourpre aux épaules, non pour m’en draper devant la foule, mais pour vivre plus largement sous le riche et superbe tissu. Il me serait doux d’être roi d’Asie, de rêver nuit et jour sur un lit de roses, dans une de ces féeriques demeures, harems de fleurs et de sultanes. Les bains de marbre aux fontaines parfumées, les galeries de chèvrefeuilles soutenus sur des treillages d’argent, les immenses salles aux plafonds semés d’étoiles, n’est-ce pas là le palais que les anges devraient bâtir pour chaque homme de vingt ans ? La jeunesse veut à son festin tout ce qui chante, tout ce qui rayonne. Lors du premier baiser, il faut que l’amante soit toute de dentelle et de bijoux, que la couche, portée par quatre fées d’or et de marbre, ait un ciel de pierreries et des toiles de satin.
Frères, frères, ne me grondez pas, je vais être sage.
Je vais aimer mon grenier et ne plus songer à mes palais. Oh ! que la vie y serait jeune et passionnée !
Table des matières
- Émile Zola (1840-1902) Env. 8 pages / 2382 mots
- À mes amis P. Cézanne et J.-B. Baille. Env. 2 pages / 573 mots
- I Env. 4 pages / 1146 mots
- II Env. 3 pages / 831 mots
- III Env. 2 pages / 433 mots
- IV Env. 6 pages / 1806 mots
- V Env. 4 pages / 1118 mots
- VI Env. 2 pages / 403 mots
- VII Env. 5 pages / 1646 mots
- VIII Env. 1 page / 259 mots
- IX Env. 4 pages / 1170 mots
- X Env. 4 pages / 1235 mots
- XI Env. 9 pages / 2979 mots
- XII Env. 6 pages / 1927 mots
- XIII Env. 3 pages / 917 mots
- XIV Env. 9 pages / 2887 mots
- XV Env. 4 pages / 1164 mots
- XVI Env. 1 page / 182 mots
- XVII Env. 1 page / 36 mots
- XVIII Env. 6 pages / 1852 mots
- XIX Env. 6 pages / 1859 mots
- XX Env. 7 pages / 2164 mots
- XXI Env. 12 pages / 3913 mots
- XXII Env. 5 pages / 1606 mots
- XXIII Env. 5 pages / 1612 mots
- XXIV Env. 14 pages / 4584 mots
- XXV Env. 13 pages / 4533 mots
- XXVI Env. 2 pages / 638 mots
- XXVII Env. 4 pages / 1195 mots
- XXVIII Env. 10 pages / 3152 mots
- XXIX Env. 9 pages / 2920 mots
- XXX Env. 2 pages / 528 mots
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