Chapitre 1

L'explosion d'Internet s'est doublée d'une explosion des ventes d'ordinateurs aux particuliers. En plus, certains quadragénaires offrent leur vieil ordinateur à leurs vieux parents après  l'achat d'un neuf pour leur usage.

Mais tous maîtrisent-ils leur PC ? Rien n'est moins sûr.

On pourrait penser que l'informatisation des entreprises aurait permis la formation de nombreux employés, que l'école apprendrait aux jeunes les notions de base, que les acheteurs s'investiraient dans l'étude et la découverte de leur matériel : la réalité est toute autre.

Lorsque le profane débarque sur le bureau de Windows, il a à sa disposition un minimum d'icônes? Il n'en utilisera même pas le quart.

Quant au bouton démarrer, il ne lui servira que pour éteindre l'ordinateur, car il ne sait pas qu'aujourd'hui, il a le droit d'appuyer sur le bouton on/off pour que Windows se ferme normalement.

Les icônes qui vont servir à la majorité des utilisateurs sont les suivantes :

- l'icône du navigateur internet : en majorité Internet Exploreur

- le raccourci vers le courrier, qu'un utilisateur lambda doit cliquer  pour lancer la messagerie en ligne ou celle d'Outlook express installée par un copain "informaticien", un gendre ou un petit-fils, messagerie de plus en plus souvent irrécupérable...

Ensuite, on peut trouver un raccourci Meetic surtout pour les vieilles peaux telles ma belle-mère, des répertoires de photos en vrac sur le bureau, et le lecteur média ou un jeu, souvent de cartes.

Bienvenue dans la médiocrité.

Au bout de sept à dix ans de XP, les gens n'ont toujours rien appris, n'ont pas fait évoluer leur ordinateur, ont laissé s'encrasser de poussières leurs ventilateurs devenus bruyants et leurs radiateurs brûlants qui font ralentir les processeurs, ont laissé s'accumuler les fichiers temporaires, voire ont saturé le disque C ce qui ralentit leur utilisation à l'extrême, et ont un disque D: vide. Ils ne savent pas faire de sauvegardes sur clé USB  et ne veulent pas changer d'ordinateurs, parce qu'ils ont peur de ne plus s'y retrouver, et de perdre leurs photos et leur courrier. Ils savent utiliser google avec un ou deux mots pour rechercher du X, une émission de télé, un film, une musique, mais ne savent pas quel mot mettre pour essayer de se dépatouiller.

N'abordons pas le problème des sauvegardes de données personnelles, source de tant de pertes quand on sait les flashages systématiques des nouveaux appareils photos numériques qui interdisent sous peine de ruine toute impression systématique sur du bon papier.

Je ne parle même pas de réinstaller leur imprimante de dix ans ou leur clé Wifi.

Mon patron se frotte les mains. La bêtise de la plupart de ses clients lui permet aujourd'hui de les aider à franchir le gué entre deux ordinateurs, et ce sont les grandes surfaces qui perdent ainsi des clients au profit, enfin, des vrais professionnels de la vente informatique.

En ce sens, c'est un bienfaiteur !

Néanmoins, cette mésaventure ne rend pas ses clients plus malins, et va finir par faire son malheur. Les coups de téléphone de vieux en particulier, de pas si vieux en général, qui ont quelque chose qui a changé sur leur écran et qui ont peur d'un virus, se multiplient. Malgré la prise en main à distance, il faut se farcir leur histoire trois fois au ralenti, et il faut bien le dire, c'est fatigant.
Car ces gens-là croient que pour un léger surcoût, ils ont acquis au nom du service client une maintenance informatique gratuite à vie. Et dès qu'on leur explique qu'ils doivent un peu apprendre à se débrouiller, ah, c'est un scandale. Ils sont prêts à payer un peu, soit, mais pour apprendre, à même seulement lire les menus en français, il n'y a plus personne.

Ce serait comique si certains n'étaient pas méchants en plus, quand on essaie de leur faire comprendre qu'ils sont la cause de leurs problèmes.

Personne ne penserait à demander à un vendeur de canards de venir à domicile le cuire et le servir à table, voire le faire manger à la petite cuillère aux convives, à l'heure qui leur convient et de faire la vaisselle en partant. Sans payer un fifrelin en plus. En informatique, certains services demandés vont encore plus loin, car les clients veulent en plus être caressés dans le sens du poil pour ne pas dire plus.

J'ai toujours aimé mon travail. J'ai un excellent patron. C'est pour cela que nous avons décidé d'une rupture conventionnelle.

Mais selon certains clients, j'aurais dû être licencié pour faute grave : je leur ai fait sentir leur ignorance fautive quand ils se sont impatientés de mon manque d'empressement à les dépanner pour rien alors que j'avais de malheureux PC maltraités à remettre en selle.

J'aime toujours ce travail. Mais bientôt, je choisirai mes clients, ceux qui seront motivés pour une formation, une formation à ma manière. Parce qu'aujourd'hui, j'ai eu une cliente qui voulait n'apprendre que ce qu'elle voulait savoir, bref, être une touriste qui se balade en pays étranger avec des phrases toutes faites. 
Mais, désolé Madame, je n'ai pas appris tout ce que je sais pour servir de Cicérone ou de laquais à des décérébrés.

Vous ne savez pas où se situe le bureau de Windows ? Vous ignorez l'existence d'un explorateur de fichiers ? Vous ne voulez pas le savoir, et voudriez plutôt faire de l'informatique aussi facilement que Monsieur Jourdain fait de la prose ? Contentez-vous donc de la télévision et de la téléphonie illimitée proposée par les FAI,  achetez-vous une tablette tactile, vous vous simplifierez la vie...

A bon entendeur...